Les chiffres sont mauvais. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y avait, en 2022, 473 000 cas de choléra à travers le monde et 700 000 en 2023. Depuis le début de 2024, ce ne sont pas moins de 152 000 cas qui ont été recensés, notamment dans des pays en conflits. Un chiffre alarmant quand on sait combien les guerres favorisent la propagation du choléra.

Parmi les 24 pays où l’on déplore la présence du choléra, quasiment la moitié sont confrontés à une situation de conflit armé ou à d’autres situations de violence (Haïti, Nigéria, Syrie, Soudan, Somalie, République démocratique du Congo, Yémen, Mozambique, Ethiopie, Cameroun et Afghanistan). Et ce n’est pas le fruit du hasard.

La maladie des pays pauvres

Le choléra est une maladie véhiculée par l’eau qui peut se propager rapidement dans les zones densément peuplées où le manque d’accès à l’eau potable, des mauvaises conditions d’hygiène et d’assainissement sont à déplorer. Dans un quart des cas, la forme aiguë du choléra entraîne la mort en seulement un à trois jours.

Très présent sur le continent africain, « le choléra est considéré comme une maladie des pays pauvres, souvent passée sous silence » explique le Dr Philippe Barboza de l’OMS au micro de FranceInfo. Mais les aléas climatiques contribuent fortement aussi à sa propagation ; les épisodes de fortes pluies qui emportent avec eux les eaux insalubres dans les rivières par exemple.

Centre de santé de Goma (RDC). Sans raccordement à un réseau public de distribution d’eau, et en l’absence d’un réseau d’évacuation des eaux usées, les conditions de travail pour le personnel médical ne sont pas optimales. L’eau nécessaire à son fonctionnement est acheminée à la main, plusieurs fois par jour. Dans cette partie de la ville, les maladies d’origine hydrique, comme le choléra, sont endémiques. Mars 2020 / Didier Revol, CICR

Pourquoi les conflits armés renforcent les épidémies de choléra ?

En période de conflits armés, les systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau sont régulièrement endommagés ou détruits par les combats. Cela peut entrainer une diminution de l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires adéquates, ce qui favorise le développement du bacille responsable de la maladie. En Syrie, en 2017, le réseau d’eau était gravement endommagé par plus de onze années de conflit. La distribution d’eau avait alors diminué de 30 à 40%. Conséquence directe cette année-là, la Syrie était touchée de plein fouet par une épidémie de choléra.

Ajoutons à cela les déplacements de population massifs qui se retrouvent dans des camps de réfugiés / déplacés. La grande promiscuité de ces lieux cumulée à la précarité des populations qui s’y trouvent facilitent la rapide propagation de la maladie. Même constat et risques dans les centres de détention.

Durant les guerres, les systèmes de santé sont aussi souvent exsangues faute de matériel, de fournitures médicales et de personnel. Dans ces circonstances, il faut parer au plus urgent et fournir notamment des soins chirurgicaux de guerre. Les personnes ayant des vomissements et des diarrhées sans fièvre (symptômes du choléra lorsqu’il y en a) peuvent faire les frais d’un triage dans l’urgence.

En 2017, le Yémen était le théâtre de la plus grande crise humanitaire au monde avec plus de 20 millions de personnes dépendant de l’aide humanitaire. Avec seulement 45% des hôpitaux encore en service, plusieurs épisodes de fortes pluies et le non-ramassage des ordures, des centaines de milliers de personnes étaient suspectées d’avoir contracté la maladie. « On a vu jusqu’à quatre patients se partager un seul lit » se désolait le directeur des opérations du CICR de l’époque, Dominik Stillhart, lors d’une conférence de presse à Sanaa.

Autre exemple, cette fois-ci en Asie. L’Afghanistan détient le triste record cette année du plus grand nombre de cas signalés avec 36 000 cas de contaminations depuis le début de l’année… Rappelons que dans ce pays ravagé par la guerre, un Afghan sur deux n’a pas accès aux soins médicaux ou n’a pas assez de nourriture pour couvrir ses besoins quotidiens.

