Le cardinal Stanislas Touchet (1848-1926) n’est pas à proprement parler ce que l’on nomme un républicain. Tout le contraire. Pour autant, l’évêque d’Orléans, farouche opposant à la laïcité et à la séparation des églises et de l’Etat (loi du 9 décembre 1905), sut donner une parfaite définition de la neutralité humanitaire.
« L’évêque de Jeanne d’Arc » comme il se surnommait lui-même, Orléans oblige, fit même preuve de fulgurance quant à l’avenir de la protection des victimes de guerre et de la nécessaire évolution du droit international humanitaire…
Voici ce qu’il en disait lors d’une allocution en l’Eglise de la Madeleine à Paris, le 5 mai 1897 au lendemain du terrible incendie du Bazar de la Charité… Le CICR avait alors 34 ans.
De la neutralité
« (…) Quoi qu’il en soit, c’est appuyée sur ce principe que la noble convention de Genève conclut la nécessité de neutraliser l’ambulance et tout ce qui touche à l’ambulance. Le blessé militaire, le malade militaire, disait-elle, sont devenus inoffensifs, donc ils sont «devenus sacrés. Sacré aussi par conséquent le médecin qui les soigne, sacré l’infirmier qui les assiste, sacré le toit qui les abrite ».
Victorieux, vous passerez devant cela et vous n’y toucherez pas ! Très bien, Très bien.
Mais, dites-moi, pensez-vous que les blessés et les malades de guerre soient les seuls inoffensifs? (…)
De la protection des civils
(…) Nous savons donc ce qu’est le visage de l’ennemi. Ayant été plus broyés que qui que ce soit, nous avons qualité pour demander si le blessé, si le malade de guerre est le seul qui puisse, qui doive être couvert par une convention internationale.
Leur blessure, leur maladie rendent le blessé et le malade de guerre inoffensifs, certainement; mais n’y en a-t-il point — individus et collectivités — que leur condition, leur âge rendent de même inoffensifs? N’y a-t-il rien à ajouter aux articles « les sauvegardes internationales, en faveur des fermes isolées, des villages sans défense, des villes ouvertes, des
femmes, des enfants, des vieillards ? N’y a-t-il rien à décider contre les réquisitions formidables et arbitraires ? Après avoir fait de voire mieux en faveur de ceux qui ne guerroient plus, n’avez-vous rien à faire pour ceux qui ne guerroient pas ?(…)
Ainsi, 52 ans avant la 4ème Convention de Genève protégeant (enfin) les civils dans les conflits armés (12 août 1949), s’indignait un curé français. Il fallut beaucoup d’horreurs dont deux guerres mondiales pourqu’au mitan du XXème siècle les Etats reconnaissent enfin la dimension « sacrée » et le caractère « inoffensif » des civils.
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