En 2011, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a entrepris un important projet de mise à jour de ses Commentaires relatifs aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels de 1977. Le mois dernier, la version numérique du Commentaire actualisé de la deuxième Convention de Genève a été publiée (en anglais). Dès le départ, le projet de mise à jour des Commentaires a pu bénéficier du soutien de la Bibliothèque et des Archives du CICR, qui ont débuté un vaste processus de numérisation – assurant ainsi la disponibilité en ligne des travaux préparatoires aux Conventions et aux Protocoles – et apporté une aide pour la recherche dans les archives. Jean-Marie Henckaerts est conseiller juridique à la Division juridique du CICR et chef du projet de mise à jour des Commentaires des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels de 1977. Dans cet entretien, il souligne l’importance des travaux préparatoires et des archives historiques du CICR pour la mise à jour des Commentaires.

Quelles sont les différences entre la version mise à jour des Commentaires et les Commentaires initiaux ?

Ils diffèrent à plusieurs égards. Premièrement, les Commentaires mis à jour tiennent compte de l’évolution du droit international ainsi que de la pratique subséquente en matière d’application et d’interprétation des Conventions de Genève. Les Commentaires initiaux ne pouvaient pas faire cela puisqu’ils ont été écrits juste après l’adoption des Conventions. Deuxièmement, les Commentaires actualisés sont rédigés et révisés par des juristes du CICR, mais aussi par des intervenants extérieurs experts en droit international humanitaire. En revanche, les Commentaires initiaux ont été rédigés presque entièrement à l’interne et n’ont pas été examinés par des experts externes. Troisièmement, les nouveaux Commentaires présentent les positions du CICR, lorsqu’elles existent, mais aussi les principales divergences de vues. Ce qui n’a pas changé, cependant, c’est l’approche approfondie et article par article des Commentaires.

Quelle est l’importance des documents préparatoires pour la mise à jour des Commentaires ?

Les travaux préparatoires représentent l’une des sources d’interprétation des traités. Par conséquent, le projet de mise à jour des Commentaires doit examiner ces documents. Contrairement aux auteurs des Commentaires initiaux, les rédacteurs des Commentaires mis à jour n’ont pas participé à la Conférence diplomatique de Genève de 1949. En conséquence, les travaux préparatoires – y compris les procès-verbaux des séances -, sont essentiels pour que les rédacteurs actuels aient une bonne connaissance du contexte ayant entouré l’adoption des différentes dispositions.

Pouvez-vous donner des exemples concrets où les travaux préparatoires ont fourni des réponses aux interrogations interprétatives rencontrées lors de la mise à jour des Commentaires ?

Un bon exemple est l’interprétation de la notion d’ « actes nuisible à l’ennemi » – des actes susceptibles d’entraîner la perte de protection du personnel, des unités et des transports sanitaires. Cette notion se comprend plus aisément à la lumière des travaux préparatoires (voir les paragraphes 1840 et 1999-2000 du Commentaire mis à jour de la première Convention de Genève). Un autre exemple est le constat que le régime des violations graves des Conventions de Genève repose sur le principe de la compétence universelle. Cela est clairement perceptible à la lecture des travaux préparatoires (voir le paragraphe 2865 du Commentaire mis à jour de la première Convention de Genève).

Comment les Commentaires mis à jour diffèrent-ils des autres publications académiques sur les Conventions de Genève?

Les Commentaires mis à jour diffèrent des articles et des livres sur les Conventions de Genève dans la mesure où ils proposent un commentaire article par article. Mais surtout, ils sont différents parce qu’ils s’appuient sur l’expérience du CICR et des États dans l’application des Conventions. Cette information est principalement recueillie par des recherches menées dans les archives du CICR, qui sont pour la plupart ouvertes au public, par exemple en ce qui concerne la troisième Convention de Genève. Ces recherches nous indiquent comment les Conventions ont été appliquées et interprétées. Elles fournissent également un aperçu des défis auxquels sont confrontées les parties aux conflits armés dans l’application des Conventions et de la manière dont elles font face à ces défis.

Quelle est la valeur ajoutée des archivistes et des bibliothécaires?

Sur la base des réponses aux questions précédentes, la valeur ajoutée des archivistes et des bibliothécaires est évidente. Les archivistes nous aident à tirer le maximum de la riche source d’informations que représentent les archives du CICR. Sans leur aide précieuse, il serait difficile de mener ce genre de recherche. Les bibliothécaires ont porté à notre attention l’existence des procès-verbaux de la Conférence diplomatique de Genève de 1949. Ils nous aident également à bien comprendre l’organisation des travaux préparatoires et contribuent à faire en sorte que nos recherches dans la littérature juridique et dans la pratique des États soient aussi complètes et géographiquement représentatives que possible.

Les documents préparatoires aux Conventions de Genève – y compris les procès-verbaux de la Conférence diplomatique de Genève de 1949 – sont disponibles via le catalogue en ligne de la bibliothèque du CICR (en français et en anglais). Ils permettent de mieux comprendre le contexte entourant l’adoption des Conventions et sont actuellement utilisés pour mettre à jour les Commentaires.

Les actes officiels de la conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés (Genève 1974-1977) qui a adopté les Protocoles additionnels de 1977 sont également disponibles en format PDF dans le catalogue de la bibliothèque. Nous espérons numériser le reste des travaux préparatoires des Protocoles additionnels en 2017 et 2018 afin qu’ils soient accessibles en ligne à temps pour la mise à jour des Commentaires relatifs à ces deux instruments.

Un guide de recherche sur les conférences diplomatiques convoquées par le Conseil fédéral suisse qui ont mené à l’adoption des Conventions de Genève de 1864, 1906, 1929 et 1949 et des Protocoles additionnels de 1977 et 2005 est également disponible. Ce guide permettra aux utilisateurs de mieux naviguer dans les milliers de pages des documents préparatoires.