Le CICR, par voie de presse met en garde les parties au conflit contre les terribles conséquences humanitaires d’une intensification des hostilités à Rafah dans l’extrême sud de la bande Gaza. A écouter en pied de note l’interview sur France Info du chef des opérations du CICR à Gaza, Pascal Hundt.

Communiqué de presse

Genève (CICR) – Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) met en garde les parties au conflit, ainsi que la communauté internationale, contre les terribles conséquences qu’entraîne l’intensification des hostilités en cours à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Les déclarations et les rapports officiels, mais aussi les frappes militaires incessantes, laissent entendre que le conflit est entré dans une nouvelle phase, et il est vital que les civils soient protégés. Même au milieu de tant d’horreur et dans un contexte de polarisation extrême, le principe fondamental d’humanité doit être respecté.

« Face à l’opération militaire qui est menée dans la ville densément peuplée de Rafah, nous appelons une nouvelle fois les parties au conflit, et tous ceux qui sont en mesure d’exercer une influence sur elles, à faire en sorte que la population et les infrastructures civiles soient épargnées et protégées », déclare Fabrizio Carboni, directeur régional du CICR pour le Proche et le Moyen-Orient. « Selon le droit international humanitaire, les parties au conflit doivent prendre les mesures nécessaires pour préserver la vie des civils et veiller à ce qu’ils aient accès aux biens de première nécessité. Il n’y a pas de temps à perdre, il est urgent d’en faire plus. D’innombrables vies sont en jeu. »

Gaza a déjà enduré quatre mois d’un conflit de haute intensité. Pour échapper aux combats, de nombreux habitants ont fui vers le sud, où plus de 1,5 million de personnes se retrouvent à vivre sur une portion de moins de 20% du territoire gazaoui (environ 60 kilomètres carrés). Aujourd’hui, Rafah est tellement surpeuplée que les personnes déplacées peinent à trouver un espace libre où installer une tente rudimentaire.

La plupart d’entre elles ne sont pas arrivées directement à Rafah, mais ont été déplacées à deux, trois ou quatre reprises. Les gens manquent de tout : nourriture, eau potable, installations sanitaires, soins de santé et sécurité. Vivant dans un état de stress et de peur permanent, sans compter les blessures et les difficultés liées à l’âge et aux handicaps, de nombreux Gazaouis sont à bout de forces et courent un risque élevé de mourir d’une infection ou d’une maladie bénigne.

Cette réalité doit être prise en considération au moment de concevoir et de mettre en œuvre les prochaines étapes du conflit. Certaines pratiques sont interdites par le droit international humanitaire, notamment le déplacement forcé, le recours à des boucliers humains ainsi que les attaques indiscriminées ou qui infligent des dommages disproportionnés à la population civile en termes de décès, de blessures et de destructions.

Si les plans de guerre prévoient l’évacuation de la population avant le lancement des hostilités, ils doivent impérativement tenir compte de ce qu’impliqueraient des déplacements massifs de personnes le long de routes endommagées par les bombardements, se frayant un chemin entre les décombres de bâtiments effondrés et au travers de zones contaminées par des munitions non explosées. Les civils évacués doivent arriver à destination sains et saufs, bénéficier de conditions satisfaisantes sur le plan de l’hygiène, de la santé, de la sécurité et de l’alimentation, et ne pas être séparés des membres de leur famille. Ils doivent aussi pouvoir rentrer chez eux aussitôt les combats terminés. Il est crucial de répondre à l’avance à certaines questions : par exemple, comment transporter les personnes handicapées, âgées ou malades sans les exposer au danger ? Où une population aussi importante peut-elle être déplacée et résider en toute sécurité, et comment satisfaire à ses besoins essentiels ? Il convient en outre de rappeler que le droit international humanitaire protège tous les civils contre les effets des hostilités, y compris ceux qui seraient dans l’impossibilité de quitter Rafah.

En sa qualité de puissance occupante, Israël doit veiller à ce que les besoins de base de la population civile soient pris en charge. Il est également nécessaire – et d’autant plus urgent vu la gravité de la crise humanitaire et l’escalade du conflit – de permettre l’entrée de secours à Gaza non plus au compte-goutte, mais de manière régulière et en grandes quantités. Les habitants manquent en effet cruellement de nourriture, d’eau potable, d’articles d’hygiène, de médicaments et de matériel pour la construction d’abris et d’installations d’assainissement. Une équipe médicale du CICR est déployée depuis fin octobre à l’Hôpital européen de Gaza, où elle effectue plus d’une dizaine d’interventions chirurgicales urgentes par jour. Nos collaborateurs continuent de répondre aux besoins humanitaires sur place, mais nous craignons que les problèmes d’accès et de sécurité, combinés à la contamination par les armes qui menace tant les civils que les travailleurs humanitaires, empêchent la conduite d’opérations de plus grande ampleur. Les organisations humanitaires doivent obtenir des garanties minimales avant de pouvoir acheminer de l’aide en toute sécurité et atteindre rapidement les personnes en détresse.