En 1949, l’adoption des quatre Conventions de Genève marque le début d’une nouvelle ère pour le CICR dans son rôle de promoteur et de gardien du droit international humanitaire (DIH). Son département juridique est alors dirigé par Jean Pictet (1912-2002), qui a œuvré à la rédaction des nouvelles Conventions. Sous sa direction, une équipe de juristes s’attelle à promouvoir leur ratification, leur mise en œuvre et leur diffusion globale, notamment au travers de la rédaction des Commentaires des Conventions. Ils conseillent également les activités opérationnelles de l’organisation, quand ils n’y prennent pas directement part. Jean de Preux (1920-2012) est l’un d’eux. Personnage largement méconnu de l’histoire du CICR, il sera à la fois conseiller juridique au siège de Genève et délégué lors de missions au Viêt Nam, en Hongrie, en Tunisie/Algérie et au Congo. Ce portrait vous propose de retracer les jalons de sa carrière de près de 35 ans au CICR, 35 ans au service du développement du droit et de l’action humanitaires en faveur des victimes de conflits.
Né en 1920 en Valais, une région à laquelle il reste sa vie durant fortement attaché, Jean de Preux étudie le droit et les sciences politiques à l’Université de Lausanne. Il y soutient une thèse de doctorat sur le droit de veto dans la Charte des Nations Unies, publiée en 1949.[1] Son diplôme en poche, il aurait certainement pu suivre les traces de son père et débuter une carrière d’avocat ou de notaire dans son canton d’origine.[2] Mais son intérêt pour le droit et la coopération internationale l’amène plutôt à Genève. Après ses études, il devient le secrétaire du Centre d’entraide internationale aux populations civiles, l’organisation qui a succédé à la Commission mixte de secours co-pilotée pendant la Seconde Guerre mondiale par le CICR et la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge (aujourd’hui Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge). Actif entre 1946 et 1951, le Centre d’entraide est alors mandaté par les grandes organisations internationales et humanitaires pour centraliser la distribution des secours (vivres, médicaments, vêtements, et autres) aux populations civiles. Pour un juriste spécialiste du droit international, il se tient à Genève pendant cette période un événement historique incontournable. En 1949, une Conférence diplomatique aboutit à l’adoption des quatre Conventions de Genève, le socle du droit international humanitaire moderne. Depuis la tribune du public, Jean de Preux assiste à une partie des sessions de la Conférence.[3] De l’autre côté se trouvent les membres de la délégation du CICR conduite par Jean Pictet, qui deviendront bientôt ses collègues.
Au sein de l’équipe de Pictet : Jean de Preux, rédacteur du Commentaire de la IIIe Convention de Genève
Le 1er août 1951, alors que le Centre d’entraide internationale aux populations civiles ferme ses portes, Jean de Preux est recruté par le département juridique du CICR. En juin déjà, son nom apparaît dans les procès-verbaux des réunions du Comité, devant lequel il est invité à présenter les conclusions d’une étude sur l’assistance juridique aux réfugiés et aux apatrides.[4] La période est incertaine au CICR ; le manque de ressources se fait sentir depuis la fin de la guerre. Néanmoins, la préparation des Commentaires juridiques des nouvelles Conventions de Genève reste une priorité. Le projet, sous la conduite de Jean Pictet et de son bras droit Claude Pilloud, est déjà bien engagé à l’arrivée de Jean de Preux. Pictet a alors terminé la rédaction du Commentaire de la Première Convention et l’équipe des conseillers juridiques du CICR poursuit le travail sous sa direction. S’appuyant sur les travaux préparatoires des Conventions, éclairés par la pratique, les Commentaires visent à fournir une base solide à leur interprétation et mise en œuvre. Ils suivent la structure des Conventions, analysées article par article. Avec la rédaction des Commentaires, Pictet s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur Paul des Gouttes (1869-1943), juriste et membre du CICR, qui avait composé en 1930 un Commentaire de la Convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les armées de campagne.
Jean de Preux est en charge des recherches et de la rédaction du Commentaire de la IIIe Convention de Genève, la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre qui a remplacé la Convention de 1929 du même nom. Comme il le précise dans l’introduction du Commentaire, la Convention de 1929 demandait à être révisée « en raison des changements survenus dans la conduite de la guerre et de ses conséquences, ou même dans les conditions d’existence des peuples. Il convenait, en particulier, d’élargir le cercle des personnes habilitées à se réclamer de la qualité de prisonnier de guerre afin d’assurer cette qualité aux membres des armées lors d’une capitulation et d’éviter que des prisonniers de guerre ne se voient arbitrairement privés de leur statut à un moment donné ; il s’agissait aussi de régler avec plus de précision le régime même de la captivité, en tenant compte de l’importance prise par le travail des prisonniers, les secours qu’ils reçoivent ou les procès qui leur sont intentés ».[5] À ses yeux, une conclusion s’impose à la lecture des 143 articles de la IIIe Convention révisée : « le cap des déclarations de principe est largement dépassé ; déjà la Convention de 1929 avait démontré l’intérêt de dispositions détaillées ».[6]
Actualiser les Commentaires du CICR sur les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels
Les Commentaires des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels publiés par le CICR dans les années 50 et 80, respectivement, demeurent des textes de référence majeurs pour l’interprétation et l’application de ces traités. Néanmoins, depuis leur publication, les Conventions et leurs Protocoles ont été mis à l’épreuve. Pour intégrer les nouveaux développements du droit et de la pratique et présenter une lecture actualisée, le CICR s’est lancé dans un important projet de mise à jour des Commentaires. Comparez le Commentaire de Jean de Preux avec la version de 2020 en naviguant dans la base de données des traités de DIH du CICR.
Au siège du CICR, Jean de Preux partage un bureau avec Oscar Uhler, l’auteur d’une thèse saluée sur le droit de l’occupation. Ce dernier travaille en parallèle à la rédaction du Commentaire de la IVe Convention de Genève. Les recherches de Jean de Preux commencent au sein des archives et de la bibliothèque de l’organisation. C’est là qu’il consulte les travaux préparatoires des Conventions de Genève et la littérature de référence de l’époque. Sa bibliographie fait notamment référence au Commentaire de la Convention du 27 juillet 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre signé par Gustav Rasmussen en 1931, et à de nombreux travaux académiques sur la captivité de guerre, par des auteurs francophones, anglophones et germanophones. Il peut également compter sur l’expertise et l’expérience de ceux de ses collègues qui ont participé à la rédaction de la Convention.
Les questions épineuses liées aux Commentaires sont abordées lors des réunions de la Commission juridique du CICR. Le commentaire de l’article 118 ‘Libération et rapatriement’ de la IIIe Convention, en particulier, est longuement débattu. Au moment de la rédaction du Commentaire, cet article de la Convention a pris en effet une place importante au cœur du débat sur le traitement à réserver aux anciens prisonniers de la Guerre de Corée qui s’opposent à leur rapatriement. La Convention, non ratifiée par les belligérants au début du conflit, n’est pas juridiquement applicable à la situation actuelle. Elle n’en est pas moins mobilisée de part et d’autre pour argumenter pour ou contre la légalité du retour forcé des prisonniers de guerre. L’obligation du rapatriement à la fin des hostilités s’adresse-t-elle aux puissances détentrices uniquement, ou est-elle applicable aux prisonniers eux-mêmes ? La question occupe les réunions de la Commission juridique du CICR au printemps 1954.[7] Opposés au recours à la force pour rapatrier les prisonniers de guerre, les conseillers juridiques du CICR restent préoccupés par le risque que ceux-ci puissent être contraints à refuser leur rapatriement. Le Commentaire de 1958 prévoit finalement une exception à l’obligation de rapatrier les prisonniers de guerre lorsque l’on constate « de sérieuses raisons de craindre qu’un prisonnier de guerre qui s’oppose personnellement à son rapatriement ne soit l’objet, après son rapatriement, de mesures injustes affectant sa vie ou sa liberté, (…) ».[8]
À sa publication en 1958, l’édition originale en français du Commentaire est distribuée aux Etats, aux Sociétés nationales du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi qu’à une sélection d’organisations, d’universitaires et d’experts. La traduction anglaise suit en 1960. Les messages de remerciements reçus en retour sont précieusement conservés aux archives du CICR. Ainsi Sir Hersch Lauterpacht écrit par exemple que « ces Commentaires sont inestimables et qu’il espère les utiliser en temps voulu pour la nouvelle édition du second volume d’Oppenheim’s International Law ».[9]
Jean de Preux est nommé comme principal rédacteur du volume, composé sous la direction générale de Jean Pictet, avec des contributions de Frédéric Siordet, Claude Pilloud, René-Jean Wilhelm, Oscar Uhler et Jean-Pierre Schoenholzer. Comme Jean de Preux, les différents auteurs des Commentaires CICR des Conventions de Genève des années 1950 sont restés des personnages de l’ombre. La paternité des textes est communément attribuée à Pictet, certes à l’origine du projet, mais loin d’en être le seul auteur. Dans une lettre, Oscar Uhler fait part à Pictet de sa déception de ne pas voir le commentaire de chaque article attribué à son auteur spécifique. Pictet lui répond en soulignant le caractère collaboratif du travail : « Tant de personnes ont travaillé sur ces différentes parties qu’on a parfois de la peine à distinguer leur auteur original ».[10]
Jean de Preux, délégué du CICR au Viêt Nam (1955-1956), en Hongrie (1956), Algérie (1958) et au Congo (1961-1962)
Le 5 mai 1955, on note dans le procès-verbal de la réunion de la commission juridique que les délais vont devenir difficiles à tenir. Le département perd temporairement l’un de ses collaborateurs : Mr. de Preux s’apprête à partir en mission au Viêt Nam.[11] C’est sa première affectation en tant que délégué du CICR. Au Viêt Nam, le cessez-le-feu de juillet 1954 a entraîné un important mouvement de population vers le sud du pays. Pendant un an, Jean de Preux est basé à Saigon où il supervise en collaboration avec l’UNICEF la distribution des secours aux réfugiés. Il pilote également la fondation d’un centre de réadaptation physique pour les blessés de guerre.[12] Ci-dessous, il est photographié lors d’une livraison de matériel médical à l’hôpital de Chy-Lang.
L’année suivante, Jean de Preux prend part à l’action du CICR lors de l’insurrection de Budapest. Dans les derniers jours d’octobre 1956, il accompagne un convoi de la Croix-Rouge autrichienne qui transporte des secours de Vienne à Budapest. Le matin du 4 novembre, il est réveillé par des coups de feu : les chars soviétiques ont fait irruption dans la capitale pour réprimer l’insurrection. Après une semaine, il obtient de l’armée soviétique la permission pour les convois de secours de la Croix-Rouge d’entrer à nouveau dans Budapest. Le CICR lance alors sa plus grande opération de secours depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Jean de Preux tente également d’amener la discussion avec son officier de liaison militaire soviétique sur le terrain du respect des Conventions de Genève, sans obtenir le même succès.
Sa mission suivante se déroule entre la Tunisie et l’Algérie en 1958, alors que la guerre d’Algérie (1954-1962) fait rage. L’armée française et l’ALN, branche armée du Front de libération nationale algérien (FLN), s’affrontent dans un conflit asymétrique, marqué par des attaques clandestines et une répression brutale. Pour le CICR, mener une mission humanitaire dans un tel contexte est un exercice périlleux. Il fait face à des obstacles nouveaux qui deviendront caractéristiques des guerres de décolonisation : la réticence d’un gouvernement colonial à accepter ses services sur « son propre sol », son déni public de l’existence d’une guerre, et la nécessité de négocier avec un groupe insurrectionnel. La médiatisation du conflit apporte également son lot de complications ; les délégués du CICR sont sous haute surveillance et craignent de voir leur action instrumentalisée par les belligérants. C’est dans ce contexte que Jean de Preux s’envole pour la Tunisie fin janvier 1958, accompagné de son collègue délégué Georg Hoffmann. Le CICR vient d’obtenir pour la première fois l’autorisation de visiter des prisonniers détenus par les insurgés: quatre soldats français capturés le 11 janvier à la frontière algéro-tunisienne.[13]
Il s’agit d’une visite non-conventionnelle, vraisemblablement sans précédent, car elle se déroule sur le sol algérien sans l’autorisation des autorités françaises. Cette traversée ‘semi-clandestine’ de la frontière entre la Tunisie et l’Algérie, comme l’expliquent Françoise Perret et François Bugnion [14], est un risque calculé de la part du CICR, au vu de l’objectif humanitaire important et du contexte politique. Les autorités françaises auraient sans nul doute refusé l’offre de service du CICR, puisqu’il s’agissait d’envoyer des délégués sur le territoire algérien sous contrôle du FLN. Après des mois de négociations, les prisonniers sont relâchés en octobre et confiés aux délégués du CICR dans les locaux du Croissant-Rouge tunisien. Le CICR maintient des contacts avec le FLN au cours des mois suivants et obtient finalement la libération de quarante-cinq prisonniers à la fin de l’année 1959.
Jean de Preux part ensuite pour la République du Congo, où il prend ses fonctions en février 1961. Le pays est plongé dans la guerre civile depuis la proclamation d’indépendance de la région du Katanga, dont les forces armées sont soutenues par des mercenaires étrangers. Le conflit prend une dimension internationale avec le déploiement des forces de maintien de la paix de l’ONU. La délégation du CICR, dirigée par Claude Pilloud, est alors composée de Georg Hoffmann, Georges Olivet, Sonia Baumann and Jeanne Egger, en plus de Jean de Preux. D’abord engagée comme secrétaire, Jeanne Egger sera la première femme à faire une carrière de déléguée au CICR. Les activités de la délégation sont caractéristiques de la mission du CICR : assistance médicale, visite aux détenus du conflit, aide aux réfugiés. Celle-ci met également sur pied un service de recherche pour réunir les proches séparés par les hostilités. Ses initiatives ne sont cependant pas toutes les bienvenues. La tentative de Jean de Preux d’avoir accès aux détenus politiques dans la région du Sud Kasaï en mars se solde par un échec ; il doit rebrousser chemin.[15]
Avant de prendre ses nouvelles fonctions de chef de délégation à Léopoldville (l’actuelle Kinshasa), Jean de Preux fait une halte à Genève en juin 1961. Devant le président du CICR, il souligne la gravité de la situation médicale au Congo et le chaos qu’entraîne la situation politique fracturée.[16] À l’automne, alors que les hostilités s’intensifient, il parvient, toujours avec Georg Hoffmann, à rendre visite aux prisonniers de chaque camp. À cette période, le CICR s’inquiète tout particulièrement des violations des Conventions de Genève commises par les casques bleus de l’ONU à l’encontre des réfugiés et du personnel médical. Le 13 décembre, Georges Olivet – l’homologue de Jean de Preux basé à Elisabethville (l’actuelle Lubumbashi) – est porté disparu. Son corps, et ceux des deux volontaires de la Croix-Rouge basée au Katanga qui l’accompagnaient, est retrouvé dix jours plus tard. Sans pouvoir identifier précisément le ou les tireurs, une commission internationale d’enquête conclura plus tard que « les soupçons qui pèsent sur les soldats de l’ONU s’appuient (…) sur des raisons vraisemblables ».[17]
Après le décès de leur collègue, Jean de Preux et le délégué Geoffrey Senn poursuivent l’action humanitaire du CICR. Ils négocient des trêves pour permettre l’acheminement des secours, l’évacuation des civils et l’enterrement des morts. Lorsque les hostilités se calment, ils reprennent leurs visites aux détenus de chaque camp. À Léopoldville, Jean de Preux voit les civils et policiers katangais détenus par les casques bleus. Ses connaissances juridiques lui sont d’un grand secours pour argumenter contre le transfert prévu des détenus aux forces congolaises.[18] Il rappelle aux casques bleus que, selon l’article 12 de la Troisième Convention de Genève et l’article 45 de la Quatrième Convention de Genève, ils ne peuvent transférer leurs prisonniers à une autre puissance qu’après s’être assurés de la volonté et capacité de celle-ci à respecter les Conventions. Le CICR obtient finalement la libération de tous les détenus, des deux côtés du conflit, le 15 janvier 1962. La même année, Jean de Preux est de retour au siège du CICR. Il sera à nouveau envoyé au Congo en 1967, sa dernière mission, pour négocier la libération des mercenaires capturés suite à une tentative de coup d’Etat contre le président Mobutu.
“Il est fou de vouloir être sage tout seul”[19]: une fin de carrière dédiée au développement et à la diffusion du droit international humanitaire
Jean de Preux s’était déjà intéressé à la problématique de la diffusion du DIH en 1955 dans un article de la Revue internationale de la Croix-Rouge. Au cours des années 1970 et 1980, cette question prend une place centrale dans son travail. En 1970, il écrit que les « injonctions des Conventions de Genève ne doivent pas être considérées comme un bijou dans un écrin, que l’on porte les jours de grand apparat, et que l’on range dans un ‘safe’ (sic) le reste du temps. Elles doivent, pour ceux qui sont appelés à les respecter, être l’habit de tous les jours ».[20] Son style d’écriture, à la fois direct et imagé, fait bon usage des comparaisons et des métaphores pour expliquer les principes complexes du droit international aux non-initiés. Les archives du CICR gardent la trace de deux études non publiées de sa main, datées de 1970 et 1974.[21] Il s’y penche sur les développements du droit international humanitaire et des droits humains, et s’y montre particulièrement préoccupé par l’évolution technologique des moyens de combat et la course à l’armement en cours.
Jean de Preux participe également à la rédaction des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1977. Membre de la délégation du CICR lors de la Conférence diplomatique qui précède leur adoption, il présente le texte de l’organisation pour les articles 33 à 41 du Protocole I et 20 à 23 du Protocole II. Après l’adoption des Protocoles, il en résume l’apport pour les lecteurs de la Revue internationale de la Croix-Rouge dans un article, également publié en anglais dix ans plus tard. Il est aussi cité comme l’un des auteurs du Commentaire CICR des Protocoles additionnels, préparé cette fois sous la direction de Claude Pilloud. On peut l’entendre dans un enregistrement de 1982 expliquer la protection accordée par les Conventions de La Haye et les Protocoles additionnels de 1977 aux civils (partie I and II).
Jean de Preux prend sa retraite en 1985, après 35 ans passés au service du CICR. Devant l’Assemblée de l’organisation, le président de l’époque Alexandre Hay salue son dévouement et se remémore son travail sur le Commentaire de la troisième Convention : « Cette 3ème Convention qui a apporté le réconfort à tant de soldats, à tant de familles, n’est-ce pas le meilleur de vous-même, le produit de votre cœur et de votre esprit ? ». Il glisse dans son discours une petite pique bienveillante : « Vous constaterez également que – pour vous faire plaisir – et pour me rapprocher de votre idéal de juriste – j’ai pris la précaution, à la demande de tous, d’écarter tout adjectif de ce message d’amitié et de gratitude ».[22]
Officiellement retraité, Jean de Preux reste membre de la commission juridique du CICR et continue à écrire sur le droit international humanitaire. Entre 1985 et 1989, il publie dans la Revue internationale de la Croix-Rouge une série de neuf synthèses, chacune consacrée à une question spécifique de droit international humanitaire, allant du rôle de la puissance protectrice au respect de la personne dans les Conventions de Genève. Dans ces synthèses conçues pour servir d’outils de travail, il réunit dans un même texte les dispositions du droit international en vigueur sur la thématique traitée. Regroupées, les synthèses sont publiées dans un livret en 1993. Dans sa préface, Jean de Preux a recours à une nouvelle métaphore pour présenter la publication : « Construire des routes est une chose. Les doter d’une signalisation adéquate pour les rendre accessibles à tout usager en est une autre. C’est ce modeste dessein qui est l’objet de cet essai ».[23] Ce sera son dernier ouvrage. Lorsqu’il décède à la veille de Noël 2012, le communiqué interne de l’organisation à laquelle il a dédié sa carrière rend hommage à une ‘légende du CICR’.
Les écrits de Jean de Preux
Ouvrages
Le droit de veto dans la Charte des Nations Unies, Paris : Bellenand, 1949.
Diffusion des Conventions de Genève de 1949. Genève : CICR, 1955.
Les Conventions de Genève du 12 août 1949. III : La Convention de Genève III relative au traitement des prisonniers de guerre : commentaire / par Jean de Preux ; sous la dir. de Jean S. Pictet, avec le concours de Frédéric Siordet, Claude Pilloud, René-Jean Wilhelm, Oscar Uhler, Jean-Pierre Schoenholzer et Henri Coursier, 1958.
The Geneva Conventions of 12 August 1949. III: Geneva Convention III relative to the treatment of prisoners of war: Commentary / by Jean de Preux; under the general editorship of Jean S. Pictet; with contributions by Frédéric Siordet, Claude Pilloud, René-Jean Wilhelm, Oscar Uhler, Jean-Pierre Schoenholzer and Henri Coursier; translated by A. P. de Heney, 1960.
Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 / Claude Pilloud … [et al.]. Genève: CICR, Nijhoff, 1986.
Commentary on the Additional Protocols of 8 June 1977 to the Geneva Conventions of 12 August 1949 / Claude Pilloud… [et al.]. Geneva: ICRC, Nijhoff, 1987.
International humanitarian law: synopses. Geneva: ICRC, 1993.
Droit international humanitaire : textes de synthèse. Genève : CICR, 1993.
Derecho internacional humanitario : textos de sintesis. Ginebra : CICR, 1993.
Articles et chapitres
L’homme de confiance des prisonniers de guerre. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 414, juin 1953.
Etudes sur la troisième Convention de Genève de 1949 : prisonniers de guerre. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 421, janvier 1954.
What progress is being made in dissemination of knowledge of the Geneva Conventions? International Review of the Red Cross, No. 85, April 1968.
Connaissance des Conventions de Genève. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 619, juillet 1970.
Knowledge of the Geneva Conventions. International Review of the Red Cross, No. 112, July 1970.
Protection du sauvetage maritime côtier. Etudes and essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge en l’honneur de Jean Pictet. Genève : CICR ; La Haye : Nijhoff, 1984.
Les Conventions de Genève et la réciprocité. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 751, janvier 1985.
The Geneva Conventions and reciprocity. International Review of the Red Cross, No. 244, March 1985.
Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 765, mai-juin 1987.
The Protocols additional to the Geneva Conventions. International Review of the Red Cross, No. 320, October 1997 (traduction anglaise de l’article publié en français en 1987).
Retrouvez ici la bibliographie complète de Jean de Preux dans le catalogue de la Bibliothèque du CICR.
Bibliographie
The updated ICRC Commentary on the Third Geneva Convention: A new tool to protect prisoners of war in the twenty-first century / J. Arman, J.-M. Henckaerts, H. Hiemstra and K. Krotiuk. International Review of the Red Cross, Vol. 102, no. 913, 2020.
Adapter les Commentaires des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels au XXIe siècle / Jean-Marie Henckaerts. Revue internationale de la Croix-Rouge : sélection française, Vol. 94, 2012/4.
L’action du Comité international de la Croix-Rouge durant la guerre d’Algérie (1954-1962) / par Françoise Perret et François Bugnion. Alger : CICR, 2015.
Entre insurrection et gouvernement : l’action du Comité international de la Croix-Rouge durant la guerre d’Algérie (1954-1962) / Françoise Perret et François Bugnion. Revue internationale de la Croix-Rouge : sélection française, Vol. 93, 2011/2, p. 297-336.
Histoire du Comité international de la Croix-Rouge. 4 : De Budapest à Saigon : histoire du Comité international de la Croix-Rouge 1956-1965 / Françoise Perret et François Bugnion. Genève : CICR ; Georg, 2009.
Histoire du Comité international de la Croix-Rouge. 3 : De Yalta à Dien Bien Phu 1945-1955 / Catherine Rey Schyrr. Genève : CICR ; Georg, 2007.
L’octobre hongrois : entre croix rouge et drapeau rouge : l’action du Comité international de la Croix-Rouge en 1956 / Isabelle Vonèche Cardia. Bruxelles : Bruylant, 1996.
[1] Jean de Preux, Le droit de veto dans la Charte des Nations Unies, Paris : Bellenand, 1949.
[2] Histoire orale du CICR : entretien avec Jean de Preux, 3 et 6 novembre 1992 (enregistrement interne V-S-20056-A-01).
[3] Idem.
[4] A CICR, procès-verbaux du Comité, séance de travail du 21 juin 1951. Plus d’informations sur la consultation des archives du CICR : https://www.icrc.org/fr/archives.
[5] Les Conventions de Genève du 12 août 1949. III : La Convention de Genève III relative au traitement des prisonniers de guerre : commentaire / par Jean de Preux ; sous la dir. de Jean S. Pictet, avec le concours de Frédéric Siordet, Claude Pilloud, René-Jean Wilhelm, Oscar Uhler, Jean-Pierre Schoenholzer et Henri Coursier, 1958, p. 10.
[6] Idem, p. 34.
[7] A CICR, B AG 059-004.10, procès-verbaux de la Commission juridique.
[8] Commentaire de l’article 118 ‘Libération et rapatriement’ de la IIIe Convention de Genève de 1949. Les Conventions de Genève du 12 août 1949. III : La Convention de Genève III relative au traitement des prisonniers de guerre : commentaire / par Jean de Preux ; sous la dir. de Jean S. Pictet, avec le concours de Frédéric Siordet, Claude Pilloud, René-Jean Wilhelm, Oscar Uhler, Jean-Pierre Schoenholzer et Henri Coursier, 1958.
[9] A CICR, B AG 022 032, Commentaire de la IIIe Convention de Genève de 1949, relative au traitement des prisonniers de guerre (01.10.1958-06.06.1961). Note de Sir Hersch Lauterpacht traduite de l’anglais.
[10] A CICR, B AG 022 033, lettre de O. Uhler à J. Pictet datée du 4 septembre 1956 et réponse de J. Pictet à O. Uhler du 14 septembre 1956.
[11] A CICR, B AG 059-004, 1951-1955, procès-verbaux de la Commission juridique.
[12] A CICR, procès-verbal de la séance plénière du Comité du 5 avril 1956.
[13] A CICR, procès-verbal de la séance plénière du Comité du 6 février 1958.
[14] Entre insurrection et gouvernement : l’action du Comité international de la Croix-Rouge durant la guerre d’Algérie (1954-1962) / Françoise Perret et François Bugnion. Revue internationale de la Croix-Rouge : sélection française, Vol. 93, 2011/2, p. 317-319.
[15] A CICR, B AG 251 (37), rapport de mission de Jean de Preux (13.04.1961)
[16] A CICR, Conseil de présidence, séance du jeudi 22 juin 1961.
[17] A CICR, B AG 251 (229), rapport de la Commission d’enquête sur le décès d’agents de la Croix-Rouge à Elisabethville, 8 juin 1962. Voir aussi Histoire du Comité international de la Croix-Rouge. 4 : De Budapest à Saigon : histoire du Comité international de la Croix-Rouge 1956-1965 / Françoise Perret et François Bugnion. Genève : CICR ; Georg, 2009, p. 300-302.
[18] Histoire du Comité international de la Croix-Rouge. 4 : De Budapest à Saigon : histoire du Comité international de la Croix-Rouge 1956-1965 / Françoise Perret et François Bugnion. Genève : CICR ; Georg, 2009, p. 302.
[19] Pour citer la première ligne de son article de 1970 sur l’importance de la diffusion des Conventions de Genève : Connaissance des Conventions de Genève. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 619, juillet 1970, p. 412.
[20] Connaissance des Conventions de Genève. Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 619, juillet 1970, p. 413.
[21] A CICR, B AG 059-158. ‘Droits de l’homme ; un protocole pour quelle guerre ?’ : 2 études de Jean de Preux (1970-1974).
[22] A CICR, B RH 1991.000-186. Retraite de Jean de Preux : remerciements et vœux du Président (prononcés par M. Alexandre Hay, Président, à l’occasion de l’Assemblée du 27 juin 1985).
[23] Droit international humanitaire : textes de synthèse. Genève : CICR, 1993, préface.
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