Sommaire

IntroductionVue d’ensembleL’Agence internationale des prisonniers de guerreLes délégations du CICR et les visites des camps de prisonniers de guerreNégocier et organiser le rapatriement – Le CICR face aux séquelles de la guerreRaconter la captivité : journaux et récits  de prisonniers de guerre

Introduction

La Première Guerre mondiale marque un tournant majeur dans l’histoire du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Si l’organisation humanitaire existe depuis 1863, son expérience opérationnelle est encore limitée lorsque les hostilités s’engagent à l’été 1914. À cette période, le CICR est avant tout une société philanthropique locale. Il ne compte qu’une dizaine de membres et ses moyens sont restés modestes. L’ouverture du conflit, puis sa totalisation progressive et son extrême violence placent le Comité, qui s’est donné pour mission de venir en aide aux victimes de la guerre, dans une situation inédite. Face à l’explosion des besoins humanitaires, il étend son champ d’action et mène une intense activité diplomatique. Les années de guerre, puis le début des années 20, voient ainsi véritablement l’émergence de l’organisation humanitaire internationale telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Alors que les volontaires des Sociétés nationales de la Croix-Rouge s’activent au plus près du front pour venir en aide aux blessés, le Comité consacre principalement son action humanitaire à une autre grande catégorie de victimes de la guerre : ceux qui sont tombés aux mains de l’ennemi. Il fonde et dirige une agence de renseignements – l‘Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG) – qui réunit toutes les informations sur le sort des prisonniers de guerre et internés civils qu’elle parvient à recueillir et les transmet à leur pays d’origine et à leurs proches. [1] Les délégués du CICR visitent les camps de prisonniers de guerre, rendent leurs observations publiques et négocient pour améliorer les conditions de détention. En s’évertuant à rétablir le contact entre les prisonniers de guerre et leurs familles,  le CICR – au travers des activités de son Agence internationale – s’efforce d’alléger le poids des souffrances morales des populations touchées par le conflit.

Gardien du droit international humanitaire, le CICR exhorte les belligérants au respect des Conventions de droit international et clarifie l’interprétation de certains de leurs articles. Il recueille également les plaintes dénonçant leur violation, les bombardements d’installations sanitaires ou d’ambulances, les torpillages de navires hôpitaux, et l’emploi abusif de l’emblème de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, entre autres. En coulisses, le CICR négocie avec les belligérants le rapatriement du personnel sanitaire et des prisonniers de guerre blessés. Il s’efforce également de mettre un terme au cercle vicieux des représailles entre belligérants dont pâtissent durement leurs prisonniers.

S’il suit en cela les lignes directrices de son mandat défini par la Convention de Genève et les résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge, le Comité prend également un certain nombre d’initiatives pour adapter son action à la réalité du conflit. Il étend les activités de son agence de renseignements aux captifs civils et se mobilise contre l’emploi des gaz de combat, une arme nouvelle qui ne fait aucune différence entre combattants et civils. Lorsque les relations entre les différentes Sociétés nationales de la Croix-Rouge deviennent tendues des suites du conflit, le CICR s‘efforce de maintenir l‘unité de la « Croix-Rouge internationale » en relayant les plaintes et en jouant un rôle d’arbitre.

Pour son action en faveur des victimes de la guerre, le CICR reçoit en 1917 le Prix Nobel de la Paix. Finalement, au terme des hostilités, le Comité organise le rapatriement des anciens prisonniers de guerre et vient en aide aux populations civiles des pays vaincus. Il collabore avec la Société des Nations dès sa fondation et contribue à placer l’aide humanitaire au cœur des préoccupations de la communauté internationale de l’après-guerre.

 

Ce guide de recherche vise à donner un aperçu aussi exhaustif que possible des ressources documentaires existantes sur les activités du CICR pendant la Première Guerre mondiale. Chacune des sections qui le composent est dédiée à un domaine d’action spécifique de l’organisation et présente les sources primaires ainsi que les études de littérature secondaire qui s’y rapportent. Des lectures supplémentaires sont proposées en complément, à travers des liens vers le catalogue en ligne de la Bibliothèque du CICR. Toutes les publications introduites ci-dessous peuvent y être librement consultées. Certaines ont été numérisées et sont alors intégralement disponibles en ligne ; voir les liens fournis pour plus de détails.

Le guide de recherche inclut en outre à titre indicatif une première sélection des fonds d’archives du CICR correspondant aux thématiques présentées et les liens vers les inventaires disponibles en ligne. Les sources d’archives non-publiées peuvent être consultées sur rendez-vous au siège de l’organisation à Genève. Pour davantage d’informations sur ces fonds et les services associés, consultez la page dédiée aux Archives publiques du CICR sur icrc.org. Le guide propose également des liens vers les archives audiovisuelles (photos et films) disponibles en ligne sur le portail Archives audiovisuelles du CICR. La publication de ce guide de recherche fait suite à la numérisation d’une partie des ressources présentées ci-dessous et s’intègre aux activités de la Bibliothèque et des Archives publiques du CICR pour assurer la visibilité et l’accessibilité de leurs fonds et collections. Pour toute question ou suggestion sur son contenu, n’hésitez pas à nous contacter par mail à l’adresse suivante : library@icrc.org.

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Vue d’ensemble

Sources primaires

Le Bulletin international des Sociétés de la Croix-Rouge (1914 – 1918)

https://www.cambridge.org/core/journals/bulletin-international-des-societes-de-la-croix-rouge

Bulletin international des sociétés de la Croix-Rouge

Ancêtre de la Revue internationale de la Croix-Rouge, le Bulletin international des Sociétés de la Croix-Rouge est l’organe de communication du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge depuis 1869. Sa publication n’est pas arrêtée par l’ouverture des hostilités ; le CICR fait paraître une nouvelle édition du Bulletin tous les trois mois pendant la durée du conflit. On retrouve dans ces pages les circulaires et déclarations du Comité, ainsi que des articles présentant ses activités, détaillant son organisation interne, son financement et ses relations avec d’autres sociétés de secours et les belligérants. Par quelques lignes dédiées à chaque pays concerné, le Bulletin rend également compte de l’action des Sociétés nationales du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en faveur des victimes du conflit. Le Comité y retranscrit également les protestations contre les violations de la Convention de Genève qui lui sont adressées.

