Texte écrit par Cynthia Germond à la fin de son stage à la bibliothèque. J’ai le plaisir de vous introduire l’Ancien fonds que j’aime appeler la « Collection des Membres du Comité fondateur ». Constitué des ouvrages réunis entre la création de l’institution et la fin de la Première Guerre mondiale, je vous invite à découvrir le contexte dans lequel l’Ancien fonds a vu le jour. Afin de vous permettre de vous repérer dans ces plus de 6’000 livres, documents et dossiers, je vous indiquerais comment ce fonds est organisé ainsi que la manière dont vous pourrez y effectuer vos recherches. Enfin, je vous inviterais à voyager au cœur de ses composantes.

 

Un acte de volition et un moyen de communication

Il est une chose d’avoir de grandes idées, il en est une autre de savoir s’entourer des bonnes personnes pour les réaliser : celles qui apportent un angle d’analyse différent, des connaissances et des compétences distinctes et qui permettent d’accroître un réseau.

Henry Dunant avait très probablement ces considérations à l’esprit lorsqu’il constitua le Comité fondateur avec Gustave Moynier, les Docteurs Louis Appia et Théodore Maunoir et le Général Guillaume Henri-Dufour. Connaissant les profils et les formations de ces cinq personnalités, nous pouvons nous faire une idée des thèmes des ouvrages qui vont intégrer leur bibliothèque commune, aujourd’hui nommée Ancien fonds.

Nous ne reviendrons sur les motivations qui ont poussé Henry Dunant à rédiger Un Souvenir de Solferino. Nous rappellerons toutefois que « l’homme en blanc » a eu la singulière idée de faire parvenir un exemplaire de son plaidoyer aux têtes pensantes et dirigeantes les plus influentes de cette seconde moitié du XIXe siècle. Dite volition provoquera, outre la diffusion de ses pensées, l’envoi d’ouvrages au fondateur. Ils auront notamment pour thèmes les mouvements précurseurs de la Croix-Rouge ou encore la médecine d’urgence.

L’Ancien Fonds illustre dès lors d’une part la prise de conscience que le monde a pensé et étudié l’assistance médicale aux militaires en campagnes, et d’autre part que le terrain est fertile pour poser les jalons d’une action collective et codifiée.

L’existence de la Bibliothèque du CICR remonte à la création de l’Institution en 1863. Aussi l’accompagnera-t-elle toujours au cours de ses déménagements successifs, de la Rue de l’Athénée, à la Promenade du Pin puis à la Villa Moynier. C’est après la Seconde guerre mondiale qu’elle sera installée à l’Avenue de la Paix, dans un premier temps dans le bâtiment aujourd’hui encore nommé Carlton, puis dans l’une des annexes construites à mesure que le siège se développait.

 

Les ouvrages antérieurs à la création du CICR

Les plus de 6’000 livres, documents et dossiers qui constituent l’Ancien fonds ont été regroupés entre le temps de la création de l’institution et la fin de la Première Guerre mondiale. Certains ouvrages ont été publiés avant 1863. Nous pouvons notamment citer des publications d’associations devancières des Sociétés nationales à l’instar du Patriotischer Hilfsverein autrichien, du Badischer Frauenverein, de la Commission mixte des aumôniers militaires protestants et de ses résumés historiques des missions à l’armée d’Orient (publié en 1858) ou encore à l’armée d’Italie (publié en 1861), un rapport du Verein der Stadt Zürich zum Transport von schwer verwundeten Militärs de 1848.

Dans ces écrits antérieurs à 1863, nous trouvons également plusieurs publications médicales telles que l’ Esquisse historique du service de santé militaire en général, et spécialement du service chirurgical depuis l’établissement des hôpitaux militaires en France (J. P. Gama 1841), la Nécessité de l’organisation complète d’un corps sanitaire de l’armée : moyen de l’établir sans surcharge pour le trésor (Dr. Clever de Maldigny 1854), Grundsätze und Regeln für die Behandlung der Schusswunden im Kriege (Dr. F. Löffler 1859) ou encore une Notice sur le perfectionnement du matériel des ambulantes volantes (H. Arrault 1861).

Il peut également s’agir de publications paramédicales à l’exemple d’Encore un mot sur les moyens de porter immédiatement secours aux blessés sur les champs de bataille (A. Uytterhoeven 1855) ou des Cuisines ambulantes appropriées à la cuisson du pain et au lavage du linge des soldats en campagne (V. Goffinet 1858), sans oublier les Œuvres complètes de Chamousset (1783).

 

Organisation de l’Ancien Fonds

Gustave Moynier fut le premier à structurer cette collection, à lui donner corps. Le catalogue de la bibliothèque fut rédigé par ses soins dès les années 1870. Ce n’est autre que Paul des Gouttes qui lui succèdera dans cette mission. Ce catalogue est aujourd’hui considéré comme une pièce à part entière de la « Collection des Membres du Comité fondateur » du CICR.

Comment Moynier allait-il ordonner les ouvrages, nés des plumes de plus de 665 auteurs ou encore publiés par les Sociétés nationales et leurs sections locales, toutes en plein développement? Partant du principe que les recherches de documentation allaient être effectuées d’abord par pays, puis par sujet, le catalogue a été élaboré dans ce sens. Les publications sont ensuite majoritairement présentées par ordre chronologique. Parfois, cependant, des documents ont été reçus plusieurs années après leur publication.

