Depuis sa création en 1863, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour ainsi dire cheminé aux côtés de la photographie. Aujourd’hui, plus de 110’000 images fixes du fonds photographique de l’institution genevoise sont consultables sur notre portail en ligne. Cette nouvelle rubrique vous emmène à la découverte des moments phare du CICR dont ses archives photographiques conservent la trace[1]. A chaque numéro, une galerie d’images sera mise à l’honneur.
De nombreux portraits consultables sur le portail des archives audiovisuelles du CICR se rapportent à des personnalités prussiennes qui ont marqué l’histoire de la Croix-Rouge. Parmi celles-ci, on retrouve, en pied, le prince Henri XIII de Reuss, représentant de l’Ordre de Saint-Jean en 1863 à Genève et fondateur de la Société nationale prussienne l’année suivante ; Guillaume Ier et la reine Augusta (couple impérial d’Allemagne à compter de 1871), qui placent ladite Société nationale, alors en temps de paix, sous leur patronage en 1865 ; le Dr Gurlt, qui en fut le premier délégué en 1864 pendant la guerre du Schleswig-Holstein, dont il tira de précieux enseignements comme professeur de chirurgie à l’université de Berlin. Ce dernier, secrétaire de la IIe Conférence internationale de la Croix-Rouge qui se tient à Berlin en 1869, en rédige par ailleurs le compte rendu avec celui qui l’avait présidée, Rudolf von Sydow. Natif de la ville de Tönning et professeur à l’université de Kiel, le Dr von Esmarch, lui aussi présent à Berlin en 1869, s’y exprime au sujet des pansements du soldat, notamment le fameux mouchoir triangulaire, annonciateur du fait qu’il est promis à devenir le père du mouvement samaritain.
Plusieurs de ces portraits, contenus dans des albums de l’Ancien fonds de la bibliothèque du CICR, se présentent dans un format dit « carte-de-visite » (env. 6 x 9 cm), – dont l’invention est attribuée au Français Disdéri –, tirés sur papier albuminé à partir d’une plaque photographique négative permettant la saisie de quatre, six ou huit poses, identiques ou distinctes les unes des autres. Alors que le portrait de la future Kaiserin, typique d’une pratique associant coloration et photographie, est ici réhaussé au pinceau (brassard orné d’une croix rouge, notamment), celui du Dr von Esmarch est une reproduction vraisemblablement issue de la photogravure, procédé permettant l’essor de l’imprimerie photographique dans le dernier quart du XIXe siècle.
La Prusse a joué un rôle clé aux premières heures de l’œuvre de la Croix-Rouge. En effet, représentée le 26 octobre 1863 à Genève par les Drs Housselle et Löffler, ainsi que par le prince Henri XIII de Reuss, c’est sous l’impulsion de cet Etat souverain de la Confédération germanique que sont créées sur son territoire quelque 85 sections locales de la Croix-Rouge en moins d’un an.
C’est également auprès des autorités prussiennes qu’est dépêché le « premier délégué »[2] du CICR en devenir, le Dr Appia, lors de la deuxième guerre prusso-danoise (ou deuxième guerre du Schleswig-Holstein), qui obtient du maréchal Wrangel, quelques semaines après le début des hostilités, de « circuler sur tout le théâtre des opérations »[3]. Par ailleurs, deux ans plus tard, au moment de la guerre qui l’oppose à l’Autriche – qui fait voler en éclats la Confédération germanique –, la Prusse décide d’appliquer la Convention de Genève, bien que son opposant ne soit pas partie au traité, faisant ainsi une première application erga omnes du traité. Lors de la terrible bataille de Sadowa, les services de santé de l’armée prussienne relèvent les blessés des deux camps. Au sortir de cette guerre, en septembre 1866, la reine Augusta, arborant brassard à croix rouge sur fond blanc, reçoit Henry Dunant et lui dit l’admiration qu’elle a pour son Souvenir de Solférino ; celle qui deviendra impératrice consort d’Allemagne verra d’ailleurs sa mémoire honorée, après son décès en 1890, par la création d’un fonds éponyme dont la dotation constituera « un patrimoine indivis entre les Sociétés nationales, […] toutes appelées à en bénéficier »[4].
En fin d’année 1866, un ouvrage de Gustave Moynier et Louis Appia, La guerre et la charité – un traité théorique et pratique de la philanthropie appliquée aux armées en campagne –, est primé par la Société nationale prussienne. Enfin, en 1869, à la veille de la guerre qui consacrera l’unité allemande autour de la Prusse, Berlin accueille la IIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, événement au cours duquel Guillaume Ier rend un hommage appuyé au général Dufour par l’offrande d’un vase en porcelaine, gage de reconnaissance en souvenir de la Conférence de Genève de 1864[5].
[1] Nous nous appuierons ici sur la chronologie établie par Pierre Boissier, dans son Histoire du Comité international de la Croix-Rouge : de Solférino à Tsoushima, tome I, Institut Henry-Dunant, Genève, 1978.
[2] La première Convention de Genève ne sera adoptée que quelques mois plus tard.
[3] Un des fondateurs de la Croix-Rouge, Louis Appia, Revue internationale de la Croix-Rouge, no 460, avril 1957, p. 191.
[4] Le Comité international de la Croix-Rouge de 1884 à 1892, 1892, Genève, p. 10, consulté en ligne le 10 mars 2023 : https://library.icrc.org/library/docs/AF/AF_2833.pdf
[5] Compte rendu des travaux de la Conférence internationale tenue à Berlin du 22 au 27 avril 1869, Imprimerie J. F. Starcke, Berlin, 1869, p. 133.
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