Le rôle et l’action du Comité international de la Croix-Rouge pendant la guerre européenne de 1914 à 1916 (1917)

Signé par Paul Des Gouttes, le secrétaire du Comité, ce petit ouvrage fait le bilan de son action d’octobre 1914 à octobre 1916. Il est divisé en deux parties, correspondant « aux deux branches d’activités du Comité international : branche ancienne et pour ainsi dire traditionnelle, relative aux militaires blessés ou malades ; branche nouvelle, relative aux prisonniers de guerre », comme l’explique alors l’auteur.

Actes du Comité international de la Croix-Rouge pendant la guerre 1914 – 1918 (1918)

Ce volume publié au terme du conflit réunit les circulaires, lettres et appels produits par le Comité pendant la durée des hostilités. Il témoigne ainsi de ses efforts répétés pour encourager le respect des Conventions internationales et clarifier l’interprétation de certains points du droit, comme le traitement du personnel sanitaire (voir par exemple la circulaire du 7 décembre 1914).

https://avarchives.icrc.org/Picture/24668

Genève, 1921. Séance plénière de la Xème Conférence Internationale de la Croix-Rouge (Ville de Genève/ICRC/F. Boissonnas)

Rapport général du Comité international de la Croix-Rouge sur son activité de 1912 à 1920 (1921)

Soumis à la 10e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce rapport a pour vocation de fournir aux Sociétés nationales du Mouvement un compte-rendu de l’action du Comité au cours des huit années précédentes. Succinct mais complet, il retrace les activités du Comité, présente ses rapports avec une série d’autres acteurs humanitaires ainsi que l’évolution des différentes composantes du Mouvement. Puisqu’il couvre également les années qui le précèdent et le suivent directement, il rend véritablement compte des bouleversements occasionnés par le conflit pour le CICR.

Fonds d’archives du CICR correspondants

  • A CICR, sous-fonds A CS (1912-1923), Comité international de la Croix-Rouge, secrétariat du Comité.
  • A CICR, sous-fonds C G1 (1914-1922), Première Guerre mondiale : Agence internationale des prisonniers de guerre.
  • A CICR, sous-fonds A PV (1914-1923), Séances plénières du Comité et de ses Commissions.
  • A CICR, série B CR 00 (1916 – 1951) Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Retrouvez ici les fonds et collections audiovisuels (films, photos et sons) des archives du CICR en lien avec la Première Guerre mondiale.

Littérature secondaire

Cover of François Bugnion, Confronting the hell of the trenches (2018)

François Bugnion, Face à l’enfer des tranchés (2018)

François Bugnion, Face à l’enfer des tranchées : le Comité international de la Croix-Rouge et la Première Guerre mondiale (2018)

« Par le nombre de peuples précipités dans la lutte, par sa durée et par les moyens mis en œuvre pour arracher la victoire, la Première Guerre mondiale a représenté une rupture sans précédent dans l’histoire de l’humanité. […] [le Comité international de la Croix-Rouge] a, dès les premiers mois du conflit, mis en place un dispositif opérationnel qui demeure la pierre angulaire de son action aujourd’hui encore : recherche des disparus, rétablissement du lien entre les prisonniers et leurs familles, visite des camps de prisonniers, actions de secours, rapatriement des captifs. »

En plus de donner un aperçu complet et synthétique des activités du Comité pendant la Grande Guerre, ce court ouvrage décrit comment les circonstances extraordinaires de ce premier conflit mondial ont entraîné une transformation en profondeur de l’institution et ont défini sa direction pour les décennies futures.

Du même auteur, on consultera également l’ouvrage de référence Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre qui, combinant une approche historique et juridique, retrace l’évolution du mandat du CICR et raconte son rôle de promoteur et garant du droit international humanitaire de 1863 jusqu’au tournant du 21e siècle.

Cédric Cotter, (S’)aider pour survivre : action humanitaire et neutralité suisse pendant la Première Guerre mondiale (2017)

En se penchant sur l’action du CICR pendant la Grande Guerre, cette thèse met en lumière le rôle joué par l’institution dans la construction de la tradition humanitaire de la Suisse. L’auteur présente les défis auxquels le CICR est confronté pendant la guerre et analyse l’application concrète des principes d’impartialité et de neutralité qu’il revendique. Il s’intéresse également à la manière dont ces principes s’articulent autour de celui de la neutralité politique de la Suisse. Son analyse de l’action du CICR a également le mérite de la replacer dans le panorama plus large de l’œuvre humanitaire de la Suisse et des interactions entre œuvres charitables pendant la Grande Guerre.

Du même auteur, voir également l’article Les élites genevoises au service de la Croix-Rouge (2016) et deux collaborations avec l’historienne Irène Herrmann, Quand secourir sert à se protéger : la Suisse et les œuvres humanitaires (2014) et Nobel de la paix en pleine guerre : la Croix-Rouge et la Suisse en 1914-1918 (2017). Avec une approche comparable, deux récentes publications analysant le rôle de la Suisse pendant la Première Guerre mondiale réservent une place à l’action du CICR dans leurs pages : La Suisse et la guerre de 1914-1918 / Christophe Vuilleumier (2015) et 14/18 : la Suisse et la Grande Guerre / Roman Rossfeld (2014).

André Durand, Histoire du CICR : de Sarajevo à Hiroshima (1978)

Deuxième volume d’une série qui retrace l’histoire du CICR, cet ouvrage traite de la période qui s’étend de la guerre italo-turque (1911-1912) à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le chapitre qu’il consacre à la Grande Guerre aborde les thématiques suivantes : la fondation et le fonctionnement de l’Agence internationale des prisonniers de guerre, l’application de la Convention de Genève – notamment pour le rapatriement du personnel sanitaire et des soldats blessés – celle de la Convention de La Haye de 1907, ainsi que le secours aux prisonniers de guerre et aux civils. Il offre ainsi un aperçu global des activités du CICR pendant la guerre et les replace dans un cadre chronologique plus large.

