
Photo de Roger Bushell, CC-BY-SA-4.0
Chercher un moyen d’échapper à la captivité est sans aucun doute dans les pensées de tout prisonnier de guerre. Les motivations de ces hommes sont multiples. S’évader pour retrouver sa liberté certes, mais aussi pour reprendre le contrôle de sa vie, décider de son destin, se venger des vexations subies et reprendre le combat contre la puissance ennemie. Dans le cas d’une évasion de masse, il y a également l’idée de mener une bataille depuis l’intérieur et d’obliger les ennemis à poursuivre les évadés à travers le pays en mobilisant des forces qui ne pourront être employées à faire la guerre.
Quand on parle d’évasions de prisonniers de guerre de la Seconde Guerre mondiale, on pense immédiatement aux images du célèbre film La grande évasion avec Steve McQueen. Le film est basé sur l’histoire vraie de pilotes alliés qui s’évadent du Stalag Luft III dans la nuit du 24 au 25 mars 1944.
Parmi eux, le « cerveau » de l’évasion, Roger Bushell, un pilote sud-africain de la Royal Air Force. On peut parler ici d’un professionnel de l’évasion. Ancien commandant d’un escadron abattu pendant la bataille de Dunkerque en mai 1940, il considère que tout officier capturé a le devoir moral de s’évader. Il commence sa captivité au Dulag Luft, un camp de transit pour les aviateurs.

Carte de capture de Roger Bushell, ACICR C G2 FR GB, fichier alphabétique
Dès le début de sa captivité, il se lie d’amitié avec l’homme de confiance du camp Harry Day et le pilote Jimmy Buckley.

Photo de Harry Day, V-P-HIST-01636-01, ICRC
Les trois hommes forment alors un « Escape Committee », chargé de préparer des évasions. Un tunnel est creusé et une première tentative avec 17 prisonniers a lieu en juin 1941. Bushell n’utilise pas le tunnel mais s’évade de nuit en se cachant dans la bergerie du camp. Il est repris par les Allemands à seulement quelques kilomètres de la frontière suisse et est transféré au Stalag Luft I en même temps que Day et Buckley et les autres prisonniers tous repris.
Prisonnier au Stalag Luft I, Bushell transmet un message au délégué du CICR en visite le 2 juillet 1941 [1] :
« Messages aussi à Mme Paravacini (de Berne) du Pilot Squadron leader Bushell, qui a failli rendre visite il y a quelques temps à Mme Paravacini. Il a été retenu, tout à fait contre son gré, à quelques mètres de la frontière, en vue du Säntis, et a dû regagner son camp, d’où il a été transféré à Barth Vogelsang où il réside actuellement. Il n’a cependant pas renoncé à ses intentions de voyage. »
Il parle bien sûr ici de sa tentative d’évasion par la Suisse. Derrière ce ton volontairement espiègle et désinvolte, on comprend toute la détermination à s’évader encore.
Lors d’un nouveau transfert de l’Oflag X C à l’Oflag VI B le 8 octobre 1941, Bushell parvient à sauter du train et à rejoindre Prague avec un camarade tchécoslovaque.

Carte informant de l’évasion de Roger Bushell, ACICR C G2 GB, RB/I 741
Ils restent cachés à Prague durant 8 mois grâce à l’aide de la résistance locale. Dénoncés, ils sont arrêtés par la Gestapo. La famille qui avait caché les deux prisonniers est exécutée. Bushell subit des interrogatoires incessants car la Gestapo pense qu’il est peut-être complice de l’attentat qui a tué Reinhard Heydrich, le Vice-gouverneur de Bohême-Moravie nazi, en mai-juin 1942. Tous ces événements renforcent la haine de Bushell pour les nazis. Il sait que s’il retombe entre les mains de la Gestapo, il sera exécuté.
Durant cette période de silence, le CICR reçoit plusieurs demandes de nouvelles de ses proches qui s’inquiètent de son sort.

Fiche d’enquête concernant Roger Bushell, ACICR C G2 GB, fichier alphabétique
Roger Bushell est finalement transféré au Stalag Luft III, un camp de prisonniers de guerre pour les officiers de l’aviation alliée situé près de la ville de Zagan en Basse-Silésie.

