En décodant cette série de cartes postales au kitch consommé, se pose la question de savoir si une bonne soeur peut utiliser un brassard Croix-Rouge.

L’emblème international de la Croix-Rouge place sous sa protection toute victime de guerre, indique la première convention de Genève (1864). « Par hommage pour la Suisse, le signe héraldique de la croix rouge sur fond blanc, formé par interversion des couleurs fédérales, est maintenu comme emblème et signe distinctif du Service de santé des armées ».

Personnel sanitaire et… religieux

Qui peut alors s’en prévaloir ? Les personnels sanitaires mais aussi… religieux ! Et oui, si on ne peut sauver des vies, accompagnons les mourants ! Ainsi, médecin, curé ou bonne soeur peut alors, « fixé au bras gauche, un brassard résistant à l’humidité et muni du signe distinctif, délivré et timbré par l’autorité militaire ».

Ceux qui ne prennent pas part aux combats

En fait, drapeau, placard ou brassard Croix-Rouge visent à singulariser sur le champ de bataille ceux qui ne prennent pas part au combat, sauveteurs, soignants et religieux. Ils sont « inviolables », tout comme les blessés dont ils s’occupent. Le Croissant-Rouge et le Cristal-Rouge accordent aujourd’hui la même valeur de protection et sont internationalement reconnus au même titre que la Croix-Rouge utilisée en temps de guerre.

Infirmières vs. Bonnes soeurs

Rien alors de surprenant de voir une bonne sœur arborer une Croix-Rouge quand elle se trouve au chevet d’un soldat blessé. Ceci est bien conforme aux termes de la Convention. On remarque d’ailleurs que la nonne vaquant à d’autres charitables activités, faire la leçon ou offrir du pain, ne se distingue plus que par sa robe et ses cornettes ! Cette série de cartes postales est antérieure à 1914, date à partir de laquelle l’infirmière Croix-Rouge va remplacer la bonne sœur et devenir l’égérie patriotique de la Grande guerre. Les infirmières sont laïques, formées à leur métier dans des écoles de l’Association des Dames Françaises (1879). Celle-ci, inventeur du métier d’infirmière, se réclame de la Croix-Rouge française, tout comme la Société de Secours aux Blessés Militaires (1864) et l’Union des Femmes de France (1881).

Cartes postales politiques

Cette série de cartes postales datant de 1903 est bien plus politique qu’humanitaire ! Elle est l’une des réponses catholiques et monarchistes à l’expulsion manu militari des congrégations religieuses, conséquence de la mise en œuvre deux ans auparavant de la loi sur la liberté d’association.

Retirer le pouvoir d’enseignement / endoctrinement des écoles confessionnelles, tel était l’un des chevaux de bataille du « Petit père Combe » (*) et de la loi 1901. Elle sera parachevée en 1905 avec celle instituant la laïcité. In fine, 2000 établissements religieux, essentiellement catholiques, furent fermés ! Place alors à la laïque, et petit à petit, aux infirmières sur le champ de bataille.

La dernière carte postale est éloquente. En remerciements ? Le parapluie et le baluchon !

(*) Emile Combe (1835-1921), Ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes, puis président du Conseil des ministres et ministre de l’intérieur.