Cartographie publiée dans un article de Libération « L’Afrique rongée par une invasion de criquets pèlerins », 28 mars 2020

Depuis le début de l’année, il n’y a pas que la pandémie de Covid-19 qui inquiète l’Afrique, il y a aussi la peste acridienne, comprenez le fléau d’essaims de milliards de criquets pélerins. Ces insectes de 7cm laissent craindre à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) « un nouveau risque important de famine. »

Partis de la péninsule arabique, ces milliards de petits insectes prolifèrent et ravagent les cultures de la Corne de l’Afrique. En cause probablement, le changement climatique avec des cycles de sécheresse et de pluies diluviennes, supérieures l’an dernier de 200 à 600 % à la moyenne saisonnière, selon les pays.

L’effet domino redouté pour les récoltes de juillet

En mars, les pluies et l’humidité ont permis à de nouveaux essaims de s’installer au Kenya, en Somalie et dans le sud de l’Ethiopie. Une fois arrivés à maturité, ces criquets pondront à nouveau, avec un risque cette fois de prolifération aux pays voisins – Ouganda et Soudan du Sud en tête – et que ces derniers pondent à nouveau des oeufs qui écloraient au cours des mois de juin ou juillet, moment charnière pour les agriculteurs qui commencent les récoltes. Rappelons qu’au Soudan du Sud, selon le Programme Alimentaire Mondial, 60% de la population éprouve des difficultés à trouver suffisamment de nourriture chaque jour.

Les agriculteurs, à l’instar d’Halima Abdisalad, connaissent bien les ravages des criquets sur leurs récoltes. En début d’année, ils ont ravagé toutes ces goyages. « Ils ne laissent rien derrière eux, ils dévorent tout. Ensuite, au marché, personne ne veut acheter des fruits et légumes abîmés par les criquets ».

Halima craint que cependant que le pire soit encore à venir : « Il y a un proverbe somalien qui dit que quand le criquet quitte une région, il y laisse ses œufs » avant d’ajouter : « Dès que les pluies viennent, de nouveaux essaims naissent. C’est bien que les criquets soient partis mais, ce qui m’inquiète maintenant, ce sont les œufs et les dégâts qu’ils vont causer. »

En Somalie, à Garowe, les paysans luttent de leur mieux contre l’infestation en pulvérisant des pesticides. Anisa HUSSEIN / CICR

Une prolifération qui inquiète le CICR

Le CICR craint que les nouveaux essaims n’entraînent une destruction générale des cultures et n’aggravent encore davantage l’insécurité alimentaire, déjà préoccupante, surtout dans les zones en proie au conflit.

Pour John Karongo, agronome du CICR : « La sécurité alimentaire s’est déjà dégradée dans de nombreuses régions à cause des ravages causés par les criquets. Si l’on n’arrête pas cette invasion, nous pourrions voir les plus gros essaims montrer un appétit grandissant pour les récoltes qui commencent à mûrir et tout cela en pleine pandémie de Covid-19. »

Pour limiter les effets ravageurs de ces milliards d’orthoptères, CICR et Croix-Rouge et Croissant-Rouge nationaux agissent de concert. Ils recueillent des informations concernant les trajets des criquets et les transmettent dès que possible aux populations pour pouvoir protéger leurs cultures.

En Somalie, le CICR vient en aide aux agriculteurs qui ont reçu des semences l’an passé, en les fournissant des bio-pesticides pour éviter la perte des récoltes si attendues.

Au Soudan du Sud, en Somalie et en Ethiopie, le CICR va poursuivre ses programmes d’assistance alimentaire, d’aide à l’agriculture et de distribution de moyens d’existence. En parallèle, au Kenya, la Croix-Rouge nationale se prépare à distribuer des allocations en espèces, des aliments pour le bétail et des semences, pour aider la population à se relever.

En savoir plus : Bulletin sur le criquet pélerin, produit par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, avril 2020