L’une des préoccupations du CICR est la promotion du droit international humanitaire (DIH). Tout faire pour que les 196 Etats parties aux Conventions de Genève mais aussi les milliers de groupes armés non-étatiques se conforment aux règles fondamentales de cette morale universelle codifiée tout au long du XXème siècle.

Depuis des décennies, ce que l’on nomme au CICR, la diffusion, est un maillon essentiel de la diplomatie mais aussi des opérations de l’institution. Elle contribue, au gré des rencontres, par exemple avec des combattants, à la compréhension et à l’acceptation d’un espace humanitaire.

La diffusion du DIH

Les principes du DIH sont simples, partagés dans toutes les cultures et religions. Le CICR tente de faire en sorte qu’ils soient connus et reconnus à tous les échelons, par exemple d’une chaîne de commandement, de la troupe aux plus hautes sphères de décision.

« On ne tire pas sur l’ambulance », « On traite correctement les détenus », « On ne s’attaque pas aux non combattants », « On n’épargne les civils », etc. A chacune de ces évidences on serait tenté d’ajouter « Car tu n’aimerais pas être traité de la sorte si c’était toi le prisonnier/le blessé/le civil ». Rien de bien nouveau sauf que tout au long du XXème siècle cela a été codifié. Enfreindre ces lois universellement reconnues constitue des crimes.

Les guides religieux, incontournables dans nombre de contexte

Promouvoir le droit international humanitaire équivaut à la recherche de toutes les influences possibles, politiques, militaires, universitaires, culturelles bien sûr mais aussi religieuses. Le CICR s’est toujours intéressé aux rencontres œcuméniques convaincu que l’un des dénominateurs communs des échanges entre guides spirituels pouvait être le droit international humanitaire. Ainsi, le CICR organise régulièrement des rencontres avec des représentants, savants et exégètes pour consolider les passerelles existantes entre droit international humanitaire et doctrine religieuse.

Un colloque à Niamey pour le respect de la mission médicale

Dernière initiative en date, un colloque, tenu à Niamey les 18 et 19 mars 2021. Le thème était « la protection des soins de Santé » selon le droit islamique et le droit international humanitaire (DIH) ; une initiative du CICR et de l’Université islamique au Niger (UIN).

Deux jours de travaux ont réuni une soixantaine d’intellectuels et érudits du Burkina Faso, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Nigéria, du Mali, de la Mauritanie et du Tchad. Tous ont discuté des défis qui se posent aujourd’hui quant au respect de la mission médicale dans la région.

Pour le Professeur Jamel Ben Tahar, Recteur de l’Université islamique au Niger, « le droit et la jurisprudence islamiques énumèrent des règles protectrices de la vie et de la dignité de la personne humaine dans le cadre d’un conflit armé.  C’est le rôle des leaders religieux et des universitaires de les diffuser et de participer à la réflexion autour de leur respect ».

Nicolas Von Arx, chef de la délégation du CICR au Niger, co-organisatrice du colloque note pour sa part que « cette rencontre offre l’opportunité d’un dialogue de fond avec des universitaires et des érudits musulmans sur une question humanitaire majeure et concrète : comment contribuer à la protection des civils dans les conflits armés ? Il est pertinent d’élargir le cercle du dialogue autour de la protection des victimes de conflits par d’autres normes comme le droit islamique dans la perspective d’offrir, la protection la plus large et la plus efficace à l’accès aux soins de santé ». 

L’appel de Niamey

A l’issue de ces travaux a été publié un appel, bel exemple de passerelle entre droit international humanitaire et droit islamique.

Nous, Imams, prédicateurs, Enseignants-chercheurs,
académiciens, réunis en présentiel et en virtuel à Niamey, en République du
Niger, le 18 et 19 mars 2021 dans le cadre de la 3ème édition
du Colloque scientifique régional, coorganisée par l’université
Islamique au Niger et le Comité international de la Croix-
Rouge (CICR) sous le thème : « la protection des soins de
santé » selon le Droit islamique et le Droit international
humanitaire (DIH) ;
– Considérant que notre sous-région est l’objet d’attaques
armées récurrentes ayant comme conséquence une
insécurité endémique qui affecte l’accès des populations
civiles aux services de santé ;
– Convaincus que la participation des leaders religieux, des
enseignants, chercheurs et des prédicateurs constitue un
élément essentiel dans la sensibilisation et la facilitation du
raffermissement de la coexistence pacifique au profit de la
population civile ;
– Constatant que la sécurité territoriale et celle des biens est
primordiale dans la jurisprudence islamique, comme stipulé
dans le Coran (sourate Ibrahim) « وإذ قال إبراهيم رب أجعل هذا البلد
ءامنا… » « quand Abraham dit : Oh seigneur, fais de cette cité
un lieu sûr… » et, comme réitéré par le Prophète Mohamed
paix et salut soient sur lui: « كل المسلم على المسلم حرام دمه و ماله و
عرضه » « tout musulman est défendu vis à vis de l’autre
musulman. Il lui est interdit son sang, sa richesse et l’atteinte
à son honneur »
– Réitérant notre attachement aux prescriptions saintes du
Coran, de la Sunna du Prophète Mohamed (PSL) ainsi que
notre reconnaissance de la diversité culturelle, nous
réaffirmons que la diversité ne peut faire obstacle au respect
intégral du Droit Islamique et du DIH ;
– Rappelons que la protection de la mission médicale dans
toutes les localités où qu’elles soient nous incombe à tous et
à toutes, vu notre attachement à la stabilité, à la paix et au
développement durable dans nos milieux ;
– Réaffirmons que les attaques ciblées et autres atteintes à la
mission médicale, qui inclut les personnels de santé, les
moyens de transport, les installations et les biens sanitaires
constituent une violation des droits selon la jurisprudence
islamique et le DIH ;

Par le présent acte :

Nous nous engageons fermement à soutenir et à accompagner
toutes les initiatives locales, nationales et sous- régionales visant à
mettre fin à l’atteinte à la mission médicale et à promouvoir
l’implication inclusive de la population dans la protection de la
mission médicale, gage d’un développement social harmonieux.
Lançons un appel :
– Aux Chefs Traditionnels et aux Leaders religieux pour
s’impliquer davantage dans la sensibilisation et prendre des
actions concrètes afin d’accompagner le changement
comportemental et social en faveur de la protection de la
mission médicale en danger ;
– Aux organisations de la société civile pour renforcer les
actions de plaidoyer en faveur de la protection de la mission
médicale sur le plan national et sous régional ;
– Aux Enseignants et aux Etudiants d’être des agents de
changement de mentalité pour la protection de la mission
médicale;
– Aux Partenaires Techniques et Financiers pour soutenir la
mise en oeuvre des stratégies et plans nationaux et sous
régionaux, y compris la mobilisation accélérée des
ressources.

Les Participants

Fait à Niamey, le 19 Mars 2021

Pour approfondir les questions de religions et de DIH, le CICR a créé en février dernier un blog ad hoc (en anglais).