Après le cinéma ou la télévision, le jeu vidéo est devenu un vecteur d’influence partagé par des millions d’utilisateurs regroupés en communautés. Fort de ce constat, le CICR tente depuis plusieurs années de faire passer les messages élémentaires du droit international humanitaire. Dernière initiative en date : Liferun, un mode de jeu humanitaire intégré au célèbre jeu de combat Fortnite, bien connu de centaines de millions de gamers.

Fortnite, qu’est-ce donc ?

Fortnite est l’un des jeux vidéo les plus populaires actuellement, avec plus de 250 millions de joueurs enregistrés en mars 2019 dont la majorité a moins de 25 ans [Source : Newzoo]. Il reprend le concept de « battle royal » : 100 joueurs à l’allure cartoonesque s’affrontent jusqu’au dernier survivant. Pas très respectueux des Conventions de Genève, c’est sûr.

Au jeu en lui-même s’ajoute un mode créatif, Fortnite Creative, permettant aux joueurs d’utiliser les possibilités du jeu pour créer leur propre univers : Build your Fortnite. Certains se sont lancés dans de pharaoniques constructions architecturales, d’autres ont créé de grandes histoires romanesques, d’autres encore, comme le CICR, ont créé une série de missions humanitaires.

Liferun, le Fortnite de la Croix-Rouge

Le mode de jeu commence devant l’iconique siège de la Croix-Rouge à Genève où le joueur a le choix entre 4 missions : reconstruire une école, apporter des biens essentiels à la survie d’un village, déminer une région et soigner des civils dans une zone urbaine. Il aura un temps limité pour accomplir chacune de ces missions. Une fois celles-ci achevées, on lui propose des liens pour accéder à plus d’informations sur ces activités fondamentales de la Croix-Rouge.

Le CICR avait déjà participé à l’élaboration d’un mode de jeu de Arma III, simulateur de guerre ultraréaliste, dans lequel le joueur pouvait incarner un travailleur humanitaire sur le champ de bataille, le tout dans une trame narrative de disparition d’un proche sur le champ de bataille.

Les jeux vidéo, porteurs de messages

Comme le cinéma au début du siècle dernier, le jeu vidéo est un genre qui est en train de découvrir ses propres possibilités : objet d’art, porteur de message, porté sur l’action, l’humour, le fantastique ou le féérique, il traite de tous les sujets avec plus ou moins de sérieux.

Ces dernières années, l’industrie du jeu vidéo semble pourtant se modifier et évoluer. Loin d’avoir disparu dans les jeux, la violence indiscriminée a tendance à laisser sa place à une violence raisonnée : distinction ennemis militaires et civils, entre autres. En effet, la plupart des jeux de guerre ou de combats actuels dissuadent les joueurs de s’en prendre aux civils, soit en lui faisant tout simplement perdre la partie, en le mettant dans une situation qui lui rendra la suite du jeu impossible ou encore en désactivant l’option permettant de s’en prendre à n’importe qui.

Le jeu vidéo tend à devenir plus éthique, mais il a aussi toujours été un média profond et complexe. Le joueur attentif aura peut-être remarqué l’émergence de nombreux jeux sensibilisant à des problématiques humanitaires, politiques, sociales, médicales, etc. L’exemple le plus marquant reste sans aucun doute le jeu This War of Mine qui donne au joueur la gestion d’un groupe de survivants dans une ville assiégée et la responsabilité de le faire survivre à la guerre. Acclamé par la critique, ce jeu a offert une toute nouvelle perspective de la guerre avec une expérience et une esthétique de jeu de qualité.

This War of Mine – « Grand-Père, pourquoi les gens tuent d’autres gens ? »

Les Serious game

Pour aller plus loin, de plus en plus de jeux sortent aujourd’hui sous l’étiquette serious game : des jeux dont le but premier n’est pas de divertir mais d’éduquer ou de faire passer des messages : apprendre les langues étrangères ou les mathématiques, arrêter la cigarette, apprendre le massage cardiaque, même apprendre le droit international humanitaire. En effet, la Croix-Rouge française avait organisé un concours auprès d’écoles de jeux vidéo pour créer un serious game apprenant aux joueurs les règles de fondamentales du DIH. Le jeu est actuellement en cours de finalisation. Le CICR a, quant à lui, réalisé plusieurs serious game en réalité virtuelle pour former son personnel aux situations sur le terrain.

Des communautés qui vont au-delà du jeu vidéo

En plus d’être un média en soi, le jeu vidéo fédère aujourd’hui des communautés échangeant et débattant de nombreux sujets allant au-delà du jeu. Les streamers, animateurs spécialisés dans le streaming de jeu vidéo en direct, rassemblent souvent des millions de fans et peuvent utiliser leur influence à des fins de réflexion sociale ou sociétale, comme le harcèlement sexuel sur internet, ou à des levées de fonds.

Le projet Z Event rassemble une fois l’an des dizaines de streamers pendant plusieurs dizaines d’heures, pour encourager leurs fans à soutenir financièrement des associations caritatives. En 2018 et en 2019, le projet a respectivement levé 1 million d’euros pour Médecins sans frontières, et 3,5 millions pour l’institut Pasteur.

Dr Lupo, Lachlan et One shot Gurl, 3 streamers comptabilisant des millions d’abonnés, ont ainsi participé au lancement de Liferun, pour engager leur communauté autour des problématiques humanitaires liées aux conflits armés.

Le livestream de Lachan est accessible en entier sur Youtube.

Si vous êtes un joueur de Fortnite, vous pouvez accéder à Liferun avec le code suivant : 1992-1013-9260 !

Dans Liferun, le joueur devra trouver et soigner des civils dans une ville en ruine

 

Et vous ? Que pensez-vous de la place du jeu vidéo dans les débats contemporains ?