Gauche: Lettre concernant un colis de secours pour Roger Bushell, ACICR C G2 GB, RBO 6/22/20. Droite: Carte écrite de la main de Roger Bushell, ACICR C G2 GB, RBO/10/972.
Téléchargez ici la liste des nouveaux prisonniers de guerre arrivés au Stalag Luft III du 1er juillet 1942 (ACICR C G2 GB, RBO 5/4/263).
Le Stalag Luft III est conçu pour prévenir les évasions et les Allemands y regroupent les aviateurs qui se sont déjà évadés. Dans leur rapport de visite du 13 septembre 1942, les délégués du CICR indiquent : « Les mesures de surveillance sont évidemment très strictes vu les tentatives d’évasion extrêmement nombreuses. Les chambres et les prisonniers sont fouillés fréquemment et la Kommandantur possède un Musée de l’évasion très varié et bien garni. » [2]
Le camp est composé de plusieurs enceintes, chacune séparée du reste du camp afin de limiter les contacts entre les prisonniers. L’enceinte nord est occupée par les prisonniers britanniques et les prisonniers du Commonwealth.

Plan du Stalag Luft III, annexe du Rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III du 22 mai 1944, ACICR C SC, RR 808
Les autorités allemandes ont renforcé les mesures de sécurité dans le camp. Elles ont par exemple installé des microphones sismographes pour surveiller le percement de tunnels éventuels[3] et ont construit les baraquements sur pilotis. Toutes ces dispositions n’empêchent pas Bushell de rêver d’évasion à grande échelle au sein du comité d’évasion, baptisé « Comité X », et de préparer le creusement de trois tunnels : Tom, Dick et Harry dès le printemps 1943.
Chaque tunnel doit être creusé à plus de 10 mètres de profondeur, mesurer plus de 100 mètres de long et passer sous les baraquements des gardiens allemands. Plus de 600 prisonniers de guerre participent à cet effort. Peu connaissent le plan dans son ensemble et seule une poignée d’hommes travaillent au creusement du tunnel lui-même. Roger Bushell est le chef d’orchestre de ce gigantesque projet d’évasion : on le surnomme Big X. Pour augmenter ses chances de réussite, il s’entoure des meilleurs spécialistes parmi les prisonniers. Ainsi, c’est Wallace Floody, pilote canadien et surtout ingénieur des mines avant-guerre qui prend en charge la réalisation des tunnels.
Pour parvenir à leurs fins, les prisonniers détournent le matériel fourni par les Allemands. En effet, il faut beaucoup de bois pour étayer les tunnels et on le récupère notamment sur les meubles des baraquements. Ce sont ainsi approximativement 4.000 panneaux de lit, 1370 lattes de sommier, 635 paillasses, 35 chaises, 52 tables et 90 armatures de couchette qui seront utilisés au total.
Un indice de ce matériel disparu ? Selon le rapport de visite des délégués du CICR du 26 juillet 1943 [4] :
« … il est très difficile de trouver certains objets accessoires nécessaires à l’aménagement du camp. Le Commandant nous assure cependant qu’il fait tout son possible pour rendre le camp plus confortable en l’équipant de tout le nécessaire ; mais il constate qu’on utilise énormément de matériel dans ce camp, matériel cinq fois plus abondant que celui qu’on utilise pour les camps de troupes allemands. »
Lors de la visite de la Puissance Protectrice suisse le 22 février 1944[5], les prisonniers réclament du bois pour construire des tranchées en cas d’attaque aérienne. Les Allemands refusent car ils savent que le bois est utilisé pour les tunnels.
Il faut également être capable d’éclairer l’intérieur des tunnels. Le système de lanternes artisanales à base de graisse de mouton et de mèches en tissu de pyjama n’étant pas durable, des fils électriques sont volés à des ouvriers allemands et un véritable réseau connecté au circuit électrique du camp est installé.
Lors de la même visite[6], la Puissance protectrice note que les prisonniers réclament de nouvelles ampoules mais le Commandant refuse ; il trouve que le nombre d’ampoules cassées dans le camp est vraiment excessif. Même le délégué suisse admet: “il ne fait guère de doute qu’une quantité importante d’ampoules et d’autres équipements soient brisés lors du creusement de tunnels.”
L’air frais étant insuffisant sous terre, il faut également prévoir une ventilation. Pour cela, on fabrique des tuyaux d’aération au moyen de boîtes de lait en poudre vides, et on installe un compresseur fait d’un sac en tissu monté sur des courroies en bois. Un homme actionne le compresseur dans les deux sens comme une machine à ramer pour pomper l’air.
Un problème clé est également l’évacuation de la terre des tunnels. Des sacs sont cousus à l’intérieur des pantalons pour contenir la terre. Celle-ci est ensuite dispersée lors des promenades. Les prisonniers construisent un chemin de fer en bois pour transporter les hommes et le matériel sur des chariots actionnés par des cordes.
