Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) réalise plusieurs productions cinématographiques dans le but « de faire comprendre par le film, sous une forme vivante et populaire, le sens de son œuvre et la signification de la Croix-Rouge »[1]. Parmi ces productions, Le drapeau de l’humanité (1942) et Une voie reste ouverte ! (1944) illustrent le travail de l’Agence centrale des prisonniers de guerre. En 1944, deux autres documentaires sont réalisés : Deutsche Kriegsgefangenen in einem Arbeitslager in Kanada, sur la vie quotidienne des prisonniers de guerre et internés civils allemands au Canada et Ein Soldat wird vermisst, sur le travail mené par l’Agence en vue de réunir un soldat et sa famille, ce dernier intégrant des scènes jouées. Enfin, Prisonnier de guerre…, dont il est question dans ce travail, est réalisé au début de l’année 1945[2]. Il s’agit d’une fiction qui traite du quotidien désolant des prisonniers de guerre dans les camps, en proie à ce que l’on appelait, à l’époque, la « maladie des barbelés ». Ce film suscite de nombreuses interrogations tant à propos de sa création que de sa forme ou de son scénario. Dans un premier temps, nous allons nous intéresser au contexte de production et à la réalisation du film, puis nous proposerons une analyse de certains aspects de son contenu.

Le contexte de production

Après avoir étudié les dossiers d’archives et la littérature secondaire du CICR, nous constatons qu’il ne subsiste que très peu de documentation à propos de Prisonnier de guerre…. Les quelques éléments recueillis dans les archives et dans diverses sources telles que des articles de presse permettent tout de même d’établir la synthèse que voici[3].

Pourquoi ce film ?

Réalisé au début de l’année 1945, le film a pour but d’être projeté dans le cadre d’une exposition itinérante organisée par le CICR. Intitulée Captivité cette exposition dévoile au public suisse la dure réalité des conditions de vie des prisonniers de guerre, détenus en mains ennemies durant la Seconde Guerre mondiale[4]. Elle est constituée d’objets taillés au couteau, de tableaux, de maquettes de bateaux, d’instruments de musique et autres artefacts, qui permettent aux visiteurs de prendre conscience de la longueur des journées en captivité et de la nécessité de trouver des occupations. Un numéro du Ciné-Journal suisse conservé dans nos archives, dans sa version allemande, est consacré à l’exposition[5]. Les créations des prisonniers sont présentées mais curieusement, aucune mention n’est faite de la projection de Prisonnier de guerre… dans le cadre de l’exposition.


Kriegsgefangene [Aus Gefangenen-Lagern] (© Ciné-Journal suisse; 1945; V-F-CR-H-00057) 00:01:06:00 – 00:01:45:00

Le film est en revanche bel et bien mentionné dans plusieurs articles de presse :

« On passe, enfin, dans la salle de cinéma, où un fort beau film nous fait voir et sentir les progrès du “cafard”, cette maladie des barbelés, la lutte incessante que le prisonnier doit livrer pour ne pas se laisser vaincre par cette affreuse psychose. » [6]

Par sa nature itinérante, l’exposition est décrite dans la presse régionale lors de son passage. C’est ainsi que l’on constate qu’après Zurich, elle a notamment fait escale dans les villes de Genève, Fribourg et La Chaux-de-Fonds[7].

La production

Si la principale raison de produire ce film au début de l’année 1945 réside dans la tenue de l’exposition itinérante, il n’est en revanche pas possible de connaître les motivations du CICR quant au scénario, ni au type de film choisis. Le CICR est davantage habitué à produire des documentaires que des fictions. À la conception – tant de l’écriture du scénario que du tournage et du montage – le CICR mandate la société productrice Central-Film S.A. à Zurich, déjà à l’origine d’Une voie reste ouverte !, sorti en mars 1944. Vraisemblablement entamées dans le courant de l’année 1944, les discussions autour de l’élaboration du film se déroulent principalement entre Hans de Wattenwyl, directeur du département de l’information du CICR, et Paul Meyer, directeur de Central-Film. La correspondance qui subsiste dans les archives, bien que non exhaustive, permet de mettre en lumière certains éléments liés au contexte de production.

