Au-delà des ravages humains et matériels, les guerres ont également des conséquences dévastatrices pour l’environnement. Sols contaminés, eaux polluées, écosystèmes anéantis : la nature est une victime collatérale des conflits armés souvent négligée. Pourtant, la dégradation des ressources naturelles et des écosystèmes laisse des cicatrices profondes qui mettent en péril la survie des communautés bien après la fin des combats.

Entre 1950 et 2000, plus de 80 % des principaux conflits armés se sont déroulés dans des zones à risque pour la biodiversité [1]. Si la guerre a toujours été néfaste pour l’environnement, l’ampleur des destructions a atteint un nouveau seuil avec les guerres industrielles du XXème siècle. Dans les années 60, la Guerre du Vietnam a marqué un tournant important avec des atteintes massives et délibérées à l’encontre des espaces naturels. L’épandage de millions de litres d’agent orange, puissant herbicide, a dévasté les forêts du Sud du Vietnam, pollué les terres agricoles et causé la disparition locale de nombreuses espèces animales.

Comment les conflits armés ravagent aussi l’environnement

Partout dans le monde, chaque conflit révèle un dénominateur commun : l’utilisation d’armes destructrices telles que des bombes, des mines et autres explosifs de guerre. Ces armes, loin de se limiter à leurs effets immédiats sur le champ de bataille, laissent des traces écologiques durables.

Les résidus toxiques et métaux lourds présents dans les munitions peuvent contaminer les sols, parfois au point de les rendre infertiles et impropres à l’agriculture. La dégradation des terres prive les communautés locales de leur principale source de subsistance, aggravant ainsi l’insécurité alimentaire dans les contextes les plus sensibles. Ces substances toxiques infiltrent également les cours d’eau, les nappes phréatiques et les sources d’eau potable, et exposent donc les populations à des risques sanitaires graves. Elles peuvent persister dans l’environnement pendant des décennies et, par conséquent, amplifier les effets des conflits sur les générations futures.

À Fao, en Irak, les palmiers endommagés pendant la guerre Iran-Irak dans les années 1980 n'ont pas repoussé. 26 février 2020. © CICR

À Fao, en Irak, les palmiers endommagés pendant la guerre Iran-Irak dans les années 1980 n’ont pas repoussé. 26 février 2020. © CICR

À ces dommages souvent invisibles s’ajoute la pollution atmosphérique : les incendies provoqués par les bombardements et les explosions libèrent d’énormes quantités de particules fines et de gaz toxiques. Ces émissions peuvent s’étendre bien au-delà des zones de combat et affecter la qualité de l’air même dans des régions éloignées.

Hamed Jasim, un ouvrier irakien du pétrole se couvre le visage alors qu’il se tient au milieu d’une épaisse fumée s’élevant d’un champ de pétrole en combustion. © EPA / Ahmed Jalil

La guerre fait payer un lourd tribut à la biodiversité, et le cas du conflit en Ukraine en est une illustration frappante. Bien que l’Ukraine ne représente que 6 % du territoire européen, elle abrite 35 % de l’ensemble de sa diversité biologique [2]. Fin 2023, les incendies avaient déjà dévasté 12 000km2 de forêts, soit environ 20% de la surface forestière du pays [3]. Cette destruction massive met en péril l’équilibre de la faune et de la flore qui dépendent de ces zones pour survivre.

Conflit armé et crise climatique : un cercle vicieux pour les États les plus vulnérables

Les conflits armés actuels se déroulent en grande partie dans les épicentres de la crise environnementale et climatique mondiale. Selon l’indice ND-Gain, sur les 25 États jugés les plus vulnérables et les moins prêts à s’adapter au changement climatique, 14 sont actuellement affectés par des conflits.

S’il n’existe pas de corrélation directe entre le changement climatique et les conflits, les pays en guerre sont moins à même de faire face aux effets du changement climatique, précisément en raison de l’affaiblissement de leur capacité d’adaptation dû aux conflits. De plus, ces pays sont parmi les moins soutenus en matière de financement climatique, notamment pour le financement de l’adaptation, alors qu’ils subissent les effets du changement climatique avec une intensité accrue.

Dans son dernier rapport Contre vents et marées publié en mars 2024, le CICR analyse les moyens de renforcer la résilience des personnes vivant dans une situation de conflit face aux risques climatiques croissants et à la dégradation de l’environnement.

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Pour approfondir :

 

[1] Thor Hanson et al., « Warfare in Biodiversity Hotspots », Conservation Biology, vol. 23, n° 3, 2009, pp. 578- 587.

[2] Convention des Nations unies sur la diversité biologique, Page de l’Ukraine, https://www.cbd.int/countries/profile?country=ua.

[3] Futura-Sciences, Guerre en Ukraine : les chiffres alarmants d’un désastre écologique mondial, le 5 mars 2024, https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/environnement-guerre-ukraine-chiffres-alarmants-desastre-ecologique-mondial-111753/