Dans ce deuxième article, nous allons nous intéresser aux peintres prisonniers.

Loin de leurs repères et privés de leur liberté, les peintres prisonniers trompent l’ennui en créant des œuvres souvent réalistes et inspirées de leur vie quotidienne. La production de portraits leur sert parfois de monnaie d’échange auprès des autres prisonniers ou des gardiens pour obtenir des avantages (nourriture, tabac, etc.). L’expression de leur art leur permet de s’évader des limites du camp et de leur dure vie de captif.

Henri Simon, prisonnier de guerre français au Stalag IB, produit entre 300 et 400 œuvres en une année de captivité.

Carte de capture d’Henry Simon: ACICR C G2 FR, Service français, grand fichier alphabétique

Liste de prisonniers de guerre français détenus au Stalag IB : ACICR C G2 FR, Service français, RF 160797

Il s’agit de dessins réalisés sur du papier d’emballage venant des cuisines, du papier quadrillé, des gouaches et des aquarelles réalisées avec de l’eau, du sucre et de la mine de plomb en poudre. Du matériel de peinture est parfois reçu d’organisations humanitaires comme le CICR, des membres de leur famille, ou même des gardiens.

Les œuvres d’Henry Simon sont essentiellement des portraits, saisissants de réalisme.

SIMON Henry (1910-1987), Cinq prisonniers, 1940, aquarelle

SIMON Henry (1910-1987), Celui qui a faim, 1940, aquarelle

SIMON Henry (1910-1987), Prisonnier à l’accordéon, 1940, aquarelle

SIMON Henry (1910-1987), La grande masse des autres, 1940, aquarelle

Ecoutons Henri Simon parler de sa captivité : « J’ai été, à cette époque, bouleversé par la matière à traduire. Personne ne pouvait jouer la comédie. Cette nature nue était, pour les peintres, une expérience formidable, une immense leçon.».

Au Stalag IB, la baraque 42, dite baraque des artistes, réunit les peintres, les architectes, les hommes de théâtre, les intellectuels. On y trouve bien sûr Henri Simon, mais aussi Charles Emile Pinson, graveur, Prix de Rome en 1932.

Les artistes y ont une relative liberté de travail. Chaque œuvre est tamponnée par l’autorité du camp. Beaucoup sont offertes, ou confisquées par les Allemands. Un jour, un officier décrète que leurs œuvres sont de l‘art juif. Il exige que les peintres lui réalisent un portrait d’Hitler regardant brûler Paris. Tous refusent et le matériel de peinture est retiré.

En août 1941, Henry Simon est libéré comme sanitaire grâce à une astuce de son ami le graveur Charles Emile Pinson. Celui-ci lui a fabriqué un faux cachet de sanitaire avec une pomme de terre. La baraque 42 est également appelée la « baraque du faux ».

Henry Simon réussit à ramener plus d’une centaine de feuilles de sa détention. A son retour en France, il travaille sur un projet d’album, Compagnons de silence, réalisé avec des aquarelles d’après ses dessins de captivité et un texte écrit par son frère, André, également prisonnier. Cet album doit être édité par l’Association nationale des Prisonniers de Guerre, mais faute de moyens, l’album ne paraitra jamais de leur vivant. Il sera publié en 2005.

La production artistique des peintres prisonniers est parfois diffusée pendant la guerre lors d’expositions dans les camps ou à l’arrière.

Photographie, Allemagne, Guerre 1939-1945. Muehlberg/Elbe. Stalag IV B, camp de prisonniers de guerre. Exposition artistique. CICR

Secrétariat d’Etat à la guerre, Quand ils reviendront, Paris, Salon du prisonnier, 1942

Lors des rapatriements, les artistes se préoccupent également de ramener leurs œuvres. Certains, obligés de les laisser derrière eux, sollicitent en vain le CICR pour pouvoir les récupérer.

Lettre écrite par un prisonnier de guerre au Service français de l’Agence : ACICR C G2 FR A-314, Service français

Les peintres prisonniers ont été la voix de leurs camarades. L’œuvre d’Henry Simon, Autoportrait, prisonnier mon frère en est la parfaite illustration.

SIMON Henry (1910-1987), Autoportrait – Prisonnier mon frère, 1940, aquarelle