La visite effectuée par le délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Maurice Rossel, le 23 juin 1944, à Theresienstadt (protectorat de Bohême-Moravie) n’est souvent connue du grand public qu’au travers de l’interview accordée par Rossel lui-même au réalisateur français, Claude Lanzmann. Tournée en 1979 et initialement destinée à être inclue dans le documentaire Shoah, cette interview est sortie séparément en 1997 sous le titre Un vivant qui passe. Un livre éponyme – mais sous-titré « Auschwitz 1943 -Theresienstadt 1944 » - reprenant les dialogues de l’interview a paru la même année.
Présenté par Claude Lanzmann comme un témoignage historique, Un vivant qui passe est surtout un récit mémoriel, quelques fois défaillant. Preuve en sont les nombreux anachronismes et erreurs factuelles, tant du fait de l’interviewé que de l’interviewer. La mise en scène de Lanzmann, de même que sa façon de s’adresser à Rossel font par ailleurs plus penser à un procès qu’à une simple discussion. Rossel se retrouve donc seul face à ses juges, ici les spectateurs. S’il est vrai que l’ancien délégué du CICR présente des côtés peu sympathiques, ressassant des ressentiments passés, maniant les stéréotypes et affichant parfois une attitude hautaine, il faut aussi reconnaître que son expérience à Theresienstadt et la manière dont il s’est retrouvé dans cette situation sont uniques dans l’histoire de l’institution genevoise. Il convient donc de rappeler ces faits, non plus sur la base de la mémoire, mais des documents d’archives.
22 mois de négociations
Contrairement à ce qu’affirme Rossel au début de son interview, il ne rejoint pas le CICR en 1942, mais en février 1944. La date de 1942 est toutefois importante, car elle marque le début des informations reçues par le CICR sur la ville-ghetto de Theresienstadt, tout comme les premières démarches de l’institution pour tenter d’y accéder. En août 1942, le chef de la délégation du CICR en Allemagne, Roland Marti, communique à Genève des renseignements en sa possession sur Theresienstadt, une ville fermée et entièrement habitée par des Juifs déportés. Marti estime d’ailleurs qu’il s’agit d’un camp de concentration qui reste interdit au CICR, y compris pour l’envoi de vivres ou la transmission de courrier. Toutefois, un mois plus tard, le CICR obtient l’autorisation des autorités allemandes d’y acheminer des médicaments, puis des colis individuels. Afin de vérifier que ceux-ci sont bien distribués à leurs destinataires, le chef de délégation demande, dès septembre 1942, à pouvoir inspecter Theresienstadt. Sa démarche se heurte d’abord à un refus net de Berlin. Les choses changent cependant après une visite de la ville-ghetto en juin 1943 par la Croix-Rouge allemande. Si cet organisme estime que la situation qui prévaut à Theresienstadt est satisfaisante, il propose toutefois que le CICR y délègue à son tour un représentant. La Croix-Rouge allemande suggère que cet envoyé soit Carl-Jakob Burckhardt, un des dirigeants de l’institution et bras droit du président du CICR Max Huber, mais aussi une personnalité reconnue internationalement. Burckhardt décline cependant l’invitation, arguant qu’une telle visite doit être effectuée par un membre de la délégation du CICR en Allemagne. Les négociations se poursuivent donc et, de l’automne 1943 à l’été 1944, la visite du CICR à Theresienstadt est repoussée à cinq reprises par les autorités nazies. Durant ce laps de temps, ces dernières se lancent dans un programme d’embellissement du ghetto (Verschönerungaktion), tout comme dans la préparation minutieuse de la visite prochaine du CICR. Et ce n’est que le 19 juin 1944, après 22 mois de pourparlers, que Berlin annonce accepter l’envoi d’un délégué sur place pour une inspection devant se dérouler quatre jours plus tard. Le CICR désigne pour ce faire un jeune délégué, Maurice Rossel.