La réalisation de Prisonnier de guerre… est finement orchestrée par Kurt Früh, qui n’en est pas à son premier film pour le CICR, puisqu’il a co-réalisé les deux documentaires que sont Le drapeau de l’humanité et Une voie reste ouverte ![8]. Il est également en charge de l’élaboration du scénario avec Umberto Bolzi. Pour les besoins de l’écriture, les scénaristes se sont vraisemblablement entretenus avec le Dr Marti, délégué au CICR[9]. En effet, le scénario s’inspire d’un rapport de visite rédigé par un délégué, probablement ce même docteur[10].

Le financement

En ce qui concerne le financement du film, l’absence de détails dans les archives ne nous permet pas d’établir un constat précis sur la part d’investissement de chacune des parties. Certains documents mentionnent un important apport de la part de Central-Film : « notre équipe de production mettra tout en œuvre pour créer un film de la plus haute qualité, car leur [sic] travail est crucial pour couvrir notre importante contribution financière »[11]. À l’inverse, d’autres documents soulignent que « ce film a été commandé par le Comité Internationale [sic] de la Croix-Rouge qui supporte la plus grande partie des frais d’exécution, le reste étant financé par Central-Film »[12].

Cinq mois seulement séparent la première mention de Prisonnier de guerre… dans les archives de la date de la première. Si au début des échanges, Central-Film est très enthousiaste à l’idée de produire ce film, misant sur des possibilités d’exploitation futures[13], au cours de ces quelques mois, les relations semblent se détériorer entre les deux entités. La raison est sans doute principalement financière, la réalisation du film ayant nécessité des sommes importantes. En outre, le manque de rapidité du CICR à faciliter l’obtention un visa de voyage pour Paul Meyer afin qu’il aille négocier la distribution du film à l’étranger, va également jouer un rôle. Dans de nombreux échanges avec le CICR, l’impatience du directeur de Central-Film se fait sentir :

« Maintenant que le cessez-le-feu a été déclaré, la nécessité d’une sortie anticipée du film de la Croix-Rouge “Prisonnier de guerre…” devient d’autant plus urgente que le film est de plus en plus obsolète et donc sans valeur. » [14]

Pour des raisons inconnues, les démarches d’obtention d’un visa à travers le CICR – censé pourtant accélérer le processus – vont s’éterniser et lorsque Paul Meyer peut enfin se rendre en France, le moment opportun pour diffuser le film semble en effet passé et ne permet plus une distribution – ni des recettes – aussi importantes qu’attendues[15].

La répartition des coûts et des bénéfices de Prisonnier de guerre… entre le CICR et Central-Film reste floue. Dans l’ensemble, il est surtout possible d’en conclure que ce film a engendré d’importantes pertes pour tout le monde.

Dans cet aperçu du contexte de production du film, nous constatons que les démarches se font très rapidement entre l’écriture, le tournage et le montage, afin qu’il soit prêt à être projeté lors de l’exposition itinérante débutant le 4 mai 1945 à Zurich. Cependant, son contenu n’étant bientôt plus en lien avec l’actualité de la guerre, qui touche à sa fin, les ventes du film à l’étranger ne vont pas être à la hauteur des espérances dans les mois qui suivent sa sortie.

En ce qui concerne la diffusion du film, il faut néanmoins souligner la projection de Prisonnier de guerre… lors de la première édition du Festival de Cannes en 1946, où il est en compétition dans la catégorie des courts-métrages[16].

Le film

Que raconte Prisonnier de guerre… ?

Les prisonniers de guerre internés dans des camps constituent le sujet de cette fiction, comme l’évoque son titre. Durant près de 28 minutes, le film montre l’existence quotidienne de quelques hommes qui, coupés du monde, voient défiler les jours les uns après les autres, sans savoir quand ils pourront retrouver la liberté. Le spectateur suit plusieurs personnages, incarnés notamment par Guy Tréjan, Jacques Mancier et William Jacques[17], tous trois au début de leur carrière respective. À travers son caractère, ses états d’âmes et ses activités, chaque personnage joue un rôle distinct qui permet d’illustrer la vie au camp, les interactions entre les hommes et l’impact de la captivité sur le moral.

