Parmi les dizaines de milliers de chiens militaires, ratiers, porteurs de messages, tracteurs de mitrailleuse, mascottes, utilisés durant la Première guerre mondiale, un seul se distinguait d’une croix rouge : le chien sanitaire.

Dans l’iconographie ancienne de la Croix-Rouge, le chien sanitaire tient une place de choix. En témoigne le nombre de cartes postales éditées tant en France qu’en Allemagne montrant l’animal au chevet de son meilleur ami, le soldat blessé !

Les historiques : Juno, Mars et Sanita

Belges et Allemands sont les premiers à utiliser des chiens sur le champ de bataille pour le ramassage des blessés. En 1890, Mars et Juno, deux bergers allemands sanitaires intègrent, outre-Rhin, les Chasseurs de la Garde. En 1895, Sanita, une jeune chienne retrouve en trente minutes, lors d’un exercice en terrain accidenté et sous une chaleur accablante, pas moins de huit «nids de blessés », trou ou fourré vers lequel a rampé le soldat moribond en quête d’ultime abri.

Démonstration est faite pour faire du chien un indispensable auxiliaire du service de santé des armées.

Les français s’y mettent aussi

Il faudra attendre 1908 pour que les Français se laissent convaincre de l’utilité du chien sanitaire. Les premières équipes cynophiles utilisent des chiens censés combiner force, endurance et taille moyenne. Le sauveteur doit en effet pouvoir se faufiler le plus aisément possible dans les décombres. Il doit aussi être chien de nez, intelligent, capable de faire la différence entre un blessé et un cadavre. Quand les Français se posent ces questions, les troupes du Kayser utilisent depuis déjà près de vingt ans des bergers allemands, race inventée à la fin du XIXème siècle.

« Marquer le blessé »

La mission du chien sanitaire est simple : accompagner les brancardiers sur le champ de bataille et « travailler » autour d’eux dans un rayon de 200 mètres. Lorsque l’animal a découvert un blessé, il doit soit aboyer en restant au chevet de la victime (Todt Erbellen, aboyer à la mort, comme disent les Allemands), soit aller directement chercher le brancardier pour le guider. Pour le médecin-major Bichelonne, fervent promoteur en 1907 de la création d’équipes cynophiles sanitaires en France : (…) « Le chien portera un collier muni de grelots. Sur le collier seront inscrits les nom et affectation du chien. Un surfaix permettra de fixer un cordial (NDLR : fiole d’alcool fort), un paquet de pansement ainsi qu’une couverture en toile cirée doublée portant la croix de Genève et qui pourra être déroulée par les nuits froides et pluvieuses » (…). Lire le rapport.

Finalement peu utilisés

Avant de partir sur le front – Asnières, 1915. Photo : Agence Rol

Les chiens sanitaires furent essentiellement utilisés durant la Première guerre mondiale. Près de 3500 des deux côtés de la ligne de front. Mais in fine, malgré le capital sympathie qu’inspirent les cartes postales des héros à quatre pattes, peu de chiens sanitaires eurent une réelle efficacité opérationnelle. Tout simplement parce qu’à la guerre de mouvement des premiers mois succéda la guerre de position. Ainsi, entre deux tranchées et sur un front figé, les superficies des zones de recherches, relativement modestes, ne nécessitaient pas l’utilisation des chiens.

Ancêtres des chiens de « catastrophes »

Les chiens sanitaires ont depuis longtemps disparu mais ils demeurent les ancêtres des chiens de sauvetage-déblaiement utilisés à travers le monde par les pompiers ou la protection lors de catastrophes telles que les tremblements de terre, glissements de terrain ou encore effondrements d’immeubles.

Seuls les Suisses continuent à perpétuer le souvenir des chiens sanitaires à travers des concours de recherches. Une façon peut-être d’honorer la « Croix de Genève » qui ornait les flancs des compagnons canins. Il est vrai qu’un chien sanitaire portera assistance à tout blessé, quel que soit son camp… Ce qui lui importe est la victime !