Gustave Ador (1845 – 1928), président du CICR, fondateur de l’Agence internationale des prisonniers de guerre et Conseiller fédéral

Gustave Ador, président du CICR de 1910 à 1928 (A CICR (DR)/S.N.)

Gustave Ador, président du CICR de 1910 à 1928 (A CICR (DR)/S.N.)

Entré au Comité en 1870, Gustave Ador (1845-1928) en assume officiellement la présidence en 1910, bien qu’il soit communément admis qu’il ait soulagé Gustave Moynier de nombre de ses tâches dès 1903. Il défend alors avec ferveur l’extension des activités du CICR au secours aux prisonniers de guerre. L’institution ne peut encore s’appuyer dans ce domaine sur le mandat que lui fournit la Convention de Genève, limité alors à la protection des soldats malades et blessés et du personnel sanitaire. En 1912, lors de la 9ème Conférence internationale de la Croix-Rouge, il obtient l’adoption d’une résolution donnant au Comité la responsabilité de deux grandes missions en faveur des prisonniers de guerre pour les conflits à venir : la direction d’une agence de renseignements et l’envoi de secours à destination des camps.

En 1914, Gustave Ador est donc sans surprise à l’origine de l’inauguration de l’Agence internationale des prisonniers de guerre. En plus d’assumer la direction de l’AIPG, il incarne également la diplomatie humanitaire menée par le CICR pendant le conflit ; c’est lui qui négocie avec les belligérants le rapatriement ou l’échange des prisonniers de guerre. Homme providentiel des élections au Conseil fédéral de 1917, il prend alors la tête de la diplomatie helvétique. Parmi les publications qui lui sont consacrées, on notera notamment : Un homme d’Etat suisse : Gustave Ador, 1845-1928 / par Frédéric Barbey, beau-fils de Gustave Ador (1945) ; Gustave Ador : 58 ans d’engagement politique et humanitaire / Roger Durand et al. (1996) / Gustave Ador : fondateur et patron de l’Agence des prisonniers de guerre 1914-1918 / Roger Durand (2015).

Véronique Harouel, Genève – Paris : 1863-1918 : le droit humanitaire en construction, 2003.

À travers le prisme des relations entre le CICR et la France, cette thèse retrace la genèse du droit international humanitaire. Après une première partie consacrée à l’historique de l’adoption des premières Conventions de Genève et de La Haye, l’auteure se penche sur leur application lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871) et la Première Guerre mondiale. Intitulé ‘l’épreuve du jamais-vu : la tourmente de la grande guerre’, le chapitre consacré au conflit mondial s’intéresse non seulement à l’action du CICR en faveur des soldats prisonniers, mais également à ses efforts pour mettre en œuvre un droit d’intervention pour secourir les civils. L’auteur met ainsi en lumière les balbutiements d’un long processus qui aboutira trente ans – et une autre guerre mondiale – plus tard à la signature de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949).

Lindsey Cameron, The ICRC in the First World War: Unwavering belief in the power of law , 2015

Lindsey Cameron revient dans cet article sur les efforts du CICR pendant la Première Guerre mondiale pour veiller au respect de la Convention sur les blessés et malades de 1906 et de la Convention de La Haye de 1907. L’auteure examine le point de vue du CICR sur la mise en œuvre de ces deux conventions et décrit sa réaction face aux accusations de violation du droit international humanitaire. Pour finir, elle montre comment le CICR a engagé un dialogue avec les États sur l’interprétation des divers articles de la Convention de Genève de 1906, asseyant sa position d’expert et de garant du droit international humanitaire.

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L’Agence internationale des prisonniers de guerre

https://avarchives.icrc.org/Picture/4108

L’Agence pendant la Première Guerre mondiale (CICR)

Conformément à la résolution votée lors de la Conférence internationale tenue à Washington en 1912, le CICR annonce le 27 août 1914 l’ouverture d’une agence internationale de secours et de renseignements au bénéfice des prisonniers de guerre. Ses collaborateurs sont chargés de recueillir, centraliser et traiter toutes les informations qui leur parviennent sur le sort des prisonniers de guerre et des internés civils, sur la base notamment des listes des hommes capturés transmises par les belligérants. Ils les font ensuite parvenir aux autorités du pays d’origine des captifs et répondent aux demandes de recherche adressées par les proches inquiets des hommes capturés ou portés disparus. La tâche est titanesque et les moyens prévus à l’origine se révèlent vite insuffisants ; c’était « vouloir épuiser avec un dé à coudre la mer des horreurs à venir », écrira Stefan Zweig. [2]

Musée Rath, Agence internationale des prisonniers de guerre (A CICR (DR))

Musée Rath, Agence internationale des prisonniers de guerre (A CICR (DR))

L’Agence déménage alors au Musée Rath que la Ville de Genève met à sa disposition, systématise et rationalise le traitement et l’exploitation des informations. Elle recrute quantité de volontaires, puis de salariés. Leur nombre atteint 1’200 à la fin de l’année 1914, avant d’être ramené à quelques centaines lorsque d’autres agences nationales de prisonniers de guerre et bureaux de recherche viennent lui prêter main forte.

1915, Colis destinés aux prisonniers (CICR/R. Gilli)

1915, Colis destinés aux prisonniers (CICR/R. Gilli)

Pendant le conflit, l’AIPG aura néanmoins traité jusqu’à 30’000 renseignements nominatifs par jour. L’un de ses services a permis également d’assurer la transmission des lettres, sommes d’argent et colis préparés par les familles aux prisonniers de guerre. Aujourd’hui, au travers des cinq millions de fiches nominatives établies par l’Agence entre 1914 et 1918 et des sources à leur origine, c’est l’itinéraire de plus de deux millions de prisonniers de guerre que l’on peut suivre via le portail Grande Guerre du CICR.

