Depuis sa création en 1863, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour ainsi dire cheminé aux côtés de la photographie. Aujourd’hui, plus de 110’000 images fixes du fonds photographique de l’institution genevoise sont consultables sur notre portail en ligne. Cette nouvelle rubrique vous emmène à la découverte des moments phare du CICR dont ses archives photographiques conservent la trace[1]. A chaque numéro, une galerie d’images sera mise à l’honneur.

 

Les portraits de Dunant, Moynier, Appia, Maunoir et Basting sont conservés dans différents albums de l’Ancien fonds de la bibliothèque du CICR. Ces tirages sont probablement l’œuvre (cela reste une hypothèse) du photographe Jean-Joseph Temporel, qui utilise alors le procédé négatif au collodion humide, dont le développement sur papier albuminé a supplanté le daguerréotype quelques années plus tôt. Quant au portrait de Dufour, parfois attribué à François Vuagnat, il est vraisemblable qu’il soit issu d’un procédé plus ancien, le calotype, dont le tirage est obtenu à partir d’un négatif papier. En pied ou en buste, la « portraituromanie »[2] photographique, nouvel attribut d’une bourgeoisie qui s’affirme, est alors un phénomène en pleine expansion.

La première étape de ce parcours débute il y a près de 160 ans à Genève, le 9 février 1863 à 18 heures. Devant la Société genevoise d’utilité publique (SGUP), celui qui sera président du CICR pendant 46 ans, donne lecture de quelques lignes d’Un souvenir de Solférino, l’ouvrage qu’Henry Dunant a publié l’année précédente. En effet, Gustave Moynier tente de convaincre les sociétaires de la SGUP – réunis comme à leur habitude au casino de Saint-Pierre[3] – de l’opportunité de présenter un projet de création de corps d’infirmiers volontaires auprès des armées en campagne, lors d’un congrès qui se tiendra à Berlin au mois de septembre. La proposition de Moynier, loin de faire l’unanimité parmi les membres de la SGUP, emporte tout de même l’adhésion des Drs Maunoir et Appia, justifiant en cela que l’objet du jour soit approuvé et porté à l’agenda d’une commission de cinq membres huit jours plus tard.

Le 17, la commission, composée d’Henry Dunant, Gustave Moynier, Théodore Maunoir, Louis Appia et Guillaume-Henri Dufour est réunie pour la première fois. C’est, par ailleurs, ce dernier qui en sera le président. Dunant et Moynier en sont convaincus : la commission doit, pour s’inscrire dans la durée et faire connaître son but à l’international, être plus qu’un simple mandataire de la SGUP. Décision est donc prise de se constituer en Comité international de secours aux blessés. Au cours des sept réunions qui vont suivre, les membres du Comité aborderont, pêle-mêle, des sujets fondamentaux pour affermir l’œuvre qu’ils se promettent d’accomplir afin d’améliorer le sort des militaires blessés ou malades en campagne, tels que l’utilisation d’un signe distinctif, la diffusion des principes, les moyens de transport, les hôpitaux militaires, la constitution de comités permanents ou encore l’adoption d’une sorte de concordat entre les gouvernements.

Le 25 août, la nouvelle tombe : le congrès de Berlin n’aura pas lieu. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les membres du Comité décident de convoquer, pour le mois d’octobre, une conférence internationale afin d’exposer un projet de concordat en dix articles. En septembre, Dunant se rend à Berlin pour y assister à un congrès de statistique sur recommandation d’un homme dont l’histoire de la Croix-Rouge ne retient qu’occasionnellement le nom : le Dr Basting. Il semble que c’est à ce médecin néerlandais que le Comité doive l’idée de la neutralisation des corps d’infirmiers volontaires, faute de quoi l’intervention de ces derniers serait soumise aux aléas des hostilités du champ de bataille. Pour l’occasion, cette idée vaut à elle seule à Basting une place dans ce petit panthéon des membres fondateurs de l’œuvre de la Croix-Rouge, raison pour laquelle vous le découvrez ici aux côtés du « Comité des cinq ».

Retrouvez-nous lors du prochain épisode, qui nous conduira au palais de l’Athénée, à Genève, à la rencontre des participants à la conférence de 1863.

[1] Nous nous appuierons ici sur la chronologie établie par Pierre Boissier, dans son Histoire du Comité international de la Croix-Rouge : de Solférino à Tsoushima, tome I, Institut Henry-Dunant, Genève, 1978.
[2] Selon le néologisme utilisé par Victor Fournel, en 1858, dans le titre de l’un de ses ouvrages.
[3] Jean de Senarclens, Gustave Moynier : le bâtisseur, Genève, 2000, p. 99.