L’action se déroule dans un camp de prisonniers, alternant des scènes dans les baraquements et des scènes de travail en extérieur[18]. Le film ne dévoile rien sur l’origine des prisonniers ni sur celle de leurs geôliers dont on ne voit d’ailleurs presque jamais le visage. De plus, aucune notion de temps ni de lieu n’est donnée[19]. Dans ce flou visiblement volontaire, on peut voir le principe d’universalité défendu par le CICR. Ce qu’il importe de mettre au centre du film, c’est l’homme captif et non le contexte dans lequel il est fait prisonnier.

Comme évoqué précédemment, le film est inspiré d’un rapport rédigé par un délégué du CICR sur la « maladie des barbelés », une psychose qui touche les captifs après un long temps d’internement. Elle constitue la trame de fond de l’histoire. Dans un texte de 1918 de la Revue internationale de la Croix-Rouge, l’emprisonnement, l’impossibilité à être seul et l’incertitude sur la durée de la captivité sont décrits comme étant les causes principales de ce qui est aussi appelé la « maladie du fil de fer » ou le cafard[20]. Ce mal-être du captif, déjà connu depuis la Grande Guerre, réapparaît lors du second conflit mondial et l’enfermement dans des camps de plusieurs millions de soldats et d’officiers.

En captivité, la lutte contre le temps constitue le principal facteur du développement de la « maladie des barbelés ». Selon les propos de l’historienne Annette Becker, « souffrances physiques et morales s’ajoutent et se multiplient par le temps, dans le temps. […] La prolongation de la captivité nécrose les espoirs les plus tenaces »[21]. Dans la mesure du possible, chaque prisonnier s’occupe à sa manière afin de tuer le temps, d’oublier sa triste condition et de s’évader de son quotidien. Les distractions matérielles ou intellectuelles tiennent le rôle de refuges qui aident à vaincre la monotonie de l’emprisonnement et la longueur des jours[22]. Le film traite de cette maladie et de la notion de temps à travers divers biais, que sont le scénario, la mise en scène ou les procédés cinématographiques. Nous allons mettre en avant les éléments qui permettent d’entraîner le spectateur dans le quotidien du prisonnier de guerre.

Mise en scène et dialogues

Le scénario est minutieusement construit, afin que le film illustre au mieux la façon dont les prisonniers cohabitent et vivent en captivité. À travers des rôles stéréotypés, les personnages interagissent dans une lutte commune, celle pour ne pas sombrer dans le cafard. Chacun d’eux, avec ses humeurs et ses passe-temps, joue un rôle précis dans le déroulement du film. Il y a ceux qui jouent aux cartes, ceux qui lisent, ceux qui se rassemblent en « club » afin de discuter de l’avenir ou celui qui grave les jours dans le bois, entre autres. Bien que tous souffrent du cafard et de l’ennui, on observe un contraste entre certains personnages très pessimistes et d’autres plus optimistes.

Le personnage principal de Pierre, un jeune architecte, est un bon exemple. Dès le début du film, il montre des signes de désespoir et de lassitude. Ses propos témoignent d’une vision très pessimiste de l’avenir et il semble résigné devant l’adversité.


Prisonnier de guerre… (© CICR; FRUH, Kurt; 1945; V-F-CR-H-00042) 00:15:16:00 – 00:15:57:12

À plusieurs reprises ses camarades vont tenter de lui remonter le moral, comme lorsque Jean lui dit :

« Tu t’enfonces mon vieux. Tu t’enfonces dans le cafard. Faut faire quelque chose. Préparer l’avenir. » [23]

« Préparer l’avenir », Pierre n’y croit plus. Avec amertume, il ne voit plus d’intérêt à « bâtir des villes pour les démolir à coups de bombes »[24]. Son métier d’architecte semble en effet accentuer cette désillusion envers l’avenir. Cependant, un tournant s’opère au cours du film et l’attitude de Pierre se transforme doucement. Il retrouve progressivement sa raison d’être en rejoignant ses camarades autour de discussions portées sur la reconstruction des villes détruites. Il est alors placé au centre de la table dans un rôle de meneur, peut-être en raison de son niveau d’étude plus élevé que celui de ses compagnons d’infortune. Mettant ainsi à contribution son savoir pour réfléchir au monde de demain, Pierre semble amorcer lui-même un retour à la vie.

