Depuis 2016, le conflit armé au Burkina Faso a engendré une grave crise humanitaire. Comme dans toute la bande sahélienne, la sécheresse sévit et ne fait qu’empirer. Wendgouda Priva Kabré, responsable des activités eau et habitat du CICR dans le pays, explique pourquoi la situation devient intenable pour de nombreuses communautés, désormais prises en étau entre la violence armée et un problème grave d’accès à l’eau.

Quel est l’impact du changement climatique sur la population ?

Les difficultés rencontrées par la population ne sont pas estampillées « changement climatique » mais elle nous parle de nombreux changements dans son environnement. Les températures ont augmenté ces vingt dernières années et la sécheresse est devenue un phénomène majeur, avec de moins en moins d’eau disponible dans les retenues naturelles et les puits.

Les zones agricoles qui restaient humides pendant six mois s’assèchent désormais au bout de trois mois. Les pluies sont maintenant aléatoires, venant trop tôt, ou trop tard, et créent beaucoup d’incertitude pour les agriculteurs.

Plus on va vers le nord du pays, plus l’accès à l’eau devient compliqué. Il est inquiétant de constater que les régions les plus touchées sont aussi celles qui font face à la violence armée. La question de l’eau se pose pratiquement partout où nous intervenons. Elle est au cœur des préoccupations et de notre réponse humanitaire.

En quoi le conflit armé en cours a-t-il une influence sur l’accès à l’eau ?

Le conflit armé a provoqué un afflux massif de déplacés dans des villages et villes du centre, de l’est et du nord du pays, doublant, voire triplant leur population. Avec l’apparition de nouveaux quartiers, la pression sur les infrastructures de base n’a fait qu’augmenter. Les réserves d’eau souterraine s’épuisent très rapidement. En parallèle, les services de l’Etat ont cessé un peu partout les travaux de maintenance en raison de l’insécurité.

Aujourd’hui, pour aller puiser de l’eau, il faut souvent parcourir plusieurs kilomètres, pour ensuite faire la queue pendant des heures avant de remplir ses bidons. Le trajet peut s’avérer dangereux. La corvée d’eau incombe généralement aux femmes et aux filles, qui sont ainsi obligées de délaisser les activités qui leur permettaient de générer des revenus.

On observe aussi des tensions autour des points d’eau. Certaines personnes n’hésitent pas à soudoyer d’autres pour éviter de faire la queue. Cette situation ne favorise pas la cohésion sociale. Et les nouveaux arrivants, qui ont dû fuir leur foyer sont servis en dernier. Cela n’arrange pas leur situation déjà précaire.

Quand l’eau devient rare, peut-on lutter efficacement contre le Covid-19 ?

En raison de la rareté de l’eau, les gens sont contraints de diminuer drastiquement leur consommation. Le peu d’eau à leur disposition est utilisé de façon très rationnelle. Par exemple, l’hygiène et l’assainissement sont relayés au second plan. Lors des sessions de sensibilisation sur les mesures d’hygiène à respecter pendant la pandémie de Covid-19, les populations nous ont clairement dit que se laver les mains était un luxe.

Les priorités s’imposent d’elles-mêmes : boire, cuisiner, et abreuver les animaux.

Les organisations humanitaires approvisionnent certaines localités en eau par camion afin que les recommandations édictées pour prévenir la pandémie soient appliquées. Mais on est loin du compte.

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Les pâturages disparaissent sous la pression conjuguée de la hausse des températures et de la vente de terrains destinés à la construction. La présence de bandes armées sur les chemins de transhumance traditionnels ont rendu certains pâturages inaccessibles. Samuel Turpin/CICR