Il y a plus de 10 ans, le CICR avait lancé une vaste campagne, « soins de Santé en danger » pour alerter sur le non-respect de la mission médicale en temps de conflit armé ou d’autres situations de violence. Fort est de constater que beaucoup reste faire pour que les combattants respectent le plus élémentaire des principes humanitaires… Dans l’Est de la RDC comme dans d’autres contextes, les enjeux sont cruciaux pour les populations.

Entre janvier 2021 et août 2022, le CICR a recensé et documenté une trentaine de cas où l’accès aux soins de santé est devenu impossible. Ceci ne concerne que les endroits du Nord-Kivu où ont pu travailler les équipes. A plus grande échelle, la liste des « incidents » – pudique euphémisme – est probablement plus longue et les conséquences plus lourdes sur les populations. « Dans la seule zone de santé de Rwanguba, sur 21 structures de santé, 15 ne sont plus fonctionnelles », explique Catherine Savoy, coordinatrice du département « Santé » au CICR.

L’insécurité, toujours…

L’insécurité est la première cause empêchant les malades d’atteindre des structures de santé. Nombre de familles résidentes ou déplacées, se trouvent piégées dans les combats entre les lignes de front. Les personnels de santé sont aussi parfois inquiétés, menacés, contraints de fuir. Ceci obère l’accès aux soins tant préventifs que curatifs et laisse les malades abandonnés à leur sort.

« Ma femme souffrait d’une infection. Je l’ai amenée au dispensaire de Rwanguba. Mais il avait été déserté. Ici, il vaut mieux éviter de tomber gravement malade, car c’est la mort assurée », raconte, amer, Ategeka, venu des faubourgs de Rwanbuga.

Les familles déplacées dans un état critique

Quant aux structures de santé encore fonctionnelles, elles sont logiquement débordées, particulièrement celles à proximité des camps d’accueil de déplacés. Les localités Rutshuru, Kiwanja, ou encore l’axe Rutshuru-Goma sont principalement concernées par ces afflux importants de populations, de malades et de blessés.

« En situation normale, la plupart des centres de santé ont déjà des difficultés à maintenir des soins de qualité. En cause, le manque de personnel et la faiblesse des moyens financiers et matériels », note Catherine Savoy. « En situation de crise, ces structures ne sont pas à même d’absorber un surplus de patients. In fine, ceci a un impact sur l’accès aux soins de toute la population. »

Comment payer les frais d’admission ?

A cela s’ajoute l’incapacité des déplacés à pouvoir payer les frais de prise en charge médicale. « Pour être soignés, on nous demande de payer 8 000 francs congolais (4 USD) rien que pour une fiche de consultation. Nous, simples déplacés, comment trouver cet argent ? », déplore Mamy, 35 ans, mère de huit enfants, cultivatrice et déplacée à Biruma. « En une semaine, deux enfants sont morts de diarrhée, de vomissements et de paludisme dans l’école qui nous héberge. »

Les déplacés, parmi les plus vulnérables

La situation sanitaire dans les camps de déplacés demeure préoccupante. « Nous avons urgemment besoin d’un dispensaire pour une prise en charge rapide des malades dans notre camp », explique Elisabeth, déplacée refoulée d’Ouganda à Rwasa, tout près de Kiwanja. « Certes nous avons un abri mais pas assez de latrines. Ceci contribue à une explosion des cas de diarrhée et des maladies liées à l’eau »

« Si rien n’est fait dans la région pour faciliter et améliorer l’accès aux soins de santé, la situation pourrait s’aggraver davantage dans les semaines et mois à venir», conclut Catherine Savoy.

Quelques chiffres clé sur les opérations du CICR

 

·       185 853 personnes ont bénéficié de consultations curatives dans les centres de santé et hôpitaux ;

·       22 251 personnes ont bénéficié de consultations prénatales (premier contact et suivi) dans les centres de santé ;

·       634 blessés par arme ont été pris en charge ;

·       3 569 victimes de violences ont reçu un soutien psychologique et psychosocial dans les différentes structures ;

·       1 891 personnes ont reçu des soins de réadaptation physique ;

·       2 030 détenus ont bénéficié d’une prise en charge nutritionnelle ;

·       562 personnes (communauté, porteurs d’armes et personnel de santé) ont reçu une formation en premiers secours.