Depuis sa création en 1863, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour ainsi dire cheminé aux côtés de la photographie. Aujourd’hui, plus de 110’000 images fixes du fonds photographique de l’institution genevoise sont consultables sur notre portail en ligne. Cette nouvelle rubrique vous emmène à la découverte des moments phare du CICR dont ses archives photographiques conservent la trace[1]. A chaque numéro, une galerie d’images sera mise à l’honneur.

Neuf tirages sur papier albuminé sont consultables sur le portail des archives audiovisuelles du CICR relativement à l’U.S. Sanitary Commission. Ce procédé de tirage, exploitant le blanc d’œuf, connaît ses heures de gloire à partir des années 1860 jusqu’ à la fin du XIXe siècle. Par rapport aux tirages sur papier salé, le papier albuminé offre une meilleure définition et un rendu satiné de l’image. La fragilité de ce support impose cependant qu’il soit contrecollé sur une planche cartonnée. La présence d’images de la guerre de Sécession (1861-1865) dans le fonds d’archives photographiques du CICR, un conflit qui a lieu outre-Atlantique au moment de la formation des premières Sociétés nationales de la Croix-Rouge, atteste probablement la volonté d’inscrire l’œuvre internationale dans le temps présent pour en mieux tirer des enseignements pour l’avenir. Créations des photographes Alexander Gardner et James Gibson, ces tirages permettent d’apprécier les infrastructures sanitaires, les moyens de transport et le matériel de secours à disposition de l’U.S. Sanitary Commission à Alexandria (Etat de Virginie), Washington ou encore Gettysburg (Etat de Pennsylvanie).

L’année 1864 – c’est un truisme de le dire – est charnière pour l’œuvre de la Croix-Rouge. Alors qu’au mois d’août la première Convention de Genève est adoptée, les sociétés de secours essaiment en Europe. A titre d’exemples, en février, c’est la Belgique qui se dote d’une société de secours ; en mars, c’est la section genevoise d’un comité suisse qui n’existe pas encore qui est constituée ; en mai, c’est la France, puis, en juin, l’Italie, qui franchissent le pas. Par ailleurs, Louis Appia et Charles van de Velde partent en tant que « délégués » dans la région du Schleswig, que se disputent, pour la seconde fois en moins de vingt ans, le Danemark et la Prusse.

A Genève, Théodore Maunoir, l’un des membres du désormais fameux « Comité des cinq », s’intéresse à des comités de secours qui interviennent aux côtés des armées en campagne dans la guerre de Sécession qui se déroule depuis trois ans aux Etats-Unis d’Amérique. Si la neutralisation du personnel sanitaire semble inconnue de l’U.S. Sanitary Commission, cette dernière dispose en revanche de véhicules de transport et de bâtiments dédiés aux soins et à l’accueil des blessés dont il serait souhaitable de s’inspirer. Pour étayer son propos, le chirurgien genevois s’appuie sur les services rendus par le déploiement des médecins civils de cette commission sanitaire lors de la bataille d’Antietam au profit de 8’000 blessés.

De l’U.S. Sanitary Commission, Maunoir loue avant tout l’indépendance des pouvoirs publics, sa capacité à porter les secours partout où ils s’avèrent nécessaires malgré l’étendue du territoire et son aptitude à s’intégrer aux côtés des services de l’armée. A la veille de la Conférence diplomatique d’août 1864, l’intention de Maunoir pourrait ainsi se résumer à cette question qu’il adresse, par avance et de manière faussement naïve, aux plénipotentiaires qui feront le déplacement à Genève : « Pourquoi donc, […], ce qui se fait chez [les Américains] ne se pourrait-il faire chez nous ? ».[2]

 

[1] Nous nous appuierons ici sur la chronologie établie par Pierre Boissier, dans son Histoire du Comité international de la Croix-Rouge : de Solférino à Tsoushima, tome I, Institut Henry-Dunant, Genève, 1978.
[2] Théodore Maunoir, Note sur l’œuvre des comités de secours aux Etats-Unis d’Amérique, In : Secours aux blessés : communication du Comité international faisant suite au compte rendu de la Conférence internationale de Genève, Genève : Imprimerie J-G. Fick, 1864, pp. 179-187.