Sources primaires

Nouvelles de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (1916-1918)

Agence internationale des prisonniers de guerre (Ville de Genève/CICR/Frédéric Boissonnas)

Agence internationale des prisonniers de guerre (Ville de Genève/CICR/F. Boissonnas)

Si les renseignements concernant un captif ou un interné civil en particulier sont transmis directement à ses proches, le CICR inaugure au début de l’année 1916 la publication hebdomadaire des Nouvelles de l’Agence pour assurer la diffusion des informations d’ordre général qu’il reçoit sur le sort des prisonniers de guerre. Celles-ci sont regroupées par pays et complétées par divers articles et communications du Comité, comme la liste des blessures qui justifient un rapatriement (no. 2, 29 janvier 1916).

Les procès-verbaux de l’Agence internationale des prisonniers de guerre rédigés entre le 21 août 1914 et le 30 septembre 1919, édités et annotés par l’historien du CICR Daniel Palmieri, ont été publiés en version numérique par le CICR en 2015. Pour chaque date, quelques lignes retracent le contenu des séances tenues par l’Agence. On y suit ainsi l’évolution de ses effectifs et de ses activités, au fur et à mesure que celles-ci s’intensifient et se systématisent.

Etienne Clouzot, directeur du service allié de l'AIPG (CICR)

Etienne Clouzot, directeur du service des armées de l’Entente de l’AIPG (CICR)

L’Agence communique publiquement sur son travail pendant le conflit. L’un de ses collaborateurs, Frédéric Barbey, en raconte ainsi les débuts dans un article en 1915. La même année, le CICR publie Organisation et fonctionnement de l’Agence internationale des prisonniers de guerre à Genève : 1914 et 1915. Ce court ouvrage présente une description de toutes les tâches de l’Agence internationale des prisonniers de guerre, de la direction à la préparation des fiches. Ses pages contiennent également les portraits des fondateurs de la Croix-Rouge ainsi qu’une photographie des 1200 collaborateurs bénévoles du CICR. L’année suivante, les informations sont mises à jour dans une nouvelle publication qui se concentre tout particulièrement sur le service des enquêtes françaises : Renseignements complémentaires sur l’activité de l’Agence internationale des prisonniers de guerre à Genève en 1915 et 1916. Etienne Clouzot, qui dirige le service des armées de l’Entente de l’Agence, décrit lui aussi ses activités dans les pages d’une publication intitulée ‘Disparus et prisonniers : l’Agence internationale des prisonniers de guerre à Genève’.

« En un afflux invisible, les craintes, les soucis, les appels désespérés, les cris de terreur de millions de peuples viennent déferler ici chaque jour. En un reflux invisible s’écoulent ici journellement, vers ces millions, l’espérance, la consolation, le conseil et l’information. », écrit en décembre 1915 le grand auteur Stefan Zweig dans un manifeste intitulé Le cœur de l’Europe : une visite à la Croix-Rouge internationale de Genève. Plusieurs des copies de ce court ouvrage, vendu 50 centimes pendant la guerre au profit de l’Agence, ont été conservées au sein de la collection patrimoniale de la Bibliothèque du CICR. Pour financer son travail, l’Agence fait aussi preuve d’ingéniosité. Elle vend par exemple des vues de camps de prisonniers de guerre, propose les curiosités philatéliques, timbres et cachets de censure qu’elle reçoit aux collectionneurs, et organise des représentations théâtrales dont la distribution est assurée par ses propres membres.

Finalement, en 1919, alors que l’Agence s’apprête à quitter le Musée Rath, le CICR rend hommage à ceux qui lui ont apporté leur concours au cours des quatre dernières années. Le recueil de photographies qu’il fait paraître présente les différents services de l’AIPG et donne au lecteur un aperçu des innombrables listes de prisonniers de guerre, fiches, lettres et colis qui passèrent entre les mains de ses collaborateurs. La liste des près de trois mille personnes qui participèrent à cet effort clôt le volume ; le lecteur attentif y reconnaîtra notamment le nom de l’écrivain Romain Rolland.

La documentation des collaborateurs de l’Agence à la Bibliothèque du CICR

Dès les premières années d’activité du Comité, la Bibliothèque du CICR a recueilli la littérature utilisée par ses membres pour documenter leur travail et se tenir au courant des avancées légales, médicales ou scientifiques de l’époque. Ses collections patrimoniales témoignent ainsi du développement du Comité et fourmillent de renseignements sur ses premières préoccupations, de son souci constant du sort des victimes des conflits à sa volonté de tirer parti des dernières inventions technologiques. L’ancienne collection ‘Prisonniers de guerre’ de la Bibliothèque comprend plus de 300 documents portant sur la captivité pendant la Première Guerre mondiale. Nombre d’entre eux sont passés entre les mains de l’AIPG, comme en témoigne le tampon qui orne leur couverture.

née-Marguerite Cramer working à l'Agence (Ville de Genève/CICR/F. Boissonnas)

Renée-Marguerite Cramer à l’AIPG (Ville de Genève/CICR/F. Boissonnas)

On retrouve dans cette collection des récits d’anciens captifs, les rapports de sociétés de secours qui viennent en aide aux prisonniers de guerre, des règlements militaires sur le traitement des captifs et des journaux de prisonniers, ainsi que quelques cartes de camps ou du front. Certains de ces documents semblent avoir servi d’outils de travail aux collaborateurs de l’Agence, à l’image de la copie d’un accord diplomatique sur le traitement des prisonniers de guerre signé entre les Etats-Unis et l’Allemagne en 1918 qui porte la signature d’Alfred Gautier (1858-1920), vice-président du CICR dès 1917. Un recueil des dispositions de droit international relatives au traitement des prisonniers de guerre alors en vigueur porte la signature d’une autre collaboratrice incontournable de l’histoire du CICR, Renée-Marguerite Frick-Cramer, ainsi que de nombreuses annotations de sa main.