Sanaa (Yémen). A l’hôpital, le flux de patients atteints de choléra dépasse les capacités d’accueil de l’hôpital. Juin 2017, CICR

Une maladie pourtant évitable

Plusieurs solutions existent pourtant pour endiguer les épidémies. La vaccination reste une solution très efficace, mais encore faut-il avoir suffisamment de vaccins en stock. Selon Franceinfo, « l’OMS a donné il y a quelques semaines son feu vert à une version simplifiée d’un des vaccins pour regonfler un peu les stocks, mais ils sont quand même très bas. La demande explose à tel point que l’OMS préconise maintenant d’administrer une seule dose de vaccin au lieu de deux. Juste pour pouvoir vacciner plus de personnes. »

A défaut de pouvoir être massivement vaccinés, une autre solution serait de se réhydrater ou d’ingurgiter des sels de réhydratation. Mais pour cela, faut-il encore avoir accès à de l’eau potable. C’est un cercle vicieux puisque si l’accès à l’eau potable était assuré, les cas de choléra seraient moindres.

Alors quelles solutions reste-il pour endiguer les épidémies de choléra à travers le monde ? L’eau potable, l’assainissement et l’hygiène demeurent les seules solutions durables et à long terme pour mettre fin à l’épidémie de choléra et prévenir d’autres épidémies.

La réponse du CICR pour limiter la propagation du choléra en zone de conflit

Pour endiguer les épidémies, le CICR peut compter sur deux de ses unités : l’unité santé bien entendu et l’unité WatHab. Dans le jargon interne du CICR, cela signifie « Water & Habitat », comprenez, « eau et habitat ». Les WatHab peuvent être des ingénieurs génie civil, électriciens, hydrologues, géologues, etc. Ils s’emploient entre autres à garantir l’accès à des services essentiels comme l’eau, l’assainissement et l’électricité aux personnes vivant dans des zones de conflit.

Que ce soit en milieu urbain comme en milieu rural, ils privilégient toujours des stratégies durables. En ce sens, ils vont préférer réparer le système de distribution d’eau défaillant plutôt que de distribuer des bouteilles d’eau potable.

L’exemple d’Haïti

Au lendemain de l’épidémie de choléra (septembre/octobre 2022) jusqu’au mois de novembre 2023, le CICR a dans un premier temps limité la propagation de l’épidémie par la distribution de :

  • savon (cela peut paraitre anecdotique mais reste redoutablement efficace), de 36 000 sels d’hydratation orale et 180 000 comprimés de chlore pour purifier l’eau à 1700 ménages de Cité-Soleil, quartier particulièrement dense de la capitale et fortement touché par les violences.
  • de kits d’hygiène et d’assainissement, de produits de chloration d’eau, par la vidange des fosses septiques, le ramassage d’ordures, et la livraison d’eau potable dans la prison centrale de Port-au-Prince.
  • 300 kits d’hygiène, 4 kits d’assainissement et 4 dispositifs de lavage des mains, et 4 800 galons d’eau pour 1 500 déplacés de Carrefour-Feuilles, en collaboration avec la Croix-Rouge haïtienne et la Croix-Rouge canadienne.

Dans un second temps, pour apporter des solutions durables à la population, le CICR a :

  • construit un bloc sanitaire avec 2 latrines et 2 douches au centre médical d’observation de Cité-Soleil.
  • fourni un appui financier et technique à une ONG bien implantée en Haïti, Health through Walls (HtW). Avec le support du CICR, HtW a par exemple soigné 1 479 détenus selon le protocole national pour la surveillance et de prise en charge du choléra.

Port-au-Prince (Haïti), la prison civile de Port-au-Prince abrite 1 700 détenus. Le risque de propagation des épidémies est donc important. Les détenus touchés par le choléra soignés dans des espaces isolés. Novembre 2010 / Olga Miltcheva, CICR

Dernier exemple avec l’épidémie qui sévissait au Soudan du sud à travers une vidéo tournée en 2014 mais qui reste d’actualité tant elle explique les procédés mis en place par le CICR et les Croix-Rouge et Croissant-Rouge nationaux en cas de choléra :