Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a le mandat exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés et de leur porter assistance. Il existe deux types de conflits armés : les conflits armés internationaux, opposant deux Etats ou plus, et les conflits armés non internationaux opposant un Etat ou plus à des groupes armés non gouvernementaux, ou des groupes armés entre eux. Dans cet article nous allons parler de la mission du CICR dans un type spécifique de conflit armé international : l’occupation.

Cet article s’inscrit dans une série consacrée au 75ème anniversaire des Conventions de Genève de 1949.

Le droit de l’occupation

En droit international humanitaire, un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous le contrôle non consenti d’un Etat qui n’a pas la souveraineté du territoire. Les traités de droit international humanitaire (DIH), la doctrine, les manuels militaires et la jurisprudence expliquent que l’Etat étranger a le « contrôle effectif du territoire » lorsque : (1) ses forces sont présentes sur le territoire, (2) qu’elles ont la capacité d’exercer leur autorité sur le territoire concerné en lieu et place du souverain local et (3) que de ce fait ce dernier est dans l’incapacité d’exercer son autorité sur le territoire.

Les dispositions du DIH qui constituent le droit de l’occupation, et donc le régime juridique applicable, se trouvent dans le règlement de la Haye de 1907, la quatrième Convention de Genève et le premier protocole additionnel aux Conventions de Genève, et le DIH coutumier.

Ce droit part du principe selon lequel l’occupation est une situation temporaire, et cherche à trouver un équilibre entre les besoins de la population locale et les exigences sécuritaires de la puissance occupante¹. La puissance occupante a l’obligation fondamentale d’établir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publique sur le territoire qu’elle occupe. De plus, elle doit répondre aux besoins essentiels de la population, ce qui signifie qu’elle doit assurer la protection et le bien-être des civils vivant sur les territoires occupés du début à la fin de la période d’occupation.

Le rôle du CICR

Les activités humanitaires que le CICR mène dans les territoires occupés visent, comme dans d’autres contextes, à protéger la vie et la dignité des populations qui y vivent et à leur porter assistance.

Premièrement, le CICR peut offrir ses services pour déployer des activités humanitaires en application de son droit d’initiative.

Deuxièmement, afin d’intervenir en territoires occupés le CICR doit obtenir le consentement de la puissance occupante. Ce consentement n’est toutefois pas discrétionnaire car si la puissance occupante n’est pas en mesure de remplir son obligation première de répondre aux besoins essentiels de la population (eau, nourriture, soins médicaux, vêtements, matériel de couchage, logement d’urgence et objets nécessaires au culte), alors elle doit autoriser et faciliter dans toute la mesure de ses moyens les secours humanitaires de caractère impartial. Ainsi, ces services de secours doivent se tenir au seul objectif de fournir une assistance humanitaire aux populations civiles qui en ont besoin. Pour leur permettre de conduire cette mission, la puissance occupante doit respecter et protéger le personnel qui y participe.

De manière générale, la Puissance occupante, à l’instar de toutes les parties à un conflit, doit faciliter les activités humanitaires attribuées au CICR en vertu du DIH afin d’assurer protection et assistance aux victimes du conflit armé.

Contrôle de l’aide humanitaire en territoires occupés

La quatrième Convention de Genève contient plusieurs dispositions qui réglementent l’envoi et la distribution de l’aide humanitaire en territoires occupés afin de s’assurer qu’elle atteigne réellement les populations civiles dans le besoin, et qu’elle ne soit pas détournée pour le bénéfice des troupes, de l’administration ou même de la population civile de la puissance occupante.

L’Etat qui accorde le libre passage d’envois destinés à un territoire occupé peut également imposer des contrôles (E.g. contrôle des cargaisons, itinéraires imposés…) à condition que ce contrôle soit mis en œuvre de bonne foi et ne soit pas de nature à empêcher totalement ou à retarder indéfiniment l’aide humanitaire.

Activités humanitaires du CICR

Lorsque cela est nécessaire le CICR peut conduire des opérations de secours. Dans ce cadre, le CICR va approvisionner la population en vivres, produits médicaux, vêtements, matériel de couchage, abris d’urgence et d’autres éléments essentiels à la survie de la population civile du territoire occupé. Les actions du CICR sont conduites en coordination avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui peuvent notamment faciliter les distributions d’aide humanitaire.

Région de Kagera en Tanzanie occupée par l’Ouganda en 1979. Distribution de secours (ustensiles de cuisine, savon, lait en poudre, habits) par le CICR et la Croix-Rouge de Tanzanie aux personnes déplacées après le conflit.

Le CICR peut également aider la puissance occupante à remplir son obligation liée à l’administration des services médicaux qui sont trop souvent affectés par la guerre.

Le CICR va également se rendre dans les lieux où se trouvent des personnes protégées, notamment dans les lieux d’internement et de détention, et s’entretenir avec elles sans témoin². La puissance occupante doit autoriser ces visites, dont la durée et la fréquence ne peuvent pas être limitées, sauf à titre exceptionnel et temporaire, en raison d’impérieuses nécessités militaires. Ces visites ont pour but de vérifier que les personnes protégées sont traitées dignement.

Un autre service proposé par le CICR est de rétablir les liens entre des membres de familles séparées à cause du conflit. Cela peut se traduire par l’organisation de visites familiales dans les lieux de détention, la réunification de membres d’une même famille en les transportant d’un territoire à l’autre et l’identification des dépouilles mortelles et leur remise aux familles.

Ukraine, région de Donetsk, Sloviansk, Nikolaevka. Début décembre 2014, le CICR a aidé 211 familles qui ont reçu des articles d’hygiène, des colis alimentaires, des couvertures chaudes et des bougies.

Le CICR va aussi proposer ses services en tant qu’intermédiaire neutre entre les parties au conflit. Cette responsabilité peut conduire l’organisation à faciliter des opérations de libération de détenus et d’otages. La négociation des libérations à lieu entre les parties, le CICR ne choisit pas qui est libéré et sur la base de quel arrangement, mais l’organisation peut s’occuper de la logistique liée à la libération et ainsi s’assurer que les personnes libérées sortent du territoire en toute sécurité.

Enfin, lors de dialogues confidentiels et bilatéraux, le CICR va rappeler aux parties au conflit leurs obligations au regard du DIH, y compris les droits des personnes protégées, et l’obligation qu’a la puissance occupante de maintenir le statu quo en territoire occupé.

¹ Droit & politiques humanitaires, Le DIH et les territoires occupés , Tristan Ferraro et Mikhail Orkin, 15 décembre 2022.
² CICR, Les visites de détention du CICR. De quoi s’agit-il, comment sont-elles effectuées et pourquoi ?, Juillet 2015.