Le personnage de Paul est un autre exemple d’homme prêt à baisser les bras. Dans la première partie, il fait part de son désarroi quant à sa raison d’être :

« Paul : Avant j’étais violoniste dans un orchestre. Sans mon instrument, je ne vaux pas plus qu’un pou.
Jean : Mais un violon, tu sais bien que tu vas en avoir un. Le délégué te l’a promis. » [25]

Lorsque Paul reçoit finalement le violon tant attendu, il ne veut plus en jouer et semble fortement affligé par le désespoir. À la fin du film, lorsqu’un sentiment d’espérance renaît chez plusieurs des personnages, le son du violon se met à résonner : Paul a repris son archet et joue (voir la séquence 4). La mélodie qui émane du violon suggère qu’il a retrouvé une lueur d’espoir. C’est ainsi que dans les dernières scènes, nous observons une attitude globale plus positive chez les prisonniers, qui semblent avoir su surmonter le cafard qui les rongeait au début du film.

Narration

En dehors des dialogues entre personnages, le film comporte une narration omnisciente. Sous une forme que l’on pourrait presque qualifier de poétique, le narrateur décrit l’atmosphère des camps, livre les pensées et les questionnements des prisonniers. Il s’adresse parfois même directement à ces derniers.

Le propos du narrateur est sombre, pesant et répétitif, mais s’allège quelque peu au cours du film. Tant dans son contenu que dans sa forme, il est construit de manière rythmée, de sorte à accentuer le sentiment de monotonie et le défilement des secondes. Ainsi, nous relevons de nombreuses répétitions, que ce soit des ordres donnés par les gardes ou de certains termes comme celui de « barbelé », qui ne cesse de rappeler le statut de captifs des prisonniers. Dans l’extrait ci-dessous, les mots du narrateur accentuent par exemple le phénomène de répétition des jours afin de faire ressentir le temps qui passe… ou ne passe pas.


Prisonnier de guerre… (© CICR; FRUH, Kurt; 1945; V-F-CR-H-00042) 00:08:07:00 – 00:09:00:12

Parallèlement à ce genre de propos pesants, le narrateur transmet également un message réconfortant aux prisonniers :


Prisonnier de guerre… (© CICR; FRUH, Kurt; 1945; V-F-CR-H-00042) 00:27:08:24 – 00:28:01:00

Tout de suite après cette tirade pleine d’espoir sur fond de violon, la voix des gardiens vient brusquement rappeler la condition de captifs de ces hommes. Bien que les personnages démontrent un regain d’optimisme, ils sont toujours emprisonnés. En effet, les dernières paroles du narrateur viennent sonner un ultime rappel au défilement monotone des jours et des mois d’emprisonnement dans le camp :

« Après la journée grise, une autre journée grise, et le temps grisaille coule et ne coule pas. Lundi, mardi. Mai, novembre. » [26]

Procédés cinématographiques

Dans toute production cinématographique, l’esthétique joue un rôle important. Par la dimension visuelle et sonore du film, elle permet de transmettre des informations et des sensations au spectateur, qu’il en soit conscient ou non.

Prisonnier de guerre… est filmé en noir et blanc. Dès le début, la noirceur domine les images de manière saisissante. Il y a davantage de nuances sombres et le contraste entre noir et blanc est très marqué. Cette atmosphère obscure n’est pas le fait du hasard ou d’une mauvaise qualité d’image. Au contraire, il est certainement voulu par Kurt Früh, tant il augmente la touche de gravité et de pesanteur au film.

La musique et les bruitages ont également un rôle important, puisqu’ils ajoutent de l’intensité aux scènes. La bande sonore sert donc de vecteur supplémentaire afin d’accentuer le sentiment de froideur glaciale et de monotonie, déjà suggérés par d’autres procédés. En effet, presque tout au long du film, le son des percussions – amplifié lors de scènes de marche ou lorsque les gardiens donnent des ordres – marque le rythme incessant des secondes qui défilent, comme dans cet extrait.