Dans un premier temps, ce sont les publications issues de 34 pays qui constituent le catalogue de Gustave Moynier.

Le Brésil, la Chine, Cuba, « l’Etat libre de Counani », le Guatemala, les « Indes » , le Mexique, Monaco, la République de Saint-Marin, le Transvaal et l’Uruguay viendront progressivement compléter cet inventaire, portant ainsi le nombre de pays représentés dans l’Ancien fonds à 45.

Le nombre de publications varie considérablement d’un pays à l’autre. Ainsi, la France habille-t-elle quatorze pages du catalogue, la Grande-Bretagne ou l’Italie onze contre deux pour la Hongrie ou encore une seule pour le Luxembourg. Les pays qui ont intégré le catalogue dans un second temps ne sont pas ceux qui remplissent le plus les rayonnages de l’Ancien fonds : si Cuba compte quinze entrées, d’autres pays ne comprennent que très peu d’ouvrages, voire même parfois un seul.

Trois de ces pays manquent aujourd’hui à l’appel : le Guatemala, les Indes et Monaco. Un opuscule initialement catalogué sous « Indes » a été déplacé vers la rubrique Suisse : For the Red Cross in Switzerland : a pamphlet containing 3 essays publié et distribué par J. C. Bechtler, Helvetia, Allahabad (1914).

La structure par pays du catalogue présente, dans un premier temps, les publications des Croix-Rouge nationales des pays concernés ainsi que de leurs sections locales, dans le cas où elles existent. Le catalogue révèle aussi, lorsque cela est pertinent, les publications d’institutions indépendantes de la Société nationale concernée. Viennent ensuite des ouvrages regroupés sous le terme « divers », scindés en publications médicales et paramédicales.

Les premières publications issues du CICR sont également parties de l’Ancien Fonds. A titre d’exemple, nous citerons :

  • Le Compte rendu de la Conférence internationale réunie à Genève les 26, 27, 28 et 29 octobre 1863 pour étudier les moyens de pourvoir à l’insuffisance du service sanitaire dans les armées en campagne (1863) ;
  • La charité internationale sur les champs de bataille : associations permanentes et universelles de secours aux militaires blessés : un souvenir de Solferino et le traité de Genève publié en 1865 par Henry Dunant ;
  • Le Congrès de Genève : rapport adressé au Conseil fédéral en 1864 par MM. Dufour, Moynier et Lehmann ;
  • la Liste des prisonniers de guerre allemands internés en France publiée par le Comité international (1871) ;
  • la Note sur la création d’une Institution judiciaire internationale propre à prévenir et à réprimer les infractions à la Convention de Genève rédigée par Gustave Moynier et publiée dans le Bulletin international des sociétés de secours aux militaires blessés, No 11, 1872, p. 122-135 ;
  • Les destinées de la Convention de Genève pendant la guerre de Serbie publiées par Gustave Ador et Gustave Moynier en 1876 ;
  • Le chirurgien à l’ambulance ou quelques études pratiques sur les plaies par armes à feu. Suivi de lettres à un collègue sur les blessés de Palestro, Magenta, Marignan et Solférino de Louis Appia (1859).

 

Comment effectuer une recherche d’ouvrage dans le catalogue de l’Ancien Fonds ?

Les trésors de l’Ancien fonds se distinguent des autres composants de la bibliothèque du CICR par leur cote qui débute toujours par « AF ». Nous attirons l’attention sur le fait que le numerus currens ne correspond plus aujourd’hui à la place de l’ouvrage, du document ou du dossier dans le catalogue de Gustave Moynier. Nous avons de bonnes raisons de penser que l’actuelle numérotation remonte aux années 1930, lorsque nos prédécesseurs ont procédé au récolement de la collection. De plus, certains dossiers ont été reliés en un seul volume et plusieurs journaux des Sociétés nationales versés aux périodiques y relatifs. Aussi est-ce dans le fonds Sociétés nationales de la bibliothèque du CICR que se trouvent désormais plusieurs de ces revues.

Tous les livres, documents et dossiers de l’Ancien fonds n’apparaissent pas encore dans le catalogue informatisé. L’équipe de la bibliothèque saura répondre aux questions des chercheurs et se fera un plaisir de préparer les documents qu’ils souhaiteraient consulter au siège.

 

Voyage au cœur de l’Ancien fonds

Afin de vous faire une idée plus précise du type des publications que vous trouverez dans l’Ancien Fonds, nous vous invitons à parcourir cette StoryMap. Vous y découvrirez, pays après pays, les types de publications concernés ainsi que les dates des écrits les plus anciens et récents, tels qu’ils figurent dans le catalogue manuscrit :

Cliquer ici pour afficher la carte animée en plein écran.

Voici résumée la « petite » histoire de l’Ancien Fonds. Petite, car elle ne fait ici que commencer à se raconter. Elle attend les chercheurs et historiens, spécialistes du Mouvement, de l’histoire de la médecine, du droit et des relations internationales qui collaboreront à l’écriture de sa grande histoire.