Un humanitaire débutant
Médecin de son état, Rossel offre ses services au CICR en novembre 1943 et est engagé à la fin du mois suivant. Toutefois, il ne commence son travail effectif pour l’institution qu’en février 1944. Après une période de formation et après avoir attendu son accréditation par les autorités allemandes, Rossel quitte finalement Genève le 11 avril 1944, pour arriver le jour suivant à Berlin. La période qui précède la visite de Theresienstadt voit le tout jeune délégué effectuer des visites de camps de prisonniers alliés, ce qui constitue la tâche essentielle des représentants du CICR postés en Allemagne. En tant que délégué novice, Rossel est toujours accompagné lors de ces inspections par un délégué plus expérimenté, à l’exception de trois visites d’hôpitaux militaires qu’il effectue seul. Avant le 23 juin 1944, Rossel n’a jamais été en contact avec des civils emprisonnés par le Troisième Reich et à ce moment-là il n’a que trois mois de pratique concrète en tant que délégué du CICR. C’est pourtant lui qui sera choisi pour mener la toute première visite de l’institution à des victimes juives emprisonnées, car tous ses collègues plus expérimentés ont été envoyés précisément en mission à ce moment-là. Quant au chef de la délégation, Roland Marti, qui a pourtant mené les longues négociations avec l’autorité allemande aboutissant à l’autorisation de visiter Theresienstadt, il est rentré en Suisse pour des vacances au moment même où le feu vert a été obtenu.
La visite proprement dite a lieu le 23 juin 1944, et est placée sous haute surveillance. Le délégué du CICR est en effet encadré, tout au long de son inspection, par des officiels nazis. Il ne peut se déplacer seul, ni – à l’exception notable du Judenältester Paul Eppstein qui lui adresse un discours de bienvenue – parler directement avec les habitants de la ville-ghetto.
De retour à Berlin, Rossel rédige un rapport sur sa visite.
Celui-ci retrace les différentes étapes de cette inspection en les classant par rubriques : logement, soins médicaux, alimentation, etc. Ici, le délégué ne fait que transposer à une visite de détenus civils ce qu’il a appris lors de ses inspections de camps de prisonniers militaires, en répétant les procédures qui y sont appliquées dans ce dernier contexte. Son rapport, y compris par l’usage de rubriques particulières, se calque donc sur ceux rédigés après les tournées dans des lieux de captivité militaire. Par ailleurs, le rapport de Rossel sur Theresienstadt – à l’image des rapports de visites de camps de prisonniers de guerre – est essentiellement une description de la situation prévalant dans la ville, telle qu’elle a été montrée au délégué. Il ne s’agit en aucun cas d’un témoignage personnel de Rossel. Et comme la situation sur place lui semble correcte, Rossel retranscrit cette réalité dans son rapport. Aussi, plusieurs décennies plus tard, lors de sa rencontre avec Lanzmann, l’ancien délégué ne désavoue nullement ce qu’il a écrit, à la grande surprise du réalisateur qui estime, lui, que le rapport est « teinté de rose » et que Rossel a donc été dupé par la mise en scène entourant sa visite.
Une culpabilité évidente
La critique fondamentale du cinéaste à l’encontre de Rossel porte toutefois sur un autre point : son aveuglement. Comment, en effet, en étant l’un des rares témoins à être entré dans la machine de destruction nazie, le délégué n’a-t-il pas saisi la nature réelle du régime hitlérien et donc dénoncé les crimes abominables commis contre les populations juives, y compris à Theresienstadt. Pour Lanzmann, la chose est incompréhensible pour deux raisons : tout d’abord parce que, comme Rossel est présent en Allemagne depuis 1942 – selon les dires de l’intéressé lui-même au cours de l’interview – il a eu tout le temps, pendant ces deux ans qui précédent la visite, de côtoyer de près les autorités allemandes et il ne peut donc pas ignorer leurs desseins à l’encontre des Juifs. Deuxièmement, Lanzmann attribue faussement à Rossel une visite à Auschwitz (sans plus de précision) en 1943, donc bien avant son inspection à Theresienstadt. Dans les faits, le délégué se rendra effectivement, fin septembre 1944, de son propre chef à la kommandantur du camp de concentration d’Auschwitz I (et non d’Auschwitz-Birkenau, comme semble le sous-entendre Lanzmann) pour discuter des possibilités d’y distribuer des vivres fournis par le CICR. A aucun moment, Rossel n’entrera dans le camp, ni ne discutera avec des détenus. Cependant, cette erreur, involontaire ou non,[1] de Lanzmann renforce l’argumentaire à l’encontre de Rossel : comme le délégué n’a pas dénoncé Auschwitz – l’épicentre du mal nazi par excellence – il est resté délibérément aveugle à Theresienstadt. Cette thèse sert à prouver la culpabilité de Rossel, voire même une certaine complicité avec le régime hitlérien en gardant le silence sur ses crimes.