Prisonnier de guerre… (© CICR; FRUH, Kurt; 1945; V-F-CR-H-00042) 00:06:03:15 – 00:06:38:22

À travers les différents éléments relevés ci-dessus (le scénario, la narration, l’esthétique visuelle et sonore) le spectateur pénètre ainsi dans le quotidien des prisonniers de guerre. Dans cette esquisse de la vie des captifs, le film illustre leurs états d’âmes, passant du désespoir à l’espoir, de la lassitude au regain d’enthousiasme – traduisant le retour d’un goût pour la vie et de l’espoir en l’avenir.

Le CICR dans le film

Le film ayant été commandé par le Comité international de la Croix-Rouge, nous pouvons nous interroger sur la place accordée à l’institution dans le scénario. Après le générique d’ouverture du film, ce texte introductif défile à l’image :

Prisonnier de guerre… (© CICR; FRUH, Kurt; 1945; V-F-CR-H-00042) 00:02:36:11 – 00:02:51:24

Suite à cette première mention, le film commence. La première partie servant à poser le contexte d’action du film, le CICR n’est abordé qu’après une dizaine de minutes. Puis, le narrateur explique que…

« … des millions de paquets font le tour du monde pour arriver jusqu’aux prisonniers. Des millions de paquets par la seule voie qui reste ouverte : les services de la Croix-Rouge qui transmettent à tous ces humbles messages du pays. » [27]

Au cours du film, la distribution de paquets aux prisonniers est plusieurs fois évoquée, sans toutefois être le centre du propos. À deux reprises, Jean et Pierre font allusion à un « délégué », sans doute venu faire une visite dans leur camp, et à qui ils ont pu exprimer des demandes spécifiques, telles que le violon pour Paul, des lunettes de vue ou des livres d’architecture. Bien que son action ne soit qu’esquissée, le film s’efforce de montrer que l’intervention du CICR (et d’autres institutions de secours) a des effets positifs sur le moral des prisonniers et permet de soulager leurs souffrances.

Outre l’objectif de projection lors de l’exposition itinérante, ce film de fiction –  réalisé alors que la guerre touche à sa fin – questionne sur ce que le CICR souhaite y transmettre. Mettant l’accent sur les personnages et leurs états d’âmes, il est destiné à sensibiliser la population sur les conditions de vie de ces hommes, depuis longtemps retenus captifs. Avec de brèves mentions de l’action du CICR, il vise également à montrer de quelle manière l’institution vient en aide aux prisonniers de guerre, afin de soulager quelque peu leur détresse physique, morale et émotionnelle. De plus, en sensibilisant ainsi la population – suisse avant tout – le CICR recherche peut-être à l’inciter aux dons.

Conclusion

Nous l’aurons constaté à plusieurs reprises, Prisonnier de guerre… est un film atypique qui, par plusieurs aspects, se démarque de la filmographie du CICR. En premier lieu par sa raison d’être : accompagner l’exposition itinérante Captivité sur les conditions d’internement et de captivité des prisonniers de guerre. Dans cette perspective, il faut relever qu’il est également l’un des premiers films qui met le bénéficiaire de l’action humanitaire au premier plan, en gardant l’institution en retrait. De plus, la nature fictionnelle du film, entièrement réalisée avec des acteurs dans un décor reconstitué, est novatrice.

De nombreuses interrogations subsistent néanmoins à l’issue de cette recherche. Le film ayant été produit vers la fin de la guerre, a-t-il atteint son objectif de sensibilisation du public ? Le choix du CICR de documenter, à travers une fiction, le quotidien des prisonniers de guerre est-il judicieux ? Bien qu’inspiré par un rapport de visite, Prisonnier de guerre… n’est pas représentatif de tous les types de captivité ayant existé. Il risque ainsi de donner une idée réductrice de ce que furent les camps de prisonniers de guerre. Il faut cependant noter qu’en 1945, la fiction constitue l’unique voie pour révéler les conditions de vie dans les camps de prisonniers, tant il est difficile – voire impossible – de filmer à l’intérieur de ces lieux.

Pour clore, notons que trois quarts de siècle après sa date de sortie, Prisonnier de guerre… continue de fasciner, d’interroger et de marquer le spectateur. Bien qu’atypique, ce film est un témoin important de la cinématographie du CICR, ainsi que des activités de l’Agence centrale des prisonniers de guerre.


