La collection photographique du CICR est très impressionnante. Du haut de ses 135’000 documents numériques, elle vous domine, vous le stagiaire fraîchement arrivé. Puis, les mois passent et vous commencez à la connaître. Vous êtes capable de comprendre sa logique, ses qualités et ses défauts, ses chemins autrefois sombres s’éclairent de la lumière de la connaissance et bientôt vous devenez guide pour ceux qui désirent obtenir les incontournables trésors qu’elle contient.
Ce n’est qu’après avoir maintes fois parcouru cette collection que les pépites émergent, ces photos étranges, étonnantes, amusantes. Sur les 135’000 photos numériques de la collection photographique du CICR, 1771 photos dépeignent des animaux. Ils sont, de mon point de vue, une source d’étonnement. Ils servent de moyen de déplacement, de source de revenu ou encore de compagnon. Ils sont soignés, échangés, distribués, transportés. Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’un animal soit toujours coopératif comme nous allons le voir à la suite.
Voici une sélection subjective de photos d’animaux qui m’ont amusée ou qui ont attiré mon œil durant mon année de stage aux archives photographiques du CICR.
Dans le cadre de ses activités, le CICR vient en aide aux communautés touchées par des conflits, quel que soit l’endroit où elles se situent. Cependant, il est parfois difficile d’atteindre certaines communautés très isolées. Là où les camions, les voitures ou les motos ne peuvent se frayer un chemin, les collaborateurs du CICR doivent avoir recours à des moyens plus traditionnels. C’est alors à dos d’âne et de chameau que l’aide arrive.
J’apprécie particulièrement les photographies de ce dernier. On peut retrouver ces animaux dans de nombreux pays. La collection contient même, à mon grand étonnement, la photographie d’un convoi de chameaux perdu dans la neige de Russie. Cette photo, prise entre 1915 et 1920, immortalise l’action de la Croix-Rouge suédoise pour rejoindre des prisonniers de guerre.
Ces animaux sont connus pour avoir un caractère bien trempé. En 1978, une photo est prise sur laquelle figure six chameaux et un délégué du CICR. Sur les six chameaux mis côte à côte, l’un d’entre eux est tiré par le délégué avec une corde pour le faire avancer. La mise en scène de la photo prévoyait probablement que l’animal suive le délégué, mais il ne semble pas décidé à bouger. C’est le coup allongé et les pattes plantées dans le sol que le chameau résiste à l’homme.
Ces chameaux, photographiés en 1991, ont adopté une autre technique de résistance: la fuite. On peut admirer le timing du photographe. Parfaitement cadrée, l’image nous offre d’abord la vue de deux chameaux courant devant un jeune homme en chaise roulante. Ce n’est qu’en tournant le regard vers la gauche que se révèle l’individu (probablement un délégué) courant après les deux fuyards.
Mais même s’ils ont la tête dure, ces animaux sont importants et il faut en prendre soin. Certaines populations survivent uniquement grâce à l’élevage. Les nomades se déplaçant au gré des besoins de leurs troupeaux souffrent particulièrement des conflits. Certaines routes habituelles, lieux de pâturage et points d’eau sont hors d’atteinte ou abimés et les animaux tombent malades. Pour leur venir en aide, le CICR organise des campagnes de vaccination, sauvant ainsi le gagne-pain de ces éleveurs.
Bien sûr, les animaux ne l’entendent pas de cette oreille. Être vacciné, et la plupart d’entre nous le savent, n’est pas une mince affaire. Il n’est donc pas étonnant qu’une fois de plus la fuite soit mise en pratique. Alors que deux spécialistes s’occupent d’un mouton, un autre à l’arrière-plan profite de l’inattention des deux hommes pour prendre ses pattes à son cou.
En dehors des conflits, la sécheresse est également source de problèmes pour l’élevage. Les animaux meurent de faim, de soif et contractent des maladies. Le CICR a donc fait construire plusieurs points d’eau dans des lieux stratégiques pour que les éleveurs puissent s’y rendre avec leurs troupeaux et faire boire leurs bêtes.
Le CICR vient également en aide aux populations affectées en distribuant des vaches, des chèvres, des moutons, des poules ou encore des cochons pour constituer un élevage. Les animaux sont un bon moyen pour obtenir une stabilité économique car, en plus de la viande, le lait et les oeufs sont une source de revenu non négligeable.
Et encore une fois, la résistance est en place.
Et concernant les espèces pour lesquelles la fuite semble compromise, il n’y a que l’appareil du photographe pour immortaliser leur mécontentement. Tel ce gallinacé à l’œil furieux qui ne semble absolument pas apprécier sa situation.
Au final, tous ces animaux ont leur utilité dans les activités du CICR; ils sont un moyen de déplacement, un mode vie et une stabilité économique. Mais sur les photos du CICR, certains animaux ont un rôle bien différent, il s’agit de l’animal de compagnie. Ce sont des chiens, des chats, mais aussi des oiseaux, des chèvres ou des singes. Ils sont là pour apporter un soutien moral, une présence et de la joie dans le cœur de leur propriétaire.
Super article ! J’ai bien rit.
L’élevage est encore une nécessité pour que certains subsistent.
Clins d’oeil malicieux dans l’oeil du cyclone, ces clichés surprenants nous rappellent que la vie continue même dans les pires circonstances.