Le premier article commun aux Conventions de Genève de 1949 est simple et court. Il engage les Hautes parties contractantes – c’est-à-dire tous les Etats du monde – à respecter et faire respecter l’ensemble des articles des Conventions. Universel et contraignant, il scelle une responsabilité collective à prévenir et à faire cesser les violations du droit international humanitaire.

Cet article s’inscrit dans une série consacrée au 75e anniversaire des Conventions de Genève de 1949

Article 1er

Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances.

En deux lignes, tout est dit. Et son ampleur est immense. Car l’article 1er commun aux 4 Conventions de Genève englobe des obligations en temps de paix, comme en tant de guerre. Il impose aux Etats de non seulement respecter les Conventions de Genève lorsqu’ils sont eux-mêmes belligérants, mais d’œuvrer à son respect dans le cadre d’un conflit auquel ils ne sont pas parties.

Maintenant, étude de texte.

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter »…

Les Etats sont responsables du comportement de leurs forces armées et de leur administration. En temps de paix, les Etats doivent mettre en œuvre un certain nombre de dispositions afin de s’assurer du respect du droit international humanitaire (DIH) dans l’éventualité d’un conflit armé. Il s’agit notamment de la formation au DIH de leurs forces armées, comme d’intégrer dans leur législation nationale des dispositions pénales pour réprimer les violations.

Article 47, 1ère Convention de Genève – Diffusion de la Convention

Les Hautes Parties contractantes s’engagent à diffuser le plus largement possible, en temps de paix et en temps de guerre, le texte de la présente Convention dans leurs pays respectifs, et notamment à en incorporer l’étude dans les programmes d’instruction militaire et, si possible, civile, de telle manière que les principes en soient connus de l’ensemble de la population, notamment des forces armées combattantes, du personnel sanitaire et des aumôniers.

Lima, Pérou, 2016. Centre de formation des forces armées péruviennes sur le droit international humanitaire. Distribution de brochures CICR à l’occasion d’un cours.

… « et à faire respecter la présente Convention » …

Cette partie de l’énoncé a fait l’objet de diverses interprétations, même si un consensus se dégage aujourd’hui. Bien entendu, lors d’un conflit armé, il incombe en premier lieu aux belligérants d’assurer le respect des Conventions, et plus largement du DIH. Cela ne fait aucun débat.

Ce qui fait débat concerne l’interprétation des obligations des Etats tiers, non parties au conflit, à « faire respecter » le DIH. Comme l’indique le Commentaire actualisé du CICR à la Première Convention de Genève sur l’article 1er : « L’interprétation de l’article 1 commun, et en particulier l’expression « faire respecter », a soulevé une série de questions au cours des dernières décennies. D’une manière générale, deux thèses ont été avancées. La première soutient qu’en vertu de l’article premier, les États ont pris l’engagement d’adopter toutes les mesures nécessaires pour faire respecter les Conventions uniquement par leurs organes et les personnes privées relevant de leur compétence. La seconde, qui reflète l’opinion dominante actuelle et qui est soutenue par le CICR, est que l’article premier exige en outre que les États veillent au respect des Conventions par les autres États et les parties non étatiques. (…) L’évolution du droit international coutumier a depuis confirmé ce point de vue ».

Cette lecture est fondamentale, car elle engage la responsabilité des Etats tiers vis-à-vis du comportement d’autres Etats et groupes armés belligérants, qu’il s’agisse d’un conflit armé international ou non-international. La question se porte alors sur la nature de l’obligation et les moyens de la mettre en œuvre.

Etats non-belligérants : l’obligation négative et positive

Les Commentaires actualisés au premier article commun indiquent deux types d’obligations : « En vertu de l’obligation négative, les Hautes Parties contractantes ne peuvent ni encourager la commission de violations des Conventions par les parties à un conflit, ni les aider ou les assister. Selon l’obligation positive, ils doivent faire tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir afin de prévenir et faire cesser ces violations. »

Les Etats tiers n’ont en revanche pas d’obligation de résultat à faire cesser des violations par exemple. Ils doivent en revanche faire tout ce qui est en leur pouvoir, user de leur influence. Et plus grande la proximité et influence d’un Etat sur telle ou telle partie, plus grande est sa responsabilité à utiliser tous les leviers en son pouvoir pour assurer un meilleur respect du DIH par son allié.

Cette animation vidéo décrit des actions concrètes que les Etats peuvent mener.

Les États demeurent libres de choisir entre différentes mesures possibles. Néanmoins, l’article 1er ne peut être invoqué pour soutenir une intervention militaire visant à faire cesser des violations, ce « droit d’ingérence humanitaire » qui fit débat il y a quelques décennies. Toute décision de recours à la force relève des Nations Unies et de sa Charte, qui en réglemente la légalité.

… « en toutes circonstances. »

Cette formulation peut sembler anodine, mais elle renforce sensiblement la portée des obligations. De tout temps – en paix, comme en guerre – l’injonction demeure. Quel que soit le motif du déclenchement d’un conflit, sa « légitimité », l’injonction demeure. Enfin, quel que soit le comportement de la partie adverse, quelle que soit l’ampleur de ses violations, l’injonction incombe. Le respect et l’application des Conventions de Genève n’impliquent pas la réciprocité.

Respecter et faire respecter en toutes circonstances.

Sake, Nord Kivu, 2023. L’armée congolaise passe devant le camp de déplacés de Zayna. Copyright Hugh Kinsella Cunningham

On ne peut lire ce 1er article commun aux Conventions de Genève sans songer aux trop nombreuses victimes des conflits qui ravagent la planète aujourd’hui – à l’est de la RDC, au Sahel, en Israël et à Gaza, au Soudan, au Myanmar… La liste est bien trop longue. L’application de l’article 1er commun urge.

Pour aller plus loin

Le Commentaire actualisé du CICR sur le Premier article commun

L’article 1 commun aux Conventions de Genève et l’obligation de prévenir les violations du droit international humanitaire, article de Knut Dörmann et Jose Serralvo, juristes du CICR

Respecter et faire respecter le DIH, article de Ghislaine Doucet, Responsable de la production en français des Commentaires actualisés des Conventions de Genève