Voir ou ne pas voir ?
Rossel était-il conscient que la réalité qui lui était montrée durant sa visite à Theresienstadt n’était pas la vraie ? A-t-il été capable de voir « au-delà » de celle-ci ? La réponse à ces questions est peu aisée et ne peut se faire que sur la base de conjectures. Il semble d’abord peu probable que le CICR – et donc son délégué – aient été dupés par la Verschönerungaktion organisée par les Nazis dans la ville-ghetto. Cette assertion se base sur l’expérience acquise par le CICR lors de ses inspections dans les camps de prisonniers de guerre. Comme toutes les visites de l’institution étaient annoncées à l’avance, cela permettait aux autorités détentrices d’apporter certaines améliorations aux conditions de vie des lieux. D’où l’importance des entretiens sans témoin entre les délégués du CICR et les prisonniers ; une étape non négociable de la visite et qui avait pour objectif d’obtenir de plus amples renseignements sur le quotidien habituel des captifs. On le sait, à Theresienstadt, Rossel ne pourra pas discuter en privé avec aucune personne. Toutefois, du fait de la longueur et de la difficulté des pourparlers pour avoir accès à la ville-ghetto, il est plausible que le CICR s’attendait à une visite préparée à l’avance.
Ensuite, le rapport de Rossel contient des indices montrant que le délégué s’est rendu compte, au moins en partie, de la mise en scène qui lui était présentée. En arrivant à Theresienstadt, le délégué découvre une situation totalement inattendue, surtout vis-à-vis d’une population juive notoirement persécutée par le régime nazi et ses alliés. Par ailleurs, habitué à visiter des camps de prisonniers de guerre, le délégué sait que les conditions de vie s’y sont dégradées en cette année 1944, en particulier du fait du blocus économique imposé à l’Allemagne. En d’autres termes, Rossel s’attend à trouver à Theresienstadt des personnes amaigries et affectées par leurs conditions de détention. Or, c’est le contraire qui lui est montré, soit une population bien nourrie et qui semble même joyeuse. Rossel note d’ailleurs qu’on peut y trouver des denrées qui manquent à Prague. Ce qui sous-entend que les « ennemis » du Reich seraient logés à une meilleure enseigne que ses propres habitants ! Une telle situation ne pouvait qu’apparaître étrange aux yeux de Rossel. Toutefois, n’ayant pas la possibilité d’exprimer ses doutes ouvertement dans un rapport basé uniquement sur des faits, le délégué va utiliser un stratagème. Son texte est en effet émaillé d’expressions montrant combien il est surpris par ce qu’il voit. D’une façon caustique, il partage cette surprise avec ses accompagnants nazis en leur indiquant que l’aspect le plus surprenant de la visite est les nombreux reports et difficultés auxquels elle a donné lieu en amont, alors même que ce qui lui est montré sur place semble tout-à-fait normal.
Ainsi, la vraie question n’est pas de savoir si le CICR – et son délégué – avaient conscience du fait qu’ils visitaient une ville-Potemkine, ce qui paraît évident au vu des expériences acquises lors des visites de camps de prisonniers et à la lecture des « sous-titres » figurant dans le rapport de Rossel ; mais plutôt de trouver la preuve que ce dernier a été capable de « voir au-delà » de ce qui lui était montré.