Les archives de l’Agence internationale des prisonniers de guerre

Fiche du futur président français Charles de Gaulle (Archives Agence du CICR, www.grandeguerre.icrc.org)

Les cinq millions de fiches nominatives élaborées par les collaborateurs de l’Agence internationale des prisonniers de guerre font aujourd’hui partie des Archives Agence du CICR, qui comprennent l’ensemble des données individuelles collectées par le CICR au cours des conflits passés, de 1870 à nos jours. Numérisé en 2014, le fichier de la Première Guerre mondiale peut être exploré depuis le portail Grand Guerre du site du CICR. Pour plus d’information sur ce fonds d’archives unique, voir l’introduction disponible sur le site. Les archives de l’AIPG sont également présentées par  Philippe Mathey, ancien conservateur du Musée international de la Croix-Rouge où une partie du fichier de l’AIPG est exposé, au sein du recueil Les prisonniers de guerre dans l’histoire : contacts entre peuples et cultures (2003). Pour plus d’information, voir également le chapitre ‘L’action du CICR pendant la Première Guerre mondiale : les archives de l’Agence internationale des prisonniers de guerre’ au sein du volume La Suisse et la guerre de 1914-1918 (2015).

Le portail Grand Guerre du site du CICR met également à la disposition du public une série de témoignages de prisonniers de guerre, les cartes postales publiées par le CICR – qui illustrent ses propres activités ainsi que la vie quotidienne des camps et hôpitaux – et la liste des camps de prisonniers de guerre.

Fonds d’archives du CICR correspondants

https://avarchives.icrc.org/Picture/4074

Service de recherches de l’AIPG (Ville de Genève/CICR/F. Boissonnas)

  • A CICR, sous-fonds C G1 (1914-1922), Première Guerre mondiale : Agence internationale des prisonniers de guerre.
  • A CICR, A VS PROT LO AIPG (1914-1918), Livre d’or de l’Agence internationale des prisonniers de guerre : signatures des collaborateurs et des visiteurs.
  • A CICR, P FF (1866 – 1923), Brochures et articles divers rassemblés par F. Ferrière.

Retrouvez ici les documents audiovisuels des archives du CICR concernant l’AIPG

Littérature secondaire

La thèse que Gradimir Djurovic consacre à l’histoire de l’Agence, publiée en 1981, comprend un chapitre sur son action pendant la Première Guerre mondiale. Il en décrit les rouages service par service et présente les formes successives qu’elle a prises pour répondre aux conflits qui ont traversés le 20e siècle. Pour le lecteur pressé, une brochure publiée en français et en anglais par le CICR en 2007 et disponible en ligne retrace en quelques pages les grandes lignes du fonctionnement de l’Agence.

L’action de celle-ci en faveur des civils a fait l’objet d’un mémoire de fin d’étude, signé par Jessica Pillonel en 2012. Sur la même thématique, on consultera aussi l’article de Matthew Stibbe, The internment of civilians by belligerent states during the First World War and the response of the International Committee of the Red Cross (2006). Pour une réflexion plus générale sur la protection des civils pendant la Première Guerre mondiale et l’action du CICR, consultez également l’article d’Annette Becker Les dilemmes de la protection des civils des territoires occupés : l’exemple précurseur de la Première Guerre mondiale, paru en 2012 dans la Revue internationale de la Croix-Rouge.

1914, Romain Rolland à l’AIPG (CICR)

La présence du grand écrivain pacifiste Romain Rolland parmi les volontaires de l’Agence a intéressé plusieurs historiens ; voir ainsi la thèse de Claire Basquin, Romain Rolland et l’Agence des prisonniers de Genève (1914-1916) (1999), l’article de Martine Ruchat, ‘On a beaucoup à dire et peu à raconter’ : correspondance entre Romain Rolland et Frédéric Ferrière : 1914-1924 (2006) et l’étude de Cynthia Schneider, Romain Rolland et l’Agence internationale de prisonniers de guerre (2006). Ismaël Raboud, de la Bibliothèque du CICR, et Marie Allemann, des Archives Agence, signent ensemble sur CROSS-files un portrait du plus illustre des volontaires de l’AIPG.

Parmi la riche littérature secondaire consacrée à la captivité pendant la Première Guerre mondiale, on retrouvera par exemple à la Bibliothèque du CICR les références suivantes : Oubliés de la Grande Guerre : humanitaire et culture de guerre 1914-1918 : populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre / Annette Becker (1998), Les prisonniers en 1914-1918 : acteurs méconnus de la grande guerre / Frédéric Médard (2010), Soldats sans armes : la captivité de guerre : une approche culturelle / François Cochet (1998), La captivité de guerre au XXe siècle : des archives, des histoires, des mémoires / Anne-Marie Pathé (2012) et Fabien Théofilakis, Prisonniers de la Grande Guerre : victimes ou instruments au service des Etats belligérants / Olivier Lahaie et al., in Guerres mondiales et conflits contemporains : revue d’histoire, No 253, janvier-mars 2014, p. 3-88.

En anglais, consulter également The prisoners : 1914-1918 de Robert Jackson (1989), Violence against prisoners of war in the First World War : Britain, France and Germany, 1914-1920 de Heather Jones (2011), et le recueil édité par Matthew Stibbe Captivity, forced labour and forced migration in Europe during the First World War (2013).

Le Dr Frédéric Ferrière et le service civil de l’AIPG

Portrait de Frédéric Ferrière (A CICR (DR))

Médecin genevois membre du Comité, le docteur Frédéric Ferrière (1848-1924) est à l’origine de la création de la section civile de l’Agence internationale des prisonniers de guerre.

Si le CICR peut s’appuyer sur les résolutions de la IXe Conférence internationale de 1912 pour son action en faveur des prisonniers de guerre en 1914, force est de constater que rien n’est alors prévu pour les civils qui se retrouveraient aux mains de l’ennemi. Leur internement, dans des conditions souvent plus alarmantes que celles des prisonniers de guerre, devient pourtant rapidement une pratique courante et les demandes de renseignements qui parviennent à l’Agence sont loin de ne concerner que des militaires. Celle-ci décide pourtant dans un premier temps de ne pas étendre ses activités aux victimes civiles de la guerre. Opposé à cette décision, le docteur Ferrière prend l’initiative de traiter indépendamment les demandes concernant des civils. Bientôt dépassé par le nombre de ces requêtes, et ayant prouvé que l’absence de base juridique n’empêchait pas leur traitement, il obtient du Comité l’ouverture d’une section civile de l’AIPG dont il assumera la direction tout au long du conflit. Pour en savoir plus, consulter la biographie signée Adolphe Ferrière, Le docteur Frédéric Ferrière : son action à la Croix-Rouge internationale en faveur des civils victimes de la guerre (1948).