Il faut également organiser la fuite après avoir quitté la zone du Stalag et préparer l’approvisionnement des évadés. Johnny Travis, pilote rhodésien, prépare des kits d’évasion et réalise notamment des boussoles à l’aide de fragments de Bakélite pris sur des gramophones et de fragments de lames de rasoir magnétisées. Desmond Plunkett et son équipe réalisent des cartes. De vrais papiers d’identité et des laissez-passer sont volés ou obtenus auprès de gardes corrompus puis copiés par une équipe de faussaires. Des vêtements civils sont retaillés à partir d’uniformes.
Les prisonniers organisent des spectacles de théâtre et de musique pour cacher les bruits de creusement et les activités du Comité X. Dans leur rapport de visite du 13 septembre 1942, les délégués du CICR précisent : « L’activité intellectuelle est très poussée (théâtre, cinéma, orchestre, cours divers). Cette activité est encouragée par les autorités du camp. » [7]
Toute cette préparation intervient sous les yeux et la surveillance constante des gardes. Les Allemands savent que des tunnels sont en préparation mais, malgré leurs recherches incessantes, ils ne trouvent pas leur emplacement. De plus, d’autres tentatives d’évasion interviennent sporadiquement. Ainsi, en juillet 1943, 30 à 40 officiers tentent encore de s’évader. Suite à cet événement, « la discipline s’est resserrée » et le rapport de visite original[8] des délégués du CICR du 26 juillet nous donne des informations d’ordre strictement confidentiel sur le renforcement de la surveillance.[9]
Téléchargez ici un extrait du rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III du 26 juillet 1943 (ACICR, C SC, RR 643)
Premier coup dur pour les prisonniers : les gardes allemands découvrent le tunnel baptisé Tom en septembre 1943 alors qu’il a atteint les bois. C’est le 98e tunnel découvert par les Allemands dans ce camp ! Les travaux des deux autres tunnels s’arrêtent alors pendant deux mois pour ne pas éveiller les soupçons des gardes.
Au mois d’octobre 1943, une évasion a lieu dans l’enceinte Est du camp : trois détenus s’échappent grâce à un tunnel percé sous un cheval d’arçon en bois creux qui servait aux exercices de gymnastique. Roger Bushell lance alors le plan B et la reprise des travaux du tunnel Harry. Dick est abandonné et sert de lieu de stockage. La trappe d’entrée du tunnel Harry est installée sous un fourneau de chauffage du baraquement 104. Le fourneau reste toujours allumé afin de décourager la vigilance des gardes.
En mars 1944, les gardes allemands surprennent plusieurs prisonniers, dont Wallace Floody, alors qu’ils se débarrassent de la terre des tunnels stockée dans leurs vêtements. Ce groupe de 20 prisonniers est immédiatement transféré dans un autre camp. Ainsi, l’ingénieur en chef de la réalisation des tunnels ne participera pas à l’évasion.
Enfin, tout est prêt et l’évasion est prévue durant la nuit du 24 au 25 mars 1944.
Sur les 600 prisonniers qui ont aidé aux préparatifs, seuls 200 tenteront l’évasion. Les premiers « élus » sont choisis parmi les prisonniers qui ont les meilleures connaissances linguistiques et ceux qui ont déjà plusieurs tentatives d’évasion à leur actif. Les suivants sont tirés au sort parmi les prisonniers qui ont le plus travaillé pour la réussite de l’entreprise.
Le tunnel est long de 101 mètres, creusé de 10 mètres de profondeur et large de seulement 60 cm. Le premier évadé sort du tunnel à 22h30. Le rythme des suivants est prévu de dix hommes par heure.
Malheureusement, le tunnel est trop court d’environ 10 mètres et ne permet pas de sortir directement dans les bois loin de la surveillance des sentinelles. Les prisonniers doivent donc attendre que la sentinelle de la tour de guet tourne la tête pour sortir et cela retarde l’ensemble du plan.
À 4h55 du matin, au 77e évadé, l’alarme est donnée par un garde qui découvre le trou de sortie. Poursuivis par les gardiens du camp et par la Gestapo, les prisonniers qui sont parvenus à sortir du camp tentent de rejoindre la gare de Zagan pour quitter le secteur au plus vite en train. Les frontières sont bouclées et une véritable chasse à l’homme est lancée. La plupart des 76 évadés sont rapidement arrêtés. L’annonce de l’évasion met Adolf Hitler dans une rage folle. Il ordonne l’exécution de tous les prisonniers recapturés. Craignant les représailles alliées, Hermann Göring obtient qu’on réduise le chiffre des victimes à plus de la moitié. Ainsi, 50 noms sont choisis parmi les 76 prisonniers [10]. Roger Bushell est l’un d’entre eux.