Theresienstadt en photos
Pour visiter Theresienstadt, Maurice Rossel a pris un appareil de photos. On ne sait si le délégué a décidé seul d’emporter avec lui cet objet ou s’il a été instruit de le faire. A l’époque, le CICR encourageait vivement ses délégués à prendre, à titre de documentation, des photographies lors de leurs visites de camps de prisonniers, pour autant que cela soit autorisé par la puissance détentrice. Dans le cas de la ville-ghetto, aucune autorisation n’a été demandée par Rossel. Ce fait accompli provoque d’ailleurs une certaine agitation et du mécontentement parmi les officiels SS totalement surpris de voir le délégué débarquer avec une caméra. Toutefois, ils n’oseront pas interdirent à Rossel de photographier la ville et ses habitants, car ce refus aurait pu provoquer les soupçons du délégué. Trente-huit photographies sont prises lors de l’inspection de Theresienstadt. Ces images documentent les différentes étapes de la visite. Plusieurs clichés d’enfants ont été pris par Rossel, car il semble que ce soient les seules personnes qu’il ait pu approcher de près. Les adultes, eux, sont presque toujours représentés de loin.
Quelques clichés paraissent avoir été pris à la sauvette. Rossel assiste par ailleurs à un exercice des sapeurs-pompiers de Theresienstadt qu’il immortalise en prenant cinq photos. On peut d’ailleurs se demander pourquoi il a utilisé autant de pellicule pour montrer quelque chose de somme toute anecdotique.
Toutefois, un cliché se démarque de l’ensemble des photos.
On y voit Rossel en train de poser sur la place principale de la ville, avec en arrière-fond un kiosque à musique pendant un concert public. Si l’on regarde cette photo à la loupe, on se rend compte que l’intérêt de bien des spectateurs ne se porte pas sur l’orchestre en train de jouer. Non, les visages sont tournés en direction de Rossel (ou de la personne qui le photographie). Le délégué apparaît d’ailleurs de manière floue et sous-exposée, comme si ce n’était pas lui le sujet principal du cliché, mais bien la foule derrière, assistant officiellement au concert. En ne regardant pas dans la bonne direction, celle du kiosque à musique censé représenter la « vie réelle » à Theresienstadt, ces spectateurs réfractaires, voire résistants, ne sont-ils pas en train de nous dire que tout ceci est un faux-semblant ? En photographiant à plusieurs reprises les pompiers volontaires de la ville-ghetto, puis en se mettant lui-même en scène au travers de cette photographie unique, Rossel n’est-il pas en train de nous montrer que cette inspection était une farce tragique et qu’il avait su « voir au-delà » de ce que les Nazis avaient bien voulu lui montrer ?
Un coupable idéal
Le principal problème entourant la visite du CICR à Theresienstadt reste cependant le choix de la personne à qui elle a été confiée. Pourquoi a-t-on désigné, pour une mission aussi importante, Maurice Rossel, un délégué débutant ?
On l’a vu, après presque deux ans d’âpres négociations, le CICR se doutait du caractère artificiel de l’invitation à visiter la ville-ghetto, tout comme du fait que cette inspection, menée par un organisme neutre, serait à coup sûr instrumentalisée par la propagande nazie. L’institution avait eu un premier indice de telles manœuvres quand la Croix-Rouge allemande avait suggéré que ce soit Carl-Jakob Burckhardt en personne, une autorité morale du CICR, qui inspecte Theresienstadt. Comme ce qu’aurait pu voir Burckhardt n’aurait guère différé de ce qui a été montré à Rossel, il est certain que Berlin serait sortie vainqueur de l’opération si la proposition avait été acceptée. En effet, une personnalité neutre, de haut rang et bénéficiant d’une reconnaissance internationale aurait apporté une confirmation que l’Allemagne traitait bien les populations juives. Le CICR a toutefois réussi à éviter ce premier piège, en soulignant qu’une telle inspection ne relevait pas de son siège à Genève, mais bien de sa délégation en Allemagne. A son tour, le chef de la délégation, Roland Marti, se devait d’être épargné, de peur qu’il ne perde toute crédibilité auprès des autorités allemandes, en devenant l’homme du CICR que l’on avait pu tromper. Par ailleurs, il était impossible de refuser la visite, d’une part parce que c’était le CICR lui-même qui l’avait demandée avec insistance ; d’autre part, parce qu’en refusant d’aller à Theresienstadt, l’institution risquait par la suite de se voir interdire toute nouvelle possibilité d’accéder à d’autres camps de concentration. La seule solution consistait donc à envoyer un représentant de peu d’importance. Et qui d’autre que le jeune et inexpérimenté Maurice Rossel pouvait aussi bien faire l’affaire ? En partant à Theresienstadt, Rossel gardait non seulement intactes les chances du CICR d’avoir accès à d’autres déportés – juifs ou autres – emprisonnés dans le Reich, mais il protégeait aussi sa hiérarchie et ses collègues des conséquences qu’aurait pu avoir cette inspection de la ville-ghetto, en jouant le rôle de fusible. Car si la visite se passait mal pour une raison ou pour une autre, il était le délégué que l’on pouvait le plus facilement « sacrifier », en arguant de sa jeunesse, de son inexpérience professionnelle, voire de sa naïveté à n’avoir pas vu ce qui n’était pas montré.
