Cette histoire n’a rien à voir avec l’actuelle pandémie de Covid-19 mais il y est pourtant question d’une lutte acharnée au dénouement extraordinaire, fruit d’un concours de circonstances.

En 1974, une épidémie foudroyante de méningite cérébrospinale frappe le Brésil. 4000 morts à São Paulo en quelques jours. Etrangement, la souche est de type A, de type africain. Elle est bien connue d’un médecin militaire français, grand épidémiologiste, coureur de brousse et pourfendeur de bureaucrates, Léon Lapeyssonnie (1915-2001). Fervent adepte du docteur Eugène Jamot (1876-1937), médecin colonial, vainqueur de la maladie du sommeil (Trypanosomiase) en Afrique Occidentale, Lapeyssonnie consacrera sa vie à la lutte contre la méningite, le choléra et la « trypano ».

C’est lui qui, en 1963, décrira scientifiquement sur le terrain : la « ceinture de la méningite en Afrique».

A Lyon, le médecin pasteurien et industriel français, Charles Mérieux (1907-2001) se laisse convaincre par Lapeyssonnie de la nécessité de créer un vaccin. En quelques années, c’est chose faite. Les flambées épidémiques commencent à être circonscrites, particulièrement celles en lien avec les traditionnelles périodes de pèlerinages vers La Mecque. C’est dans ce contexte que surgit en 1974 au Brésil une épidémie de méningite de souche africaine.

90 millions de Brésiliens en six mois !

Seul l’Institut Mérieux dispose du vaccin, inventé quelques années auparavant pour protéger les populations vivant dans la « ceinture Lapeyssonnie ». Mérieux décide alors de consacrer tous ses moyens de production de Marcy l’Etoile près de Lyon à la fabrication du vaccin. Ceux-ci fonctionneront jour et nuit. Un pont aérien est établi entre Lyon et les différentes villes brésiliennes. Aux autorités sanitaires du pays d’assurer la vaccination de toute la population, jusque sur les trottoirs s’il le faut grâce au Pedojet, pistolet hydraulique injecteur sans aiguille américain (*).

Dix millions d’habitants de São Paulo sont vaccinés en cinq jours, 90 millions de Brésiliens en six mois ! L’épidémie est cassée.

En 2010, j’avais interviewé Claude Lardit sur « le Brésil 74 », épopée unique dans les annales de l’immunologie et de la vaccination. L’ancienne secrétaire générale de la Fondation Mérieux et présidente d’honneur de Bioforce est décédée en 2018.

L’expérience du Brésil – frapper vite et fort avec une organisation du travail sans faille – fut transformée par les pionniers de labo et de terrain que furent le docteur Mérieux et le professeur Lapeyssonnie. Ceci aboutira 10 ans plus tard, en 1984, à la création de la première école de logistique humanitaire, Bioforce.

(*) A l’issue de l’expérience du Brésil, Lapeyssonnie travaillera à l’amélioration du pistolet injecteur sans aiguille américain, Pedojet (fragile et nécessitant une maintenance complexe). Ainsi naquit l’Imojet (moins de pièces et plus solide) qui fut utilisé dans certains « programmes élargis » de vaccination, type coup de poing.