Le personnel de santé n’est pas une cible. Encore aujourd’hui, ce principe d’Humanité doit sans cesse être rappelé par les organisations humanitaires qui déplorent trop souvent des atteintes à la mission médicale dans les conflits. Si cette règle semble relever d’un entendement évident, son application n’est toujours pas respectée dans la conduite des hostilités. Pourtant, les Conventions de Genève sont claires : le personnel de santé et les installations médicales doivent être respectés et protégés en toutes circonstances. Depuis l’adoption de la première Convention de Genève il y a 160 ans, la mission médicale jouit d’une protection spécifique essentielle à l’assistance portée aux victimes des conflits.

Historiquement, la protection des blessés et du personnel médical est l’un des principes les plus anciens prévus par le droit international humanitaire. Un héritage de la bataille de Solférino en 1859 où Henry Dunant du improviser des services de secours et des soins médicaux pour porter assistance aux soldats blessés sur le champ de bataille.

Visionner « La bataille de Solférino », une histoire d’Humanité, épisode 1

 

Les racines juridiques de la protection de la mission médicale

Cinq ans après la bataille de Solférino, la première Convention de Genève (CGI) de 1864 établit un socle juridique de portée universelle à la protection des blessés et des malades dans les forces armées en campagne. Cet engagement fort marque alors les prémisses du droit international humanitaire et la promesse d’un traitement digne des individus en temps de conflit.

Les droits conférés aux blessés impliquent nécessairement de garantir la sécurité des services de secours à leur chevet. Ainsi, plusieurs dispositions de la CGI prévoyaient déjà une protection concernant :

  • le personnel sanitaire permanent de l’armée (article 24) et les militaires temporairement assignés à une mission médicale (article 25) ;
  • le personnel des Sociétés de la Croix-Rouge et des autres sociétés de secours reconnues (article 26) ;
  • le personnel et les formations sanitaires envoyés en renfort par un pays neutre avec l’autorisation de la Partie au conflit concernée (article 27) ;
  • les établissements de santé (article 19) et le matériel médical (article 34) ;
  • les moyens de transport sanitaire (article 35).

Evacuation de blessés par hélicoptère. Vietnam. 1969. ©Defense Audio-Visual Agency (DAVA)

Les préoccupations liées à la protection des blessés, des malades et du personnel sanitaire, toujours d’actualité aujourd’hui, ont constitué une place centrale dans la rédaction de la CGI. C’est également en cela que réside l’essence de la deuxième Convention de Genève s’appliquant quant à elle aux forces armées sur mer. Elle couvre la protection des blessés, des malades et des naufragés (article 12) et confère une protection particulière au personnel médical de sauvetage (articles 36 et 37), aux navires-hôpitaux (article 22) et aux moyens de transport maritime (article 27).

Ce n’est qu’avec l’adoption de la quatrième Convention de Genève en 1949 que la protection des secours a été étendue aux hôpitaux civils et à leur personnel :

Les hôpitaux civils organisés pour donner des soins aux blessés, aux malades, aux infirmes et aux femmes en couches ne pourront, en aucune circonstance, être l’objet d’attaques ; ils seront, en tout temps, respectés et protégés par les Parties au conflit. (article 18)

Le personnel régulièrement et uniquement affecté au fonctionnement ou à l’administration des hôpitaux civils […] sera respecté et protégé. (article 20)

Une clinique pédiatrique après un raid aérien. Seconde Guerre mondiale, Royaume-Uni. ©Croix-Rouge britannique

Si les Conventions de Genève s’appliquent au strict cadre des conflits armés internationaux, l’article 3 commun aux 4 Conventions contient des principes fondamentaux des droits humains applicables lors des conflits armés non-internationaux (CANI). Il mentionne que toutes personnes ne participant pas ou plus aux hostilités doivent être « traitées avec humanité » et en toute impartialité.

De la même manière, la protection des infrastructures médicales vient également s’appliquer en contexte de CANI. Comme mentionné dans la règle 28 du DIH coutumier, cette protection spécifique est implicitement contenue dans l’article 3 qui « exige que les blessés et les malades soient recueillis et soignés, car la protection des unités sanitaires est une forme subsidiaire de protection accordée pour garantir que les blessés et les malades reçoivent des soins médicaux ».

Evacuation de blessés. Guerre russo-turque 1876-1878. ©Archives CICR

 

La croix rouge comme emblème protecteur

Si les Conventions de Genève stipulent que les secours ne pourront en aucune circonstance être l’objet d’attaques, leur inviolabilité doit pouvoir être identifié de manière claire par les belligérants. C’est à cette fin que la croix rouge sur fond blanc a été reconnue dès 1864 comme l’emblème protecteur des personnes et des installations qui l’arborent. Cette manifestation visible de la neutralité permet aux services de santé des armées et à certaines organisations humanitaires de soulager les souffrances des victimes à l’ombre des Conventions de Genève.

C’est en 1929, lors de la troisième révision de la CGI, que l’utilisation des emblèmes du croissant rouge alors utilisé par la Turquie et l’Egypte, et du lion-et-soleil rouge utilisé par la Perse, fut officiellement reconnue.

Visionner « La saga des emblèmes », une histoire d’Humanité, épisode 2

Premiers soins dans un hôpital. Guerre de Corée 1950-1953. © Archives CICR

 

L’engagement du CICR pour la protection de la mission médicale

Entre 2016 et 2020, le CICR a recensé 3 780 attaques contre les systèmes de soins de santé, dans 33 pays en moyenne par an, dont les deux tiers en Afrique et au Moyen-Orient. En tant que gardien du droit international humanitaire, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) veille à rappeler aux porteurs d’armes la stricte nécessité de respecter et protéger la mission médicale.

Depuis 2011, le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge porte l’initiative « soins de santé en danger » pour combattre le fléau de la violence contre les systèmes de santé. À travers cette initiative, nous soutenons la mise en œuvre de mesures concrètes sur le terrain, la mobilisation d’une communauté d’intérêts et les efforts de recherche.

Partout où cela est nécessaire, le CICR se mobilise pour garantir un accès sûr au personnel médical :

  • En Colombie, à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie, des services de santé ont eu accès à des zones rurales reculées après que le CICR, en tant qu’intermédiaire neutre, ait obtenu un passage sécurisé. Cet accès concernait autant les unités de santé mobiles gérées par le ministère de la Santé (si nécessaire accompagnées par le CICR) que le personnel du CICR lorsque la sécurité des agents de santé nationaux ne pouvait être garantie.
  • Au Sénégal, en 2011, lorsque les déplacements étaient restreints en raison de l’insécurité, le ministère de la Santé a demandé au CICR d’escorter les agents de santé, leur permettant d’administrer les vaccins nécessaires (17 133 doses), principalement aux enfants.
  • En Libye, en 2012, le CICR a facilité le passage sûr du personnel médical et des patients hors de Bani Walid.

Pour aller plus loin 

« Soins de santé en danger », douze ans d’une initiative pour le respect de la mission médicale

La croix devenue cible ? Retour en images sur les bombardements des ambulances Croix-Rouge durant la seconde guerre italo-éthiopienne

La protection des hôpitaux en temps de conflit armé : ce que dit le droit

Évacuer les blessés et les malades au Sri Lanka : 2009 | DIH en action

De la neutralité du personnel sanitaire (Revue internationale de la Croix-Rouge – juillet 1955)

Protéger les soins de santé – Galerie photos