Récit d’une quête identitaire

En ce 19 décembre 2019, le message que Clare Collins envoie aux Archives Agence du CICR s’apparente un peu à une bouteille à la mer. Quinze ans plus tôt, sa mère a découvert que son père biologique était un prisonnier de guerre italien détenu en Angleterre durant la Deuxième Guerre mondiale. Il travaillait alors dans la ferme familiale de la grand-mère de Clare, située à Horsington dans le Somerset.

En février 1942, il y a plus de 28’000 prisonniers de guerre italiens au Royaume-Uni. Leur nombre augmentera très vite et atteindra 158’000 à la fin de la guerre. Après l’armistice de septembre 1943 par lequel l’Italie cesse les hostilités contre les forces alliées, le statut des prisonniers de guerre italiens en mains des Britanniques évolue. Les prisonniers peuvent choisir entre le statut de “co-operators” ou de “non-co-operators”. 100’000 Italiens choisissent le statut de co-operators qui leur donne une grande liberté de circulation.  Au lieu d’être enfermés dans un camp de prisonniers, ils peuvent être hébergés dans des « hostels » près du lieu de leur travail ou même sur le lieu-même de leur travail (« billeting »).

Depuis sa découverte, la famille de Clare a entrepris de nombreuses recherches mais en vain. Malheureusement, comme souvent dans ces cas-là, elle possède très peu d’informations pour retrouver l’identité du prisonnier : un prénom, Renato, un lieu de détention, le camp 47 de Motcombe dans le comté du Dorset et une photo. Dans un cas pareil, les institutions d’archives répondent qu’il est impossible de faire une recherche sans le nom de famille du prisonnier. C’était aussi la réponse donnée par les Archives du CICR jusqu’à une certaine découverte.

Ce type de recherche n’est pour le moment possible que pour un certain type de demandes sur les prisonniers italiens au Royaume-Uni.

Devant le nombre de demandes similaires, nous avons changé notre mode de recherche. Les fichiers des prisonniers de guerre sont classés uniquement par ordre alphabétique. Il s’agit de renverser nos habitudes et de chercher par lieu de détention et pas par nom. Pour cela, une série de listes de présences de prisonniers de guerre italiens dans les camps du Royaume-Uni en février 1945 a été inventoriée pièce à pièce. Selon le besoin, on peut ensuite facilement retrouver la liste du camp qui nous intéresse.

Grâce à cet inventaire, il est facile de trouver la liste des prisonniers italiens présents dans le Camp 47 en février 1945. Seuls deux prisonniers de cette liste portent le prénom de Renato : Renato Menotti né le 27.08.1920 à Brissago-Valtravaglia, et Renato Labo né le 11.04.1920 à Agazzino di Sarmato. Nous envoyons donc les détails de ces deux prisonniers à Clare en espérant l’aider.

Une semaine plus tard, Clare nous annonce qu’elle a trouvé l’identité de son grand-père. Il s’agit de Renato Labo. Grâce à une page Facebook locale, Clare a pu être mise en contact avec la fille de Renato Labo. Elle lui a envoyé la photo qu’elle possédait et la fille de Renato Labo a très vite reconnu son père. Le plus incroyable, c’est que la famille italienne possède quasiment la même photo.

Photo appartenant à la famille de Clare

Photo appartenant à la famille italienne

Clare, sa sœur et sa mère, sont maintenant en contact régulier avec leur nouvelle famille qui les a accueillies à bras ouverts. Clare nous écrit ceci : « Merci infiniment pour votre aide. Ma famille est tellement heureuse d’avoir retrouvé la famille de Renato et c’est uniquement grâce à vous. Vous faites un travail vraiment spécial et je veux que vous sachiez que nous apprécions vraiment votre aide. »

Connaître ses racines est essentiel pour tout individu. C’est avec beaucoup de fierté que nous essayons d’aider ces personnes dans leur quête identitaire.

 

Ce récit a été réalisé avec l’aimable autorisation de Clare Collins et de sa famille en Angleterre et en Italie.