Depuis quatre ans, après avoir fui les tueries et la mise à sac de son village du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo, Hélène a pris sous sa protection une quinzaine d’orphelins. A Béni où elle est désormais établie, tous l’appelle Maman Hélène. Elle continue de se battre, grâce entre autres à l’aide du CICR, pour l’avenir de « ses » enfants.

Hélène a 36 ans et ses deux enfants jalousent parfois la pléthore de gamins qu’elle a « adoptés » après que son village, Mavivi, dans le Nord-Kivu a été attaqué au cours d’une énième et terrifiante razzia que connait cette région soumise depuis des décennies à la violence armée. Il a suffi d’une nuit d’attaque pour que des dizaines d’enfants se retrouvent orphelins.

Quand il y en a pour deux, il doit y en avoir pour seize !

Hélène a eu de la chance. Elle et ses enfants s’en sont sortis sains et saufs. Alors, elle s’est portée volontaire pour accueillir une quinzaine de petits miraculés. De 3, la famille est passée à 18 !

Les enfants d’Hélène sont un peu jaloux de la soudaine et grande fratrie mais à l’heure du repas entre haricots et bananes plantains confectionné par « mère courage », la vie reprend peu à peu ses droits.

« Mes deux enfants se plaignent souvent, me reprochent de ne pas me consacrer entièrement à eux. Cela m’affecte beaucoup mais je me dois d’être équitable avec tous », explique Hélène affairée à la confection d’un nouveau repas.

ENA : Enfants Non Accompagnés

Quand Mavivi a été pillé et brûlé, Hélène et nombre d’enfants sont parvenus à fuir les tueries. Les gamins se sont brutalement retrouvés ENA, étrange acronyme, pour dire Enfants Non Accompagnés. Nombre de ces enfants étaient nés à la suite de viols, situation qui vaut généralement une mise au ban de la société. Enfant et mère parias.

« Ils ont tous perdu leur maman au cours de cette attaque » raconte Hélène. « Ils sont naturellement venus vers moi parce qu’ils me connaissaient. Avec leurs mères, nous faisions partie d’une association d’entraide de femmes victimes de violences sexuelles. Le but était d’aider ces victimes à se reconstruire à travers divers ateliers. Pour ma part j’encadrais les activités agricoles et maraichères.»

Rejoindre les faubourgs de Béni

Le difficile quotidien d’Hélène se résume à trouver de la nourriture et à veiller sur sa smala de circonstance, quitte à dormir dehors à proximité d’une base militaire. Après deux ans à ce rythme, Hélène s’est résolue à rejoindre Béni à 12 kilomètres de Mavivi dans l’espour d’y trouver une vie meilleure.

La famille nombreuse a rejoint les faubourgs de la ville déjà grossis par les milliers de déplacés ayant fui les combats. Selon le Bureau de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), 40 000 personnes vivaient en périphérie de Béni au 30 juin 2022.

Trouver une maison à la hauteur de la « famille »

Hélène et « ses » enfants âgés de 14 ans à quelques mois ont d’abord trouvé refuge chez sa sœur six mois durant. Puis, une organisation religieuse lui a trouvé une maison spacieuse susceptible d’accueillir dans de meilleures conditions la quinzaine d’ENA. Voici plus de deux et demi qu’ils vivent sous sa coupe. Pour autant, les nourrir, soigner et vêtir reste le défi quotidien.

Se battre au quotidien

« J’ai beaucoup vécu de l’aumône mais aussi de travaux journaliers dans les champs», se souvient Hélène avec émotion. « Impossible de scolariser les enfants ; cela était impossible financièrement ». Parmi les milliers de déplacés vivant à Béni et alentours, Hélène a retrouvé certains parents des enfants qui vivent avec elle.  Le bouche à oreille a fait sa réputation : « celle qui recueille les orphelins de guerre »… Deux enfants de plus lui sont confiés.

Hélène, passionaria des orphelins

« De la quinzaine d’enfants que j’ai pris avec moi à Mavivi, il en reste six. Les autres ont retrouvé des proches, des cousins, oncles, tantes. Mais d’autres me sont amenés, certains à mon insu. Parfois déposés devant la porte de la maison. Dernier en date, un bébé, d’environ deux mois. Les affaires sociales me confient aussi certains enfants quand elles manquent d’espace où les loger.»

Hélène est aussi devenue « grand-mère » après que l’une de ses protégées de 14 ans, violée, a accouché.

Le traumatisme de Maman Hélène

Le massacre de Mavivi reste pour elle, même quatre ans après un lourd traumatisme. Son altruisme, sa générosité et son surinvestissement lui ont permis de survivre. Elle a pu compter sur un soutien économique et un suivi psychosocial du CICR. Hélène a également pu bénéficier du programme de sécurité économique prévoyant une assistance financière à la hauteur des besoins de la grande famille ».

« Il a fallu plusieurs séances pour réduire l’ampleur de la douleur et du chagrin d’Hélène », explique Adèle Muhayirwa, agent psychosocial au Centre de santé de Mangothe. « Elle restait hantée par des scènes terribles dont elle avait été témoin. Au niveau psychosomatique, cela s’exprimait par des maux de tête réguliers et maux de ventre intenses. Et revenait toujours l’obsession du futur et du devenir de tous « ses » enfants. »

Redémarrer dans la vie

Hélène a reçu du CICR une assistance financière en espèces et suivi une formation en gestion pour se lancer dans une activité pérenne génératrice de revenus. « L’argent reçu a permis de payer les soins médicaux de deux enfants. Et pour la première fois j’ai pu confectionner un repas copieux où tous ont pu manger. Après quatre ans de restrictions, ils ont pu manger à leur faim », conclut Hélène.

Viser l’autonomie

Le CICR peut distribuer une aide financière aux personnes victimes d’un conflit armé dans le but de faciliter leur réinsertion sociale et économique sur le long terme.

De janvier à juin 2022, 889 familles, soit 5 355 personnes, ont bénéficié de cette assistance dans la partie est de la RDC, touchée par plus de deux décennies de violence et conflits armés.

Hélène tient aujourd’hui un commerce. Sa modeste boutique est néanmoins la seule du quartier à vendre des produits essentiels. Tous les bénéfices financent le réassort de la boutique, les provisions du grand foyer et la scolarité des enfants. 12 sont en primaire et 2 en secondaire. « Si nous sommes encore en vie aujourd’hui, c’est grâce à Maman Hélène. Merci à tous ces gens de bonne volonté. Que le bon Dieu les bénisse tous ! » reconnaît Elisé, onze ans.

Se lancer dans l’exploitation agricole

En plus de son « orphelinat » et de son petit commerce de proximité, Hélène s’est lancée dans l’élevage de poules et de chèvres. Le but est trouver d’autres aides pour acquérir une terre à exploiter. Elle possède déjà semences et pulvérisateur de fertilisants… « J’ai une technique efficace pour produire tomates et amarantes à foison. Si j’obtiens de l’aide, je suis sûre de réussir ! » lance-elle, sourire aux lèvres et plus déterminée que jamais !