Mais Rossel n’était pas aussi naïf qu’il donnait à le croire, et Rossel avait photographié la ville-ghetto. De ce fait, il devenait le seul représentant du CICR à avoir eu accès à un univers jusqu’ici clôt pour l’institution, mais aussi le seul à pouvoir prouver, clichés et rapport à l’appui, que Theresienstadt n’était qu’une façade, et donc que le discours que tenait publiquement le régime hitlérien à propos du sort des populations juives était faux. Et que tous ceux qui, peu ou prou, y avaient cru avaient été trompés. Cette constatation validait aussi, en creux, les récits abominables qui circulaient sur le sort tragique qui attendait les victimes des déportations nazies. Pour le CICR, Maurice Rossel devenait dès lors un personnage encombrant car il était en quelque sorte la preuve vivante d’un échec institutionnel, celui de n’avoir pas assez fait pour aider et protéger les Juifs européens, et de les avoir ainsi abandonnés à un destin fatal.
En réaction à cette mauvaise conscience, le CICR décida alors tout simplement d’oublier Theresienstadt. Il est ainsi symptomatique que l’inspection du 23 juin 1944 n’est pas mentionnée dans le livre blanc que le CICR fait paraître en 1946 sur ses activités dans les camps de concentration. La visite de Maurice Rossel a été volontairement effacée de la mémoire institutionnelle, et cet « oubli » va durer des décennies. Et lorsque le documentaire Un vivant qui passe est diffusé en 1997, remettant en lumière cette sombre affaire et soulevant des critiques acerbes sur le rôle joué par le délégué, le CICR botte en touche, estimant que ce n’est pas/plus son problème, mais bien celui de Maurice Rossel uniquement, lui qui a accordé, volens nolens,[2] l’interview à Claude Lanzmann. Pire, l’institution reprend à son compte l’argumentaire du réalisateur, arguant, à son tour, que son ancien délégué était coupable de ne pas avoir perçu, puis dénoncé la manipulation dont il avait été l’objet à Theresienstadt. Rossel passait ainsi du statut de fusible à celui de bouc-émissaire.
Mais Rossel était-il la bonne personne à accuser ? Ou fallait-il que Claude Lanzmann et le CICR jugent un homme ordinaire, un « homme comme nous », pour en faire un substitut aux vrais coupables, mais déjà hors du chemin de l’humanité, à cause de ce qu’ils avaient fait ? Finalement, Un vivant qui passe ainsi que l’attitude du CICR prouvent avant tout notre totale confusion face à l’inhumanité.
[1] Dans un courrier adressé au réalisateur avant la sortie d’Un vivant qui passe, le CICR avait pourtant bien précisé que la visite à Auschwitz I se situait après celle de Theresienstadt.
[2] Il semble que la visite de Lanzmann n’avait pas été annoncée, surprenant l’ancien délégué au beau milieu d’un repas de famille.
Commentaires