Aux Etats-Unis, les années 1920 voient le Ku Klux Klan, organisation violente et raciste, atteindre des sommets d’adhésion. En réponse et pour se protéger, la communauté afro-américaine, prône la création d’organisations communautaires. S’agissant du secours et du social naît une organisation calquée sur la Croix-Rouge : la Croix-Noire… Elle oeuvrera pendant une quarantaine d’années…

Il y a un siècle, Henrietta Vinton Davis, la soixantaine passée, abandonne sa carrière de grande artiste dramatique. Première actrice afro-américaine, familière du répertoire tant classique que moderne, de Shakespeare à Schiller en passant par Mark Twain, elle va désormais se consacrer à la lutte pour les droits civiques et la protection des Afro-américains

Grippe espagnole et Ku Klux Klan

Marcus Garvey incarne cette lutte. Immigrant jamaïcain, il reste le fondateur du mouvement internationaliste « New Negro ». Le point de départ de son combat remonte à la pandémie de grippe espagnole en 1918 qui frappe alors les Etats-Unis. Les noirs ont bien moins accès aux soins que les blancs, souffrent plus, meurent plus.

En outre, ces années connaissent l’apogée de l’organisation raciste et violente du Ku Klux Klan. Elle atteint des sommets en nombre d’adhérents avec le chiffre effrayant de deux millions de membres…

Lire aussi : La Croix-Rouge et les croix vertes

Henrietta Vinton Davis, passionaria et militante

En réponse, Marcus Garvey aidé entre autres par Henrietta Vinton Davis et sa notoriété, crée l’Universal Negro Improvement Association (UNIA). Cette organisation agira en puissant mouvement social mais aussi en protectrice des Afro-américains. La Croix-Rouge américaine incapable de fournir les mêmes prestations aux noirs dans nombre d’Etats, pousse Henrietta Vinton Davis à créer une société d’entraide communautaire. Calquée sur la société de secours américaine, elle met sur pied à Philadelphie le corps des Black Cross Nurses, auxiliaires de l’UNIA. Dès 1921, les infirmières de la Croix-Noire sont présentes dans 38 Etats !

L’héraldique sera une croix noire anthropomorphe qui semble s’opposer à la croix de feu du sinistre Ku Klux Klan.

Lire aussi : Et la Croix-Bleue dans tout ça ?

La Croix-Noire, calque de la Croix-Rouge

L’organisation fonctionne à l’instar d’une Croix-Rouge nationale offrant secours et assistance, éducation en soins maternels et infantiles, alphabétisation. Elle dispose même d’un volet international avec des programmes au Bélize, Canada, Panama ou encore Trinité et Tobago.

Jusqu’en 1925 la Croix-Noire va se développer tous azimuts jusqu’à la disgrâce du fondateur de l’UNIA. Accusé depuis 1922 de fraude par le fisc américain pour la gestion de Black Star Line – une compagnie maritime -, Marcus Garvey est arrêté, jugé et incarcéré.

Craignant de voir celui que les rastafaris surnomment le « Moïse noir », le président Calvin Coolidge commue sa peine en exil à vie en Jamaïque, pays de ses racines. Sans Garvey, l’UNIA perd en influence. Pour autant, le corps auxiliaire des Black Cross Nurses va perdurer jusque dans les années 60. Durant la guerre Italo-éthiopienne par exemple, les Black Cross Nurses canadiennes fournissent quantité de pansements à la Croix-Rouge éthiopienne que réorganise alors le CICR.

En 1941, Henrietta Vinton Davis meurt à 80 ans à Washington. Elle laisse derrière elle un combat et une oeuvre humanitaire et sociale majeurs pour la communauté afro-américaine. Elle est aussi, avec Garvey, l’auteur des trois couleurs du panafricanisme rouge, noir, vert.

Lire aussi : Quand la croix des pharmacies était rouge

A la fin des année 60…

Avec l’essoufflement du ségrégationnisme, la Croix-Noire va perdre en rayonnement. Elle se maintiendra dans l’éducation populaire dans certaines villes jusque dans les années 1960. Les infirmières et travailleuses sociales formées sous l’égide Henrietta Vinton Davis, elles, rejoindront petit-à-petit les rangs de la Croix-Rouge américaine ou d’autres organisations.