Liste des prisonniers exécutés, annexe du Rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III du 22 mai 1944 (ACICR C SC, RR 808)
Les prisonniers sont exécutés d’une balle dans la nuque lors d’un transfert, l’explication donnée plus tard par les Allemands selon laquelle ils auraient été tués lors d’une nouvelle tentative d’évasion ne convainc personne. Ces exécutions sont une terrible violation de la Convention de Genève. L’annonce du massacre n’arrive en Angleterre qu’en mai 1944 après une visite des délégués de la Puissance Protectrice suisse au Stalag Luft III.
Seuls trois prisonniers parviennent à retrouver la liberté : le Hollandais Bram van der Stok et les Norvégiens Peter Bergsland (alias Rockland) et Jens Müller. Bram van der Stok sera libre après un périple de 4 mois à travers l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, puis la France. Il traverse les Pyrénées jusqu’en Espagne, arrive à Gibraltar et rejoint enfin l’Angleterre. Peter Bergsland et Jens Müller seront libres après seulement 4 jours. Après un voyage en train jusqu’à Stettin, ils parviennent à prendre un bateau jusqu’en Suède.
Le chef du camp, l’Oberst von Lindeiner-Wildau, a une crise cardiaque à l’annonce de l’évasion.[11] Relevé de son commandement, il est condamné à 2 ans de forteresse. Le nouveau chef du Stalag Luft III, l’Oberst Braune, est jugé extrêmement sévère par la Puissance protectrice suisse qui visite le camp le 17 avril 1944. La discipline devient particulièrement rigoureuse et le moral des prisonniers est au plus bas.
Téléchargez ici un extrait du rapport de visite de la Puissance protectrice suisse au Stalag Luft III du 17 avril 1944 (ACICR C SC, RR 864)
Ce que dit le droit
L’article 50 de la Convention de Genève de 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre interdit strictement de punir les prisonniers de guerre repris après une tentative d’évasion autrement que par des sanctions disciplinaires. Aujourd’hui, la IIIe Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, qui a remplacé celle de 1929 en 1949, prévoit des dispositions analogues au sein de l’article 92.
L’exécution des 50 aviateurs repris constituait une violation flagrante de la Convention de Genève. Elle fût dénoncée comme crime de guerre par les autorités britanniques dès que la nouvelle fut connue. En juin 1944, le ministre des affaires étrangères Anthony Eden déclara devant la Chambre des communes :
« Le Gouvernement de Sa Majesté (…) proteste solennellement contre ces actes de barbarie commis de sang-froid. Il ne relâchera aucun effort pour réunir les preuves et identifier tous les responsables. Il est déterminé à poursuivre ces criminels infâmes jusqu’au dernier, où qu’ils se cachent. Lorsque la guerre sera terminée, ils devront répondre de leurs actes devant une justice exemplaire. »
Comme l’ordre d’exécuter les aviateurs repris provenait des plus hautes instances du gouvernement allemand, l’exécution des prisonniers du Stalag Luft III fut intégrée aux chefs d’accusation pour crimes de guerre devant le Tribunal militaire international de Nuremberg.
Au-delà de ce procès emblématique, la Special Investigation Branch de la Royal Air Force engagea des moyens considérables pour retrouver ceux qui avaient pressé la détente. Une enquête minutieuse permit d’identifier et d’inculper 72 membres de la Gestapo et de la Kripo. Plusieurs étaient déjà morts ou présumés morts. Certains ne furent jamais retrouvés. Dix-huit d’entre eux comparurent finalement devant le tribunal de Hambourg en 1947, suivi d’un second procès en 1948. Bien que la politique britannique envers les criminels de guerre nazis ait évolué au fil du temps [12], et malgré les pressions pour accélérer les procédures, l’éxecution du Stalag Luft III demeura une priorité, à laquelle l’opinion publique britannique attachait une grande importance.
« La [Royal Air Force] a confié à sa brigade spéciale d’enquête (Special Investigation Branch) la mission de faire respecter le droit international, qui a souffert d’un excès de discours et d’un manque criant de contrôle et d’application. Dans cette affaire, celle-ci fut si complète que le succès obtenu a établi, de facto, un principe avancé : le droit international peut être mis en œuvre efficacement. Il ne faut pas craindre de l’étendre là où c’est nécessaire, ni de fournir les efforts requis pour le faire respecter. » [13]
Raconter l’évasion : quand Hollywood s’en mêle

