Afin de rétablir les liens familiaux rompus par les hostilités et de soulager les souffrances morales des victimes de la guerre, le CICR met très tôt en place des Agences de renseignements. En Août 1914 est créée l’Agence Internationale des Prisonniers de Guerre (AIPG). L’AIPG possède trois services de recherches : Puissances centrales, Entente et Civils. Ces services se subdivisent en sections selon la nationalité des disparus et des prisonniers.
En Septembre 1939 est créée l’Agence Centrale des Prisonniers de Guerre (ACPG). L’ACPG fonctionne par Services nationaux, créés en faveur des prisonniers de guerre, internés civils et civils ressortissants d’un même Etat.
Certaines femmes y ont fait toute leur carrière et ont très vite accédé à des postes à responsabilités. C’est le cas de Marguerite van Berchem dont nous vous proposons ici le portrait. Marguerite van Berchem est née à Genève le 11 avril 1892. Son père, Max van Berchem, est un orientaliste de renommée mondiale. Sa mère, Lucile Elisabeth de Frossard de Saugy, meurt lorsqu’elle a une année. Lauréate de l’Ecole du Louvre de Paris, elle devient archéologue et poursuit les travaux de son père. Lors de la Première Guerre mondiale, elle devient collaboratrice bénévole au sein de l’Agence Internationale des Prisonniers de Guerre installée au Musée Rath, puis cheffe de la section allemande.
Durant la Seconde Guerre mondiale, elle met ses compétences au service de l’Agence Centrale des Prisonniers de Guerre. Elle est la première convaincue que le travail en faveur des militaires indigènes originaires de l’Empire Colonial français est tellement spécifique qu’il nécessite la création d’un service distinct du service national français. Créée en juin 1940, la Section coloniale du service français devient le Service colonial dès le mois de juillet 1941. Marguerite van Berchem en devient selon toute logique la cheffe. C’est un travail considérable qui attend Marguerite van Berchem. Pour résoudre les difficultés qui s’annoncent (les nombreux cas d’homonymie, l’absence d’état civil dans certains pays, l’illettrisme des populations, les problèmes de déformations de noms dans l’enregistrement par les Puissances détentrices), elle s’entoure d’une équipe de spécialistes ayant vécu dans les colonies et met en place un système de classement par régiment d’incorporation. « …jamais, grâce à cet intermédiaire, le fil entre les prisonniers coloniaux et leur familles les plus lointaines n’a été complètement rompu. Dans l’épaisseur des forêts tropicales du Continent noir, de l’Indochine ou de Madagascar, les messages d’espérance ont réussi toujours à frayer leur chemin. » – Marguerite Van Berchem, Journal de Genève, 28 juillet 1944.
Marguerite van Berchem dirige le service colonial avec assurance et détermination. Convaincue de l’importance de sa mission, elle sait faire entendre sa voix, à l’image de cette circulaire du 15 février 1943 envoyée à plusieurs services de l’Agence où figure en introduction le texte suivant : « Je serais très reconnaissante à tous les chers collaborateurs qui recevront cette note de n’y pas jeter seulement un coup d’œil distrait et pressé, mais de me faire la grâce de la lire, jusqu’au bout. ».
En mars 1943, elle est chargée de prendre la direction du Service des Sections auxiliaires de l’Agence (service qui gère les sections de l’Agence créées dans plusieurs villes de Suisse qui emploient plus de mille collaborateurs) et de procéder à sa réorganisation. Grâce à ses efforts, le total des travaux des Sections auxiliaires triple en quelques années.
En automne 1944, la guerre coupe le contact entre le service colonial et les organismes français avec lesquels il collaborait. Le 23 octobre 1944, Marguerite van Berchem demande à partir en mission à Paris pour s’assurer de la continuité du travail humanitaire. Elle adresse ses arguments en faveur de cette mission à Albert Lombard, membre du Comité, dans cette note plutôt visionnaire.
Pendant le rude hiver 1944-1945, elle est donc en mission à Paris avec deux de ses fidèles collaborateurs, Marguerite Divorne et Charles Forney.
Le document ci-dessous daté du 20 novembre 1944 donne un tableau fidèle de la réalité de la France de l’époque et illustre l’attachement de Marguerite van Berchem pour les collaborateurs du service colonial.
En 1951, Marguerite van Berchem est nommée membre du CICR, puis en 1969, membre honoraire.
Elle décède à Genève le 22 janvier 1984. “elle incarnait admirablement cet esprit de Genève, réfléchi et réservé, volontiers frondeur et caustique, mais généreux aussi et capable de s’enflammer pour de belles causes”. – Jean Pictet, article nécrologique.-
Par son travail en faveur des populations coloniales et ses qualités d’organisatrice et de fédératrice, Marguerite van Berchem illustre parfaitement l’engagement des femmes dans les activités Agence et leur place centrale dans le développement de cette action.
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