Le CICR vient de publier un rapport sur les personnes portées disparues en Afrique. Au-delà de la douloureuse incertitude pour les proches, il émet diverses recommandations à l’attention des Etats afin de faire avancer tous les problèmes administratifs et socio-économiques qui affectent des dizaines de milliers de familles sur le continent.
A l’échelle du continent africain, le CICR recense 44 000 personnes portées disparues signalées par leur famille. Ces disparitions sont pour la plupart liées à un conflit armé.
Dessus de l’iceberg
Il est à craindre que ces 44 000 cas ne soit que le sommet d’un vaste iceberg, surtout si aux conflits armés s’ajoutent comme autres conséquences, les catastrophes naturelles, le changement climatique ou encore la migration. Quoiqu’il en soit, les 44 000 personnes portées disparues enregistrées par le CICR en Afrique en 2020 donnent une idée du travail de fourmis réalisé par l’Agence centrale de recherche de l’organisation et ses relais à travers les services de rétablissement des liens familiaux des sociétés nationales de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge.
Impossible résignation
Chaque cas est une histoire. Une histoire d’attente, douloureuse, insupportable. Ne pas savoir ce qu’il advenu d’un proche, ne plus avoir de nouvelles. Attendre… Ne pas se résigner, même si les chances de retrouver un père, un fils, une fille, un frère s’amenuisent au fur et à mesure que passe le temps. Se résoudre à faire le deuil ? Impossible tant que le preuve n’est pas apportée. Après tout, chacun peut se retrouver un jour dans l’incapacité de donner des nouvelles. Hospitalisé ? Détenu ? Sans moyen de communiquer ? Peut-être que la personne ne souhaite pas non plus donner de ses nouvelles. Bref, au-delà de la mort, les raisons de « disparaître » sont nombreuses.
La « perte ambigüe »
Les psychologues nomment cet état, la perte ambiguë. Refuser le deuil tant que la preuve n’est pas apportée et combler d’espoir l’insupportable absence, la douloureuse attente. Les 44 000 personnes portées disparues enregistrées en Afrique touchent autant de familles auxquelles le CICR tente d’apporter des réponses. La patience nourrit l’espoir et parfois l’opiniâtreté des recherches convie au miracle.
Une enquête à l’échelle du continent
Le rapport que publie aujourd’hui le CICR fournit une analyse aux responsables politiques et décideurs africains sur la problématique des portés disparus et de leur famille. Il porte essentiellement sur les cas en lien avec les conflits armés et autres situations de violence ainsi que sur la migration et propose plusieurs recommandations.
Des entretiens ont été réalisés auprès de 959 familles en Éthiopie, en Ouganda, au Sénégal, en Libye, au Nigéria et au Cameroun auxquelles s’ajoutent des discussions avec une soixantaine de familles au Soudan du Sud. Situation économique des familles, problèmes de santé mentale et psychosociaux; situation juridique et administratif ont été abordés lors de ces entretiens.
Douleur et peine mais aussi problèmes administratifs
Les familles se heurtent couramment à l’absence de législation nationale claire établissant le statut des personnes portées disparues. Ceci a pour conséquences des problèmes administratifs en lien avec la propriété, l’héritage mais aussi le divorce, le remariage, l’état civil ou encore la garde des enfants. Dans de nombreux pays, la législation nationale n’octroie pas de statut pour les personnes portées disparues. Comment aborder les problèmes administratifs évoqués sans un certificat de décès alors que les familles se refusent à envisager le pire et continuent de se nourrir d’espoir, fut-il ténu ?
Et quand bien même, une législation nationale prévoit l’établissement de « déclarations d’absence », les familles en ont rarement connaissance et peu de capacité et de ressources pour entamer des démarches administratives.
Les Etats conscients du problème
En juin 2019, la résolution 2474 du Conseil de sécurité des Nations unies a reconnu à l’unanimité la nécessité de livrer aux familles «des informations sur les services et démarches à suivre si elles rencontrent des difficultés ou ont des besoins d’ordre administratif, juridique, économique et psychologique en lien avec la disparition d’un proche».
Le Pacte mondial sur les migrations, adopté lui en 2018, appelle les autorités à redoubler d’efforts pour éviter les disparitions de migrants et pour soutenir les familles. Ainsi, les États se doivent d’accroître collaboration et coordination au-delà des frontières pour échanger des informations. Objectif : clarifier le sort des migrants décédés non-identifiés.
Volonté politique et engagement soutenu sont essentiels pour traiter, dans le respect du droit international, la question des personnes portées disparues. Ces efforts sont à encourager tant aux niveaux local, que national, régional et global.
Le rapport en intégralité est à retrouver ici :
Où sont nos êtres chers ?
Retrouver les personnes portées disparues
et répondre aux besoins de leurs familles
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