Logo officiel du film « The Great Escape » (Wikimedia commons)
En 1963, le grand public découvre l’histoire de l’évasion du Stalag Luft III grâce au film de John Sturges devenu culte, The Great Escape (titre français : La grande évasion). L’ingéniosité et l’ampleur des préparatifs de l’évasion ne pouvaient manquer d’intéresser Hollywood. Leur charisme, leur courage, leur soif de liberté fait de ces prisonniers de guerre qui refusent d’accepter leur sort des héros taillés sur mesure pour le grand écran, une fois la copie revue par Hollywood.
Le film s’inspire du livre éponyme de Paul Brickhill, paru en 1950. Ancien prisonnier de guerre australien, Paul Brickhill a participé sinon à l’évasion (en raison de sa claustrophobie), du moins à certains préparatifs. Son livre, déjà, prend quelques libertés avec la vérité historique, afin de rendre l’histoire plus attrayante pour le grand public.
Sous la plume des scénaristes, l’histoire devient plus sensationnelle encore. La célèbre scène de course-poursuite à moto est ainsi une parfaite invention, tout comme le personnage central incarné par Steve McQueen, l’Américain Virgil Hilts. La présence d’américains parmi les évadés est aussi une facilité hollywoodienne. En réalité, seuls des Britanniques, Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais et étrangers intégrés à la RAF prirent part à l’opération. Hormis John Dodge, un Américain naturalisé Britannique, les autres Américains avaient été transférés avant l’évasion.
Le personnage de Roger Bartlett, interprété par Richard Attenborough, est en revanche bien inspiré de Roger Bushell. Le pilote de chasse canadien Wallace Floody, qui, fort de son expérience dans les mines d’or de l’Ontario, était devenu l’ingénieur en chef des tunnels, fut engagé comme conseiller technique sur le film. Transféré peu avant l’évasion, il avait ainsi échappé au destin tragique de Bushell et ses camarades.

Carte de capture de Wallace Floody, ACICR C G2 GB, fichier alphabétique
The Great Escape ne tait pas l’exécution de la majorité des évadés. Mais, film de divertissement, il préfère conclure avec le personnage fictif de Virgil Hilts, recapturé mais indemne, et laisser le spectateur espérer que sa prochaine tentative sera la bonne. Le courage et l’héroïsme sont au cœur du film, non la souffrance des prisonniers et leur fin tragique. Peut-être est-ce un récit trop intrépide pour une histoire en réalité bien sombre. Néanmoins, en relisant le message d’un Roger Bushell qui a toujours refusé de renoncer à « ses intentions de voyage », on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’aurait pas été mécontent d’une telle postérité.
Pour en savoir plus
Archives
- Documents sur Roger Bushell dans les Archives d’Arolsen
- Documents liés à la grande évasion dans les collections de l’Imperial War Museum
Voir aussi notre guide de recherche L’action du CICR pendant la Seconde Guerre mondiale
Littérature
- Dana Polan, Dreams of Flight: « The Great Escape » in American Film and Culture. Berkeley: University of California Press, 2021.
- Allen Andrews, Exemplary justice, London : Harrap, 1976.
[1] ACICR C G2 GB 1994.045.00046, Correspondance entre les familles et les prisonniers de guerre.
[2] ACICR C SC, RR 462, Rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III le 13 septembre 1942.
[3] Les prisonniers vont éviter ce problème en creusant leurs tunnels plus profondément.
[4] ACICR C SC, RR 643, Rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III le 26 juillet 1943.
[5] ACICR C SC, RR 771, Rapport de visite de la Puissance protectrice suisse au Stalag Luft III le 22 février 1944.
[6] Ibid.
[7] ACICR C SC, RR 462, Rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III le 13 septembre 1942.
[8] Les rapports de visites des délégués du CICR existent en deux versions : la version originale non toilettée qui contient des annexes et des informations confidentielles et la version toilettée qui était envoyée aux Puissances belligérantes, corrigée et expurgée des annexes et des éléments confidentiels.
[9] ACICR, C SC, RR 643, rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III du 26 juillet 1943.
[10] ACICR C SC, RR 808, Rapport de visite des délégués du CICR au Stalag Luft III du 22 mai 1944.
[11] ACICR C SC, RR 864, Rapport de visite de la Puissance protectrice suisse au Stalag Luft III du 17 avril 1944.
[12] Voir Priscilla Dale Jones, “Nazi Atrocities against Allied Airmen: Stalag Luft III and the End of British War Crimes Trials”, The Historical Journal, vol. 41, no. 2, June 1998, p. 543-565, Donald Bloxham, “British War Crimes Trial Policy in Germany, 1945–1957: Implementation and Collapse”, The Journal of British Studies, vol. 42, issue 1, January 2003, p. 91-118.
[13] Allen Andrews, Exemplary justice, London: Harrap, 1976


Commentaires