[1] Rapport du Comité international de la Croix-Rouge sur son activité pendant la seconde guerre mondiale (1er septembre 1939 – 30 juin 1947), Volume I, Activités de caractère général, Genève : CICR, 1948, p.127.

[2] Le titre original, tel qu’il figure dans le film, est au singulier. Il arrive qu’il soit orthographié au pluriel ou sans les « … ».

[3] Ces résultats représentent un état des lieux actuel des connaissances et ne demandent qu’à être complétés. Il serait par exemple intéressant de pouvoir étudier les archives de Central-Film S.A. à Zurich au sujet de ce film.

[4] Die Tat, Zurich, 6 mai 1945, p.3 / Le Journal de Genève, Genève, 26 mai 1945, p.2 / La Liberté, Fribourg, 9 juin 1945, p.3 / La Sentinelle, La Chaux-de-Fonds, 7 juillet 1945, p.3.

[5] ACICR V-F-CR-H-00057. Inconnu, Kriegsgefangene [Aus Gefangenen-Lagern], © Ciné-journal suisse, 1945.

[6] La Sentinelle, Op. Cit.

[7] Le Journal de Genève, Op. Cit. / La Sentinelle, Op. Cit. / La Liberté, Op. Cit. / Die Tat, Op. Cit.

[8] Pour plus d’information sur Le drapeau de l’humanité voir : Meier Marina, Le drapeau de l’humanité : un film à la lumière des archives, Genève : CICR, 2016. Et sur Une voie reste ouverte ! voir :  Meier Marina, « Note sur Une voie reste ouverte ! » in Construire la paix : journées du film historique, Genève : La Revue du Ciné-club universitaire, hors-série, 2015, pp. 15-19.

[9] ACICR BG 58. 23 décembre 1944. Lettre de Paul Meyer à Hans de Wattenwyl.

[10] Le rapport n’a pu être identifié à l’heure actuelle. Un dépouillement minutieux des rapports de visites conservés dans les archives serait nécessaire afin de le retrouver.

[11] Traduction de l’auteure. ACICR BG 58. 23 décembre 1944. Op. Cit.

[12] Traduction de l’auteure. ACICR BG 58. 14 avril 1945. Lettre de Hans de Wattenwyl à un destinataire inconnu.

[13] ACICR BG 58. 23 décembre 1944. Op. Cit.

[14] Traduction de l’auteure. ACICR BG 58. 14 mai 1945. Lettre de Paul Meyer à Martin Bodmer.

[15] ACICR BG 58. 23 décembre 1947. Lettre de Paul Meyer au Comité international de la Croix-Rouge.

[16] Site officiel du Festival de Cannes

[17] Guy Tréjan (1921-2001) est un acteur et comédien franco-suisse qui a longtemps travaillé à Genève avant de poursuivre sa carrière au cinéma à Paris. Jacques Mancier (1913-2001) est un comédien, acteur et présentateur français. William Jacques (1917-2000) est un grand comédien, metteur en scène et homme de radio genevois.

[18] Le film est vraisemblablement tourné dans les environs de Zurich, dans un décor fictif.

[19] Certains détails laissent toutefois penser qu’il s’agit de prisonniers de guerre français en mains allemandes, captifs depuis 1940, donc depuis quatre longues années.

[20] K. de Wattenville, « La psychose du fil de fer », in Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 1, Genève : CICR, janvier 1919, pp. 314-315.

[21] Becker Annette, « Introduction », in La captivité de guerre du XXe siècle. Des archives, des histoires, des mémoires, Paris : Armand Colin, 2012, p. 103.

[22] Cochet François, Soldats sans armes. La captivité de guerre : une approche culturelle, Bruxelles : Bruylant, 1998, p.283.

[23] ACICR V-F-CR-H-00042. FRUH, Kurt, Prisonnier de guerre…, CICR, 1945. 00:14:22:02 – 00:14:45:08.

[24] Ibid., 00:10:58:14 – 00:11:10:02.

[25] Ibid., 00:16:40:22 – 00:16:49:22.

[26] Ibid., 00:28:18:21 – 00:28:30:24.

[27] Ibid., 00:11:53:00 – 00:12:09:14. Ce commentaire fait référence au titre d’Une voie reste ouverte !, produit par le CICR l’année précédente.