Le festival international du photojournalisme de Perpignan, Visa pour l’image vient de fêter ses 35 ans. Plus de 210 000 visiteurs pour souffler les bougies. Record presque battu. Cette année, le CICR y remettait le Visa d’or humanitaire à son 13ème lauréat, le Colombien Federico Rios Escobar.

La 13ème édition du Visa d’or humanitaire du CICR s’est achevée après trois semaines d’exposition à Perpignan. Le photographe Federico Rios Escobar en fut le lauréat pour son formidable travail réalisé dans l’enfer du Darién, passage obligé entre Colombie et Panama pour les migrants tentant de rejoindre l’Amérique du Nord.

Visa pour l’image et ses 35 ans

Cette édition coïncidait avec les 35 ans du Festival international du photojournalisme de Perpignan, Visa pour l’image, l’une des manifestations les plus courues de la profession. En 2011, en plein printemps arabe, Jean-François Leroy, patron fondateur de Visa pour l’Image, nous autorisait à créer dans la compétition un prix officiel : le Visa d’or humanitaire du CICR. Comme tous les prix Visa, il serait doté de 8000 euros récompensant le talent d’un ou d’une photojournaliste dont la profession est aussi indispensable que sinistrée.

La semaine des « scolaires »

Après la semaine professionnelle, où le lauréat se voit remettre officiellement son prix (lors de l’une des légendaires soirées de projection), vient la semaine grand public, puis celle des « scolaires ». Des centaines de collégiens et lycéens, parfois venus de loin, de Cambrai ou de Barcelone (bravo aux profs passionnés) viennent faire leur rentrée à Perpignan pour y découvrir certaines expos.

Armer les consciences

Le rituel est immuable, visite guidée puis miniconférence. Généralement, ce sont les photographes eux-mêmes qui montrent leur travail. Ces deux dernières éditions, j’ai eu le privilège de présenter le travail des derniers lauréats CICR, Sameer Al-Doumy l’an dernier et Federico Rios Escobar aujourd’hui. Inviter les plus jeunes à réfléchir et à réagir à la thématique soumise aux candidats, ici la migration, est un exercice passionnant. Cette expérience des « scolaires » montre combien il est important de sensibiliser collégiens et lycéens à l’éducation à l’image. Visa pour l’Image est pionnier en la matière.

Penser le monde à 15 ans

Mettre sur pause

Mise en abyme avec ces élèves rescapés des bateaux de migrants en Méditerranée, scolarisés aujourd’hui en France.

Découvrir l’enfer du Darién en photos, s’approcher pour lire les légendes, se soumettre à la compassion ouvre les yeux. Après chaque visite guidée, nous parlions indignation, engagement, développement de l’esprit critique et des milliers de nuances liant le noir au blanc. Introduire un peu de complexité dans le discours ; convaincre les plus jeunes que ce qui les lie à l’image d’une souffrance est, certes, une émotion, l’indignation ou l’impuissance face à l’injustice. Mais on peut aussi y voir une violation du droit, des droits humains.

Treize ans de Visa humanitaire du CICR

L’idée première de la création du prix CICR était de montrer la guerre sous l’angle de sa principale conséquence : les victimes, civiles pour la plupart. L’intention, en creux, était alors (et demeure) de convaincre le public que la plupart des photos primées montrent aussi des violations du droit international humanitaire, pas uniquement de la fatalité. En fait, une photo de guerre montre une violation du droit et atteste de l’impunité. « La guerre légendée par le droit » ferait une belle exposition à Visa pour l’Image. La « légende du droit » côtoierait celle, factuelle, du photographe. Imaginez un juriste rendant un avis sur chaque photo soumise à sa lecture… le visiteur se sentirait peut-être moins seul, moins impuissant, plus responsable. Dans les frères Karamazov, Dostoievski écrit : « Chacun est responsable de tout devant tous ».