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Les délégations du CICR et les visites des camps de prisonniers de guerre

Pendant le conflit, le CICR n’a de cesse de défendre les droits des prisonniers de guerre à des conditions de détention décentes. Les négociations qu’il mène pour obtenir l’autorisation de visiter les camps aboutissent au début de l’année 1915. Il effectue alors une première série de visites en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France. À terme, il obtiendra l’accord de tous les principaux belligérants pour conduire des visites similaires sur leur territoire.

Au total, les délégués du Comité visiteront 534 camps de prisonniers de guerre, principalement en Europe, mais également en Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Algérie, Egypte) et en Asie (Sibérie, Birmanie, Japon, Indes britanniques). Leurs rapports de visite sont remis aux gouvernements concernés. Ils sont également publiés et commercialisés, formant la série des « Documents publiés à l’occasion de la guerre de 1914-1918 ».

Suite à la numérisation des rapports de visite, la Bibliothèque du CICR a publié sur CROSS-files un guide de recherche dédié pour faciliter leur consultation en ligne.

Guerre 1914-1918 : Rapports des visites de camps de prisonniers

Alors que la guerre fait rage, la publication de ces rapports sert tout d’abord à renseigner la société civile sur le sort de ceux tombés entre les mains de l’ennemi. Elle permet aussi au Comité de court-circuiter les tentatives des belligérants de les utiliser à des fins de propagande, y compris en les tronquant. Les rapports des délégués du Comité offrent une source d’information neutre et détaillée sur les camps, alternative bienvenue aux rumeurs colportées par la presse. Ils peignent souvent un tableau rassurant des conditions de détention, tableau que les analyses des historiens viennent aujourd’hui nuancer.

Maroc, 1915. Visite d’un délégué du CICR à un camp de prisonnier (A CICR (DR)).

La publication de ces rapports souvent favorables aura néanmoins eu l’effet non-négligeable de combattre le cycle des représailles entre belligérants. Les mauvais traitements deviennent d’autant plus difficiles à justifier que les rapports de visite des camps ennemis décrivent des conditions de détention convenables. Les visites des délégués du CICR ne sont donc pas restées sans effet sur les conditions de détention des prisonniers de la Première Guerre mondiale, de l’avis des historiens. [3] Pour les détenus, elles représentèrent également l’occasion d’un contact rare et précieux avec l’extérieur et l’opportunité de partager leurs griefs. La publication des rapports de visite en plein conflit entraîne une série de protestations de part et d’autre. Le Comité souligne néanmoins qu’il est la cible d’accusations de complaisance et de partialité de la part des deux camps, ce qu’il interprète avec résignation comme la preuve de sa neutralité.

Jolie trouvaille, l’ancienne collection ‘Prisonniers de guerre’ de la Bibliothèque du CICR, riche de plus de 300 documents sur la captivité pendant la Première Guerre mondiale, comprend deux modèles de formulaires qui donnaient aux délégués la liste des questions à poser lors de leur visite et des points à renseigner au sein de leurs rapports. Ainsi, pour la visite des camps de prisonniers de guerre français en Allemagne, le formulaire prévoit une série de questions concernant les infrastructures du camp, l’alimentation des prisonniers de guerre, les soins médicaux, les sanctions disciplinaires, le travail des prisonniers et leur correspondance, entre autres.

Visite d’un délégué du CICR dans un camp de prisonniers allemands (A CICR (DR))

Pour plus d’informations sur ces visites, consulter la littérature relative aux prisonniers de guerre introduite ci-dessus ainsi que l’article de Richard Ronan, Succès et limites des puissances protectrices : le cas des prisonniers civils et militaires dans l’ouest de la France pendant la Première Guerre mondiale (2010). Les visites du Dr Fritz Paravicini (1874-1944), alors délégué du CICR, dans les camps de prisonniers de guerre du Japon ont fait l’objet d’un ouvrage en japonais signé par Shiro Ohkawa. Un résumé en anglais est également disponible à la Bibliothèque du CICR.

Retrouvez ici les documents audiovisuels des archives du CICR concernant les prisonniers de guerre

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Négocier et organiser le rapatriement des captifs

« Toutes les nations ont un égal intérêt à voir revenir leurs enfants sains de corps et d’esprit. La conscience s’élève avec force contre la prolongation d’une détention qui priverait peut-être l’Europe de millions de créatures humaines. (…) La guerre a accumulé trop de ruines, trop de deuils, a fait couler trop de sang pour ne pas écouter la voix du cœur, de la pitié, en restituant à leur patrie tous ceux qu’on peut encore sauver ».

Le Comité International de la Croix-Rouge aux Belligérants, Appel en faveur du rapatriement des prisonniers de guerre. Genève, le 26 avril 1917.

Dès la fin de l’année 1914, le CICR entame des négociations avec les belligérants pour les convaincre de rapatrier certains prisonniers de guerre et internés civils. Il argumente d’abord en faveur du retour des grands blessés dans leur patrie. Dès mars 1915, il obtient que des convois de prisonniers de guerre blessés français et allemands soient rapatriés via la Suisse. Leur parcours est raconté par la romancière genevoise Noëlle Roger dans son récit Le train des grands blessés (1916). La bibliothèque possède également une série de listes des rapatriés français qui ont suivi cette route en 1915.

Genève, 1915. Echange de sanitaires belges et français (A CICR (DR)/Decrauzat)

Selon la Convention de Genève de 1906, les membres du personnel médical des armées doivent être rapatriés sans délai, dès que leur présence n’est plus indispensable pour venir en aide aux captifs blessés. Or rapidement les belligérants s’accusent de prolonger sans motif la captivité des sanitaires. En coulisses, le CICR se mobilise pour assurer leur rapatriement. Dans ses actes figure une communication aux belligérants datée du 7 décembre 1914 où, sous le titre ‘Renvoi du personnel sanitaire : interprétation des articles 9 et 12 de la Convention de Genève du 6 juillet 1906’, le Comité leur rappelle les obligations souscrites en la matière par la ratification de la Convention.

https://avarchives.icrc.org/Picture/10921

Genève, 1918. Soldats blessés et sanitaires rapatriés (A CICR (DR)/Decrauzat).

Au printemps 1916, comme le conflit se prolonge, le CICR étend ses efforts pour faciliter les rapatriements aux prisonniers de guerre valides. Le 16 avril, il publie un appel demandant la libération des prisonniers de longue date ou dont l’état mental est source d’inquiétude. Il joue ensuite un rôle dans la conclusion d’accords diplomatiques entre les belligérants prévoyant l’échange ou le rapatriement de prisonniers de guerre, comme entre le Royaume-Uni et l’Empire ottoman en janvier 1917, puis entre la France et l’Allemagne en avril 1918. Une copie de ce dernier accord, peut-être reçue par le Comité au moment de sa conclusion, est intégrée à l’ancienne collection ‘Prisonnier de guerre’ de la Bibliothèque du CICR.

Havelburg, 1921. Prisonniers russes rapatriés photographiés avec un délégué du CICR (A CICR (DR))

Lorsque les armes se taisent enfin, le CICR s’active pour permettre le rapatriement de l’ensemble de ceux qui sont encore prisonniers. C’est en particulier le sort des captifs dont le retour n’a pas été prévu par les accords internationaux qui l’inquiète, comme les ressortissants d’Europe centrale retenus en Sibérie.

Plusieurs articles publiés dans la Revue internationale de la Croix-Rouge – qui succède en 1919 au Bulletin – relatent ses efforts : Rapatriement des prisonniers de guerre centraux en Russie et en Sibérie et des prisonniers de guerre russes en Allemagne / Renée-Marguerite Frick-Cramer (mai 1920) ; Rapport lu à l’Assemblée de la Société des Nations le 18 novembre 1920, sur l’œuvre du rapatriement des prisonniers de guerre / Fridtjof Nansen (décembre 1920) ; L’achèvement du rapatriement général des prisonniers de guerre par le Comité international de la Croix-Rouge / Lucien Cramer (mai 1922). En septembre 1944 enfin, alors que le CICR se mobilise pour le rapatriement des prisonniers de la guerre en cours, Renée-Marguerite Frick-Cramer rappelle son action passée : Le rapatriement des prisonniers du front oriental, après la guerre de 1914 – 1918 (1919 – 1922) (septembre 1944).

Havelburg, 1921. Des prisonniers russes à bord d’un train-hôpital du CICR (A CICR (DR))

Les efforts du CICR pour encourager et mettre en place le rapatriement des prisonniers de guerre ont été étudiés par l’historien Hazuki Tate. Sa thèse Rapatrier les prisonniers de guerre : la politique des alliés et l’action humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge (1918-1929) (2015), ainsi que l’article Hospitaliser, interner et rapatrier : la Suisse et les prisonniers de guerre, sont disponibles à la Bibliothèque du CICR. Deux mémoires universitaires portent sur cette même thématique : Bolchévisme, droit humanitaire, dollar et Paix des vainqueurs : l’organisation du rapatriement des prisonniers de guerre centraux détenus en Sibérie après la Première Guerre mondiale, par la Mission Montandon du CICR (1919-1921), les Croix-Rouges nationales et la Société des Nations / Blaise Hofmann (2001) et Repatriierung 1920-1922 : zur Rückführung der Kriegsgefangenen nach dem Ersten Weltkrieg / Sebastian Balzter (2005).

Fonds d’archives du CICR correspondants 

Rapatriement des soldats blessés et du personnel sanitaire (A CICR (DR))

  • A CICR, série B CR 001 (1918-1919), Comité international de la Croix-Rouge, secrétariat général : mission du CICR après la guerre 1914-1918.
  • A CICR, sous-fonds C G1 (1914-1922), Première Guerre mondiale : Agence internationale des prisonniers de guerre.
  • A CICR, sous-fonds A CS (1912-1923), Comité international de la Croix-Rouge, secrétariat du Comité.
  • A CICR, A PV, sous-fonds A PV (1914-1923), Séances plénières du Comité et de ses Commissions.

Retrouvez ici les documents audiovisuels des archives du CICR concernant le rapatriement des captifs

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Le CICR face aux séquelles de la guerre

Brest-Litovsk, 1919. Orphelinat soutenu par le CICR (A CICR (DR))

Puisque les conséquences humanitaires d’un conflit ne se dissipent pas sitôt l’armistice signé, les années qui suivent la fin de la guerre sont caractérisées par l’implication du CICR dans des campagnes de secours internationales d’une ampleur inédite. Pour répondre aux crises humanitaires héritées du conflit, le Comité collabore avec la Société des Nations nouvellement crée, avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et une série d’autres acteurs humanitaires indépendants.

Après-guerre. Représentants de la SDN, de l’UISE et du CICR (A CICR (DR))

Ensemble, ils instaurent de nouveaux réflexes en matière de coopération internationale pour la gestion des urgences humanitaires. La brochure intitulée ‘Le Comité international de la Croix-Rouge : ses missions, 1918-1923 (1923) raconte ainsi comment le Comité est intervenu pour rapatrier les prisonniers de guerre, lutter contre les épidémies, secourir les réfugiés venus de Russie et du Proche-Orient, soutenir la fondation de l’Union internationale de secours aux enfants et venir en aide à la population russe affamée. Ces mêmes activités sont présentées de manière plus détaillée dans le Rapport général du Comité international de la Croix-Rouge sur son activité de 1921 à 1923 (1923).

Stettin, 1920. Rapatriement de prisonniers russes via Narva (A CICR (DR))

Pour en savoir plus sur l’activité du Comité à la fin des hostilités et sur sa collaboration avec la Société des Nations, voir le portrait consacré par la Bibliothèque du CICR à Fridtjof Nansen (1861-1930), délégué de la SdN et premier Haut-commissaire aux réfugiés. L’ensemble de son action humanitaire entre 1920 et 1930 est en effet marqué par une collaboration étroite avec les délégués du CICR. La thèse de Kimberly A. Lowe, The Red Cross and the New World Order : 1918-1924 (2014) éclaire les enjeux de cette période cruciale du développement de l’organisation humanitaire.

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Vers la Convention de Genève de 1929 : le CICR et la protection des prisonniers de guerre après la Première Guerre mondiale

 

Records of the 1929 Diplomatic Conference.

Actes de la Conférence diplomatique de 1929 (CICR)

L’expérience de la guerre met en lumière les lacunes du droit international en matière de protection des prisonniers de guerre. Pour pallier l’insuffisance des dispositions prévues au sein des Règlements de La Haye de 1899 et 1907, les belligérants concluent plusieurs accords spéciaux en 1917 et 1918.

Au terme du conflit, il s’agit donc de tirer les enseignements qui s’imposent des bouleversements des quatre dernières années et d’adapter le droit international à la réalité des hostilités. En 1921, les participants de la Conférence internationale de la Croix-Rouge s’accordent sur le besoin d’adopter une convention spéciale concernant le traitement des prisonniers de guerre, un « code du prisonnier de guerre ».

Le projet de convention préparé par le CICR en réponse est soumis à la Conférence diplomatique de Genève de 1929. Si elle ne remplace pas les Règlements de La Haye précités, la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre du 27 juillet 1929 les complète par l’introduction de nouvelles dispositions, comme l’interdiction des mesures de représailles et des peines collectives à l’égard des prisonniers de guerre. Pour une analyse des répercussions de la Première Guerre mondiale sur le développement de la protection juridique des prisonniers de guerre, consulter l’article de Neville Wylie et Lindsey Cameron, The impact of World War I on the law governing the treatment of prisoners of war and the making of a humanitarian subject.

Fonds d’archives du CICR correspondants

  • A CICR, sous-fonds C G1 (1914-1922), Première Guerre mondiale : Agence internationale des prisonniers de guerre.
  • A CICR, sous-fonds A CS (1912-1923), Comité international de la Croix-Rouge, secrétariat du Comité.
  • A CICR, série B Mis San (1919-1920), Comité international de la Croix-Rouge : missions sanitaires en Europe centrale, orientale et Russie.
  • A CICR, série B CR 001 (1918-1919), Comité international de la Croix-Rouge, secrétariat général : mission du CICR après la guerre 1914-1918.

Retrouvez ici les films des archives du CICR sur ses activités après la guerre

Raconter la captivité : journaux et récits de prisonniers de guerre à la Bibliothèque du CICR

Ils ont pour titre ‘Le petit messager‘, ‘l’intermède’, ‘le canard‘, ‘l’interné’ ou ‘le tas de blague’. Ils donnent la parole à ceux qui sont retenus prisonniers et témoignent de leur vie en détention, de leurs maux et des occupations qu’ils trouvent pour s’en distraire. Les journaux de prisonniers de guerre sont des sources précieuses sur la captivité pendant la Grande Guerre, parmi les rares documents à offrir une forme d’immersion dans la vie des camps. Le lecteur intéressé trouvera ici la liste de ceux reçus par le CICR ou l’AIPG et qui font aujourd’hui partie de l’ancienne collection ‘Prisonniers de guerre’ de la Bibliothèque.

Roche-Maurice, Prisoners of War camp (ICRC)

Roche-Maurice, camp de prisonniers de guerre (CICR)

Nombre d’anciens prisonniers de guerre publient des témoignages racontant leur capture et leur internement, en s’inspirant parfois des conventions romanesques. La bibliothèque du CICR compte près d’une cinquantaine de ces récits, écrits en majorité par d’anciens prisonniers français ou allemands. Représentative d’un véritable genre littéraire de la période, cette collection témoigne à la fois de la diversité des parcours des prisonniers de guerre et des similitudes de leurs maux et des moyens auxquels ils recourent pour supporter la captivité.

Ludwigsburg-Eglosheim, camp de prisonniers de guerre (A CICR (DR))

Leur orientation idéologique et leur contexte de publication incitent parfois à la méfiance concernant l’exactitude historique des renseignements transmis. À défaut d’une valeur de preuve historique indiscutable et parfois d’une qualité littéraire notable, ces récits conservent toutefois une valeur de témoignage. Au cours des hostilités, l’Agence internationale des prisonniers de guerre semble avoir conservé quelques exemplaires de ces récits, peut-être pour en tirer des informations additionnelles sur le parcours des prisonniers de guerre. Son tampon figure ainsi sur l’ouvrage d’Israel Cohen The Ruhleben prison camp : a record of nineteen months’ internment (1917), et celui de Georges Desson Souvenirs d’un otage (1916). Retrouver ici l’ensemble des récits de captivité de la Première Guerre mondiale conservés à la Bibliothèque du CICR.

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Pour poursuivre les recherches : aperçu des fonds d’archives et récits de captivité de la Grande Guerre numérisés et disponibles en ligne


[1] L’engagement du CICR pour atténuer les souffrances psychologiques causées par la guerre et maintenir le lien entre les prisonniers de guerre et leurs familles remonte aux toutes premières années d’activités de l’organisation. En 1870, celui-ci crée à l’occasion de la Guerre franco-prussienne une première agence de recherche – le Bureau de renseignements de l’Agence internationale de secours aux militaires blessés et malades de Bâle, aussi appelé l’ « Agence de Bâle ». Pour plus d’informations à propos de cet ancêtre de l’AIPG, voir le chapitre qu’y consacre Gradimir Djurovic dans sa thèse L’Agence centrale de recherches du Comité international de la Croix-Rouge. Les rapports d’activité de cette agence – en allemand et en français – font partie de l’ancien fonds de la Bibliothèque du CICR (AF 3010 / AF 3015 / AF 3016).

[2] Stefan Zweig, Le cœur de l’Europe : une visite à la Croix-Rouge internationale de Genève, 1915.

[3] Voir par exemple l’argumentation de Cédric Cotter, S’aider pour survivre : action humanitaire et neutralité suisse pendant la Première Guerre mondiale, Chêne Bourg : Georg, 2017, 75.