Dans cet article publié dans le blog Droit & Politiques humanitaires du CICR, Boyd Van Djik, membre de la faculté de droit de Melbourne, éclaire d’un regard politique et critique le processus d’élaboration des Conventions de Genève de 1949. Il souligne les dilemmes traversés par l’équipe de juristes du CICR menée par Jean Pictet, tout comme les inquiétudes de la direction du CICR s’agissant de la position de certaines puissances clefs.

Cet article s’inscrit dans une série consacrée au 75e anniversaire des Conventions de Genève de 1949

Rien d’étonnant à ce que la conception des Conventions Genève de 1949, qui réglemente l’action des Etats lors des conflits armés internationaux, soit un processus éminemment politique. Depuis la 1ère Convention de Genève de 1864, le droit international humanitaire est en effet co-écrit par le CICR et les Etats – c’est un réel processus de négociations.

Genève, bâtiment électoral. Conference diplomatique de revision de la Convention de Genève, délégation du Comité international de la Croix-Rouge. Copyright CICR

En 1949, les horreurs et persécutions de la Deuxième guerre mondiale sont encore dans tous les esprits. Pour la première fois dans l’histoire militaire moderne, les civils ont payé le plus lourd tribut. Or, ils échappaient à toute protection, les précédentes conventions se consacrant uniquement au sort des soldats blessés, malades et faits prisonniers. Ainsi, au-delà de la révision des trois premières Conventions de Genève, les Etats s’accordent en 1949 à faire naître une 4ème Convention, qui protège enfin les civils.

Angles morts de la 4ème Convention de Genève

Néanmoins, Boyd Van Djik mentionne combien cette Convention fut en-deçà des espérances de l’équipe de juristes du CICR sur certains aspects : « On pourrait se demander quel chemin aurait pu prendre l’histoire si l’argumentaire de Pictet pour restreindre les bombardements aériens ou ses tentatives pour assurer une protection des minorités ethniques dans les Conventions l’avaient emporté. Si l’on avait forcé la main des puissances réticentes, aujourd’hui, les groupes de défense des droits de l’homme auraient pu être davantage en position de force en se confrontant à leurs successeurs. Mais cela souligne également un autre élément crucial : les acteurs peuvent faire la différence. Le pouvoir d’agir compte. »

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Guerre 1939-1945. Dresde. Ruines. Vue générale de la mairie.

René-Jean Wilhelm, co-rédacteur des Conventions de Genève, lors d’un entretien avec L’Humanitaire dans tous ses Etats, témoigne de ce manque criant : « À Nuremberg, il n’y a eu aucune condamnation pour les bombardements indiscriminés (…) mais on devait arriver à ce que l’attaque délibérée des civils soit absolument prohibée. Le silence de Nuremberg… Alors notre lutte a été de faire interrompre ce silence ».

Ce sera chose faite, près de 30 ans plus tard, avec l’adoption des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1977, qui revisent de fond en comble la conduite des hostilités. Retrouvez-en l’histoire dans cette vidéo :