Mardi 18 juin à Paris, le jury de la 14ème édition du Visa d’or humanitaire du CICR a primé le photographe indépendant Hugh Kinsella Cunningham pour son remarquable travail sur le sort de la population civile dans l’Est de la République démocratique du Congo.

Hugh Kinsella Cunningham, photographe et lauréat du Visa d'or humanitaire du CICR

Hugh Kinsella Cunningham, photographe et lauréat du Visa d’or humanitaire du CICR

« Cela représente cinq ans de ma vie » indique avec émotion Hugh Kinsella Cunningham, à l’annonce que son photoreportage a été récompensé à la quasi-unanimité par le jury du Visa d’or humanitaire du CICR. Depuis deux ans, le photographe suit la résurgence du conflit dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) qui oppose les forces gouvernementales et le groupe armé M23. « Ce conflit empêche les civils d’avoir le contrôle sur leur sort, et désormais, l’artillerie lourde est utilisée contre eux. C’est un sujet important, un conflit vraiment négligé. Donc c’est extraordinaire de savoir que davantage de personnes vont être informées sur un sujet auquel elles n’ont pas été nécessairement exposées. Merci beaucoup ».

« La qualité des photos est indéniable, la composition, l’angle, l’editing » souligne Isabelle de Lagasnerie, rédactrice en cheffe photo au quotidien La Croix. « Les photos racontent une histoire, sont complémentaires et nous emmènent ailleurs. Chaque photo appelle des questions, attire l’attention et a un sous-texte qui enrichit l’histoire. »

Des personnes en deuil attendent l’arrivée d’une ambulance pour récupérer les 3 corps de victimes d’une attaque au mortier.

Cette 14ème édition du Visa d’or humanitaire du CICR avait pour thématique le sort des civils dans les conflits armés, en l’honneur de l’anniversaire de la création en 1949 de la 4ème Convention de Genève protégeant les populations civiles. Entre des sujets sur l’Ukraine, Gaza, Israël, le Myanmar, le Soudan… le choix du jury fut difficile. « J’ai été touché par le travail d’un photographe à Gaza et de celui-ci en RDC » indique Jean-François Corty, président de Médecins du Monde. « Un consensus est apparu autour du travail du photographe sur la RDC, où les civils paient un lourd tribut depuis de nombreuses années et où les humanitaires sont aussi à la peine pour être au plus proche des besoins. C’est le travail journalistique d’un photographe qui a mouillé la chemise, qui a été au plus proche des civils et des acteurs humanitaires ».

Des civils fuient à la ville de Sake. Une fois en sécurité, les familles déplacées doivent trouver nourriture et abris.

Avec plus de 5,6 millions de personnes déplacées dans l’Est de la RDC, dont 2,5 millions dans le Nord-Kivu seulement, la crise humanitaire est dévastatrice. « Plus d’un million de personnes errent aux alentours de la ville de Goma. Les camps sont complètement surchargés, totalement saturés. Cette situation est absolument épouvantable » témoigne Claude Guibal, grand-reporter pour Radio France, qui a été récemment à Goma. « L’accès à cette zone est extrêmement compliqué. Ce sujet, extrêmement fort aussi dans la qualité des images, permet de rappeler ce qu’est la vie des civils dans l’Est du Congo. »

Une famille fuit vers Goma. Derrière les civils tonnent des bruits d’artellerie.

« Une photo qui m’a beaucoup touché est celle où l’on voit deux personnes, dont un unijambiste, sur des béquilles et qui se déplace. C’est un déplacement éternel et perpétuel depuis des décennies » réagit Christophe Martin, chef de délégation du CICR à Paris. « J’ai eu la possibilité de travailler quelques temps en RDC et j’ai pu voir malheureusement ce qui est encore une réalité aujourd’hui : à savoir un conflit qui ne s’arrête pas. Les populations civiles sont prises entre les feux des différentes parties. Le CICR cherche par sa présence et son action à être au plus près des besoins des populations qui sont gigantesques. Je suis heureux que ce témoignage de photographie rende un hommage très clair à toutes les populations de cette région de la RDC ».

Le travail de Hugh Kinsella Cunningham sera exposé au prochain festival de Visa pour l’Image à Perpignan.

Le jury était composé de (gauche à droite) :

• Christophe Martin, chef de la délégation du CICR en France
• Marie-Hélène Barberis, recherchiste-documentaliste indépendante
• Isabelle de Lagasnerie, rédactrice en cheffe photo au quotidien La Croix
• Jean-François Corty, Président de Médecins du Monde
• Claude Guibal, grand reporter, Pôle international de Radio France
• Véronique Gaymard, journaliste Radio France Internationale
• Frédéric Joli, ancien porte-parole du CICR en France
• Cyril Drouhet, directeur photo